En une décennie, le Tour a appuyé sur le frein en matière de pollution. Les émissions de CO2 de la course ont en effet baissé de 40% depuis 2013. Pour éviter les déchets dans les zones Natura2000 et les réserves naturelles, la chasse aux détritus passe par des sanctions financières et sportives pour les concurrents récalcitrants. Le Tour s’est même attaqué aux sources indirectes (responsable de 94% de la pollution) notamment les spectateurs.
“On est ravis d’avoir du public, mais pour réduire le bilan carbone global du tour, on est maintenant obligés d’agir sur les émissions des spectateurs”, explique au HuffPost Karine Bozzacchi, responsable RSE (responsabilité sociale des entreprises) de l’évènement. L’objectif est d’encourager les supporters à venir autrement qu’en voiture, 50% prennent aujourd’hui leur véhicule personnel pour s’y rendre. Parmi les solutions proposées par ASO: des parkings à vélos sur chaque étape, une page de covoiturages disponible sur le site, et des billets de TER proposés à des prix avantageux.
On comprend que dans ce contexte la polémique sur l’arrosage du bitume trop brulant fasse du tort aux organisateurs. Ce ne sont pourtant pas eux qui ont le plus de travail à faire. Les partenaires de la Grande Boucle sont encore plus à la traine, avec notamment l’une des attractions traditionnelles du Tour: la caravane et sa distribution de cadeaux sur le chemin de la course.
Plus de goodies en plastique (enfin presque)
Haribo, Cochonou, LCL, Cofidis, Continental: une vingtaine de marques et d’entreprises distribuent près de 18 millions de goodies chaque année. Parmi eux, l’incontournable “bob” aux couleurs de la marque de saucissons.
De taille réduite le plus souvent, des porte-clés et autres gadgets en plastique sont jetés à la volée par les véhicules aux couleurs des partenaires. Sachets de bonbons, porte-clefs, gadgets colorés…des objets souvent de mauvaise qualité, fabriqués en Chine, terminant leur vie dans nos poubelles ou au bord des routes.
De quoi faire tache à l’heure où les grands rendez-vous sportifs mettent l’accent sur leurs mesures de protection de l’environnement. Le Giro, la célèbre course italienne et son programme “Ride green”, Paris 2024 et son “Comité de transformation écologique des Jeux”, jusqu’au mondial de football qatari à l’ambition d’être neutre en carbone… la plus populaire des courses cyclistes doit elle aussi faire son bilan écologique.
Face à ce constat , ASO a demandé à ses fournisseurs de nouveaux gadgets plus “durables” et “utiles”. “On a beaucoup de nouveaux goodies comme des porte-clefs en bois, ou avec des matières plus responsables que du plastique. Et aussi plus de goodies qui sont du textile type bob, casquettes, maillots que les gens peuvent réutiliser”, soutient Karine Bozzacchi.
Mais toutes les partenaires n’avancent pas au même rythme sur la question du plastique. E.Leclerc a développé des emballages papier, Cochonou utilise du plastique recyclé, tandis qu’Haribo continue de distribuer des sachets de bonbons en plastique. “Je pense que c’est une question de temps, Leclerc a déjà fait le pas, Cochonou la moitié du chemin et Haribo va très certainement y arriver rapidement”, poursuit Karine Bozzacchi optimiste sur les progrès à venir des partenaires.
120 arbres plantés et un bob en coton recyclé
D’autres sponsors vont encore plus loin et se lancent dans une litanie de promesses d’action. Mais difficile de ne pas y voir du greenwashing. Cochonou s’engage par exemple à planter 120 arbres pour compenser l’empreinte carbone de ses sept véhicules.
Le HuffPost a tenté de joindre le RSE du groupe pour savoir si cette campagne de “reforestation” avait bien eu lieu. Les messages sont restés sans réponse. Puis, sur Instagram, l’entreprise a enfin répondu: “ce projet n’a pas encore commencé, mais avez-vous vu nos dernières annonces concernant les engagements sur le Tour?”
Esquivant habillement la question, Cochonou rappelle que son mythique bob aux carreaux vichy rouge et blanc est maintenant fabriqué en coton recyclé, les sacs à cabas sont eux aussi en matière recyclée et les chemises distribuées “made in France”.
Des cadeaux promotionnels pas très utiles
Des avancées certes, mais peut-on vraiment parler d’un “engagement” en faveur de l’environnement comme le fait ASO? Selon les critères de l’Agence de la maitrise de l’énergie (Ademe) ce type de campagne tient beaucoup du greenwashing, c’est-à-dire l’affichage d’une politique environnementale à des fins avant tout promotionnelles.
Car s’il y a un progrès marginal avec le remplacement partiel des emballages plastiques, le problème central est toujours le même. L’Ademe appelle ainsi les entreprises à quoi qu’il en soit “éviter de recourir” à ces cadeaux promotionnels dont l’“utilité réelle reste souvent à démontrer” et dont la durée de vie est ultra-courte. Après avoir attrapé un bob Cochonou qui vous protégera du soleil le temps d’observer les coureurs, le ressortiez-vous régulièrement?
Et l’agence d’enfoncer le clou: “L’utilisation de l’argument écologique alors que l’intérêt du produit ou du service pour l’environnement est minime, voire inexistant”, relève ainsi du marketing. Autrement dit, du greenwashing.
Quant à la solution radicale de mettre fin à la caravane, ce n’est pas envisageable: “Une telle mesure viendrait à l’encontre d’un des trois piliers du tour, la performance, la fête et l’utilité, donc la célébration c’est la caravane”, répond Karine Bozzacchi. Eh oui, les coureurs ne sont pas les seules attractions du Tour. Selon les chiffres des organisateurs, 46% de personnes déclarent venir au bord de la route pour la caravane, alors la fin des goodies ça n’est pas pour demain.
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