« Après avoir procédé aux consultations prévues à l’article 12 de notre Constitution, j’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. » A l’écoute de ces quelques mots prononcés par Emmanuel Macron le dimanche 9 juin, le planning de nombreuses personnes en France a basculé en un instant.

Politiques, journalistes, syndicats, citoyens… En quelques minutes, beaucoup ont su que les trois semaines qui s’ouvraient avant le premier tour des élections législatives du 30 juin seraient intenses et épuisantes.

A quelques heures du scrutin et face au flot ininterrompu d’informations, d’invectives, ou encore de chiffres, que retenir ? Nous vous proposons dix graphiques pour prendre un peu de recul sur une période particulièrement agitée.

1/ Une campagne marquée par les obsessions de la droite

Identité, immigration, sécurité… Dans la foulée d’une victoire électorale historique aux élections européennes, l’alliance infernale entre la classe politique d’extrême droite (RN, Reconquête, partisans d’Eric Ciotti) et médias qui lui sont inféodés (CNews, Europe 1, JDD, Valeurs actuelles…) a tout fait pour éviter la question sociale.

Ainsi s’est poursuivi le procès en antisémitisme intenté contre le Nouveau Front populaire (NFP), devenu à la faveur des sondages le principal concurrent politique du parti lepéniste.

La stratégie, couronnée de succès tant les médias et politiques « centristes » l’ont embrassée, est pourtant basée sur une vaste fable. En effet, la publication – hasard du calendrier – du dernier baromètre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) rappelle que l’antisémitisme et les préjugés contre les juifs restent considérablement plus enracinés à droite et à l’extrême droite.

Au-delà de la question de l’antisémitisme, le RN a tenté de centrer la campagne sur ses thèmes de prédilection, à commencer par l’immigration. En la matière, et comme toujours, le parti a joué avec les peurs des Français, s’alarmant d’une supposée submersion migratoire.

Une théorie qui ne résiste pourtant pas à l’analyse, comme nous l’avons montré dans le cadre de notre série consacrée aux 10 principales contre-vérités propagées par le Rassemblement national.

De même, le RN a, dans sa grande tradition, tenté d’exploiter les faits divers du moment pour laisser penser que la France est devenue un pays plus dangereux que jamais. Là encore, une contre-vérité manifeste, les statistiques de longue durée démentant toute explosion des actes de délinquance et tout « laxisme » du système pénal.

La gauche, de son côté, a bien mieux résisté dans le débat public qu’on pouvait le craindre, parvenant à mettre à l’agenda les questions de pouvoir d’achat, d’inégalités, de finances publiques, etc. De quoi rappeler que l’Hexagone est un pays dans lequel les thèmes de gauche et les valeurs associées à cette grande famille politique n’ont pas disparu.

Ainsi les Français sont-ils, par exemple, plus favorables qu’on ne le pense à la hausse du montant du revenu de solidarité active (RSA), malgré l’offensive idéologique récurrente de la droite contre les supposés « assistés ».

2/ Seule la gauche a un vrai programme social

Au-delà du fracas médiatique, les trois semaines qui viennent de s’écouler ont naturellement poussé les diverses forces politiques à réviser leurs programmes. Le Rassemblement national ne s’est pas beaucoup dépensé, en reprenant pour l’essentiel son projet libéral, inégalitaire, productiviste et réactionnaire de 2022.

Le mouvement d’Emmanuel Macron, lui, n’a visiblement pas été perturbé par sa déroute électorale : entre recyclage d’annonces et statu quo, Ensemble-Renaissance entend continuer à mettre la pression sur les précaires et à renforcer les inégalités.

La gauche (NFP) propose pour sa part un programme de relance keynésien, social et écologique qui rappelle la politique menée outre-Atlantique par Joe Biden, avec succès.

Ces priorités antagonistes définissent des perspectives très divergentes pour le revenu des ménages en France : si le RN arrive au pouvoir, il creusera les inégalités, contrairement à la gauche, ont calculé plusieurs chercheurs dans deux textes (ici et ) publiés sur Alternatives Economiques.

L’une des controverses programmatiques les plus fortes s’est jouée autour de la proposition du NFP de faire passer le salaire minimum (Smic) à 1 600 euros. Vilipendée par le gouvernement et les milieux patronaux car elle détruirait des emplois, la mesure est en fait parfaitement réaliste, ont montré deux économistes dans nos colonnes.

Ainsi, ni la théorie économique, ni les études empiriques, ni les exemples de nos voisins européens ne laissent penser qu’augmenter modérément le Smic fait progresser le chômage.

En revanche, il y a lieu de s’inquiéter de la proposition de la majorité présidentielle de faire passer le plafond de la prime de partage de la valeur (plus connue sous le nom de « prime Macron ») à 10 000 euros. Car cette mesure – en plus de tous ses défauts structurels – a toutes les chances de ne concerner vraiment que les salariés déjà les mieux payés.

3/ Les enjeux du vote du 30 juin

Quelle sera la participation ? Y aura-t-il de nombreuses triangulaires et quelles seront les stratégies de retrait ou de maintien des partis quant à leurs candidats arrivés troisièmes ? Les incertitudes qui entourent le premier tour des élections législatives sont nombreuses.

Une première chose est sûre : les électeurs auront le choix entre moins de candidats que lors des précédents scrutins du même type. Cela s’explique notamment par l’impossibilité, pour beaucoup de partis « mineurs », de s’organiser dans le laps de temps très court laissé par l’annonce inattendue d’Emmanuel Macron.

Dans ce contexte, les voix devraient se concentrer plus qu’à l’ordinaire sur les trois grands blocs qui se font face (gauche, centre-droit et extrême droite). Chaque circonscription va donc faire l’objet d’une lutte acharnée dont l’issue n’est pas certaine.

Car contrairement à ce que peuvent laisser penser certaines cartes trompeuses, massivement partagées sur les réseaux sociaux au lendemain des élections européennes, le RN n’a pas provoqué de raz-de-marée dans le rural. Comme nous l’avons montré à l’aide de cartographies inédites, le paysage politique reste plus morcelé qu’on ne l’imagine.

Comme souvent, mais peut-être plus que jamais, la participation sera la clé de l’élection. Si la gauche et le centre-droit parviennent à remobiliser leurs troupes – qui avaient largement boudé les urnes lors des élections européennes – le RN n’aura pas la vie aussi facile que le 9 juin dernier.

Pour la gauche, l’enjeu se situe notamment dans la capacité ou non à mobiliser les jeunes, qui lui sont favorables, mais qui ne se déplacent pas aussi régulièrement que les classes d’âge plus âgées, dont le vote (majoritairement à droite) est plus systématique.

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