Le Rassemblement national (RN) n’est pas majoritaire. Ouf ! Le front républicain a fonctionné et grâce aux désistements et au scrutin majoritaire, les 40 % de voix des électeurs d’extrême droite n’ont donné que 25 % des députés.

A l’opposé, la gauche devient la minorité parlementaire la plus importante, pendant que le centre résiste mieux qu’il ne pouvait l’espérer. Ne boudons pas notre satisfaction puisque le RN et Macron, qui mettait en œuvre la politique du RN sur l’immigration et l’éducation pour mieux le désarmer, sont affaiblis au terme de cette séquence politique.

Cependant, à gauche, le soulagement ne devrait pas laisser place à l’euphorie de la victoire quand bien même des déclarations font comme si le programme du Nouveau Front populaire (NFP) avait été approuvé par la majorité relative des Français, et comme si la question du RN avait été réglée une fois pour toutes.

Le désistement républicain a bien fonctionné et, de la même manière que les électeurs de gauche qui ont voté pour un candidat centriste ou de droite ne sont pas devenus macronistes ou LR (Les Républicains), les électeurs venus de la droite et du centre n’adhèrent pas au programme du NFP tout en ayant voté pour ses candidats.

Une part non négligeable des électeurs des députés de gauche ont eu sans doute un peu de mal en écoutant Jean-Luc Mélenchon affirmer que, désormais, le programme du Nouveau Front populaire était celui de la majorité, fut-elle relative, des Français.

Dès lors, comment mettre en œuvre un programme que n’approuvent pas plus des deux tiers des citoyens ? Ignorer ce fait, c’est jouer la carte de la prochaine crise en espérant qu’une fois encore, le RN sera vaincu lors de présidentielles anticipées.

Le sentiment d’abandon des électeurs RN

Le risque n’est pas mince, car l’échec parlementaire relatif du RN ne l’a pas effacé de la vie politique. La condamnation du RN, de son histoire, de son programme, de son racisme mal dissimulé… va de soi, mais elle a peu de chances de convaincre des électeurs dont une grande part votait autrefois pour la gauche ou pour la droite traditionnelle.

Rien ne sert de dire que ce vote est absurde et immoral, quand on sait qu’il s’agit d’un vote populaire s’élargissant aujourd’hui à des catégories et à des générations qui en étaient jusque-là préservées.

Le sentiment de mépris et d’abandon qui porte le vote d’extrême droite ne désigne pas seulement Macron, il concerne aussi la gauche urbaine, « intello », donneuse de leçons, la gauche qui aurait abandonné le peuple pour être la voix des minorités et des classes moyennes qualifiées et diplômées.

Les cartes électorales montrent que ce ne sont pas là des clichés. Toutes les enquêtes sur l’électorat du RN confirment que ces électeurs se sentent abandonnés et méprisés par la classe politique, et notamment par la gauche qui ne s’adresse plus à eux.

Comme il est vrai que la gauche a du mal à se saisir de demandes qui n’entrent pas dans ses champs intellectuels – que faire de la nation, de la sécurité, de l’immigration ? –, le plus simple est de répéter que ce sont des idées fausses, des effets de propagande et, donc, que les électeurs du RN sont irrationnels et aveuglés quand ils ne sont pas simplement fascistes.

Le plus simple est ainsi de replier l’inconnu sur le connu, le sentiment de mépris sur les seuls problèmes de revenus, le sentiment d’insécurité sur le racisme, la défense d’un mode de vie sur une hostilité à l’écologie…

L’euphorie de la victoire, fut-elle relative, est dangereuse car le vote contre le RN n’est certainement pas un vote d’adhésion au programme du Nouveau Front populaire, et parce que la bonne surprise du 7 juillet n’efface pas le succès du RN aux élections européennes et au premier tour des législatives. La gauche devrait apprendre à parler à d’autres qu’à elle-même et à ne pas creuser les fractures qu’elle prétend combattre. Ce ne sera pas facile.

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