ÉTUDIANTS – Peut mieux faire. Les dispositifs de soutien de l’État aux étudiants pendant la crise sanitaire ont été “tardifs” et “décevants”, estime ce mercredi 16 février dans son rapport annuel la Cour des comptes, appelant à l’avenir à “mieux cerner et quantifier les besoins de la vie étudiante”.

La pandémie de Covid-19 “a profondément bouleversé le quotidien des étudiants”, et l’État a “déployé de nombreuses mesures pour permettre aux étudiants de faire face à la crise”, souligne la Cour des comptes dans ce rapport.

“Cependant, la plupart ne sont montées en puissance que fin 2020. Leur ciblage a par ailleurs souffert d’insuffisances qui en ont amoindri l’efficacité, comme en atteste l’exemple emblématique du repas à un euro”, ajoute-t-elle.

Des dispositifs trop longtemps “circonscrits”

En effet, notent les Sages, les dispositifs “sont restés trop longtemps circonscrits”, avant qu’ils ne se développent à partir de la fin 2020 avec “le versement automatique d’une aide exceptionnelle de 150 euros à l’ensemble des boursiers sur critères sociaux (BCS) en décembre 2020 puis, début 2021, l’élargissement du bénéfice du repas à un euro aux étudiants non boursiers et la mise en place du dispositif Santé Psy Étudiant”.

Mais “cet élargissement paraît tardif et se situe en retrait par rapport à d’autres aides sociales d’urgence décidées par l’État pour des jeunes non étudiants en situation de précarité”, poursuivent-ils.

Pour la Cour des comptes, “sans connaissance fine des besoins des étudiants en période critique, des structures d’administration de la vie étudiante trop nombreuses ont dû apprendre à collaborer en temps de crise, réagir au gré des informations et de l’incertitude, faire face aux lacunes de la communication en direction des étudiants”.

“Le résultat est, dans l’ensemble, décevant; il n’est pas à la mesure des enjeux”, conclut-elle.

Le succès du Plan jeunes ”à relativiser”

Aussi, le plan “un jeune, une solution”, lancé en juillet 2020 face à la crise, était “légitime”, mais l’intervention de l’État a été “parfois mal proportionnée” et son succès est ”à relativiser”, estime également la Cour des comptes.

Les sages de la rue Cambon rappellent que le plan, qui réunit “de multiples dispositifs” (accompagnement, aides à l’embauche, contrats aidés…) et dont le montant total “pourrait avoisiner 10 milliards d’euros”, a été lancé “face à la perspective de l’arrivée sur le marché du travail” de 750.000 jeunes sortant du système scolaire et “dans un contexte économique dégradé par la crise sanitaire”.

Face aux conséquences potentielles de la crise sur l’emploi des jeunes, “une intervention des pouvoirs publics était légitime, mais celle-ci a été parfois mal proportionnée”, jugent les sages, qui ajoutent que “malgré une forte mobilisation pour la mise en œuvre du plan, son succès est à relativiser”.

La Cour pointe notamment une “insuffisante prise en compte des besoins et des capacités des territoires”. À titre d’exemple pour la garantie jeunes, “les valeurs cibles fixées ont été presque systématiquement doublées alors que la demande d’emploi locale des jeunes était très différente d’une région à l’autre”.

Un faible effet sur l’emploi “en volume”

Les sages relèvent aussi “un effet apparemment limité des aides à l’embauche sur le nombre de jeunes en emploi”. 

L’aide à l’embauche des jeunes (AEJ), pouvant aller jusqu’à 4000 euros et qui a pris fin à la fin mai 2021, “aurait favorisé un déplacement de l’emploi des jeunes vers des CDD longs et des CDI, sans conduire à une hausse globale de leur taux d’emploi”, note la Cour.

Quant à l’aide à l’apprentissage (5000 ou 8000 euros selon l’âge des bénéficiaires), “mesure dont le coût est le plus élevé”, elle “a certainement permis d’augmenter significativement le nombre d’apprentis, mais surtout au bénéfice de diplômés dont l’insertion sur le marché du travail n’est le plus souvent pas problématique. L’effet net sur l’emploi en volume est donc vraisemblablement faible”.

Castex souligne le “contexte d’urgence et d’incertitudes dans lequel le plan a été conçu”

In fine, la Cour note que “la situation des jeunes sur le marché du travail apparaissait relativement préservée à l’automne 2021” (le taux de chômage des 15-24 ans “ne s’est pas aggravé en sortie de crise”, à 20% au 3e trimestre 2021, contre 21,2% fin 2019, et leur taux d’activité atteignait 41,1% soit 3,2 points de plus que fin 2019). 

Cela “pourrait laisser augurer d’une réussite” des mesures du plan jeunes “grâce à une meilleure coordination des acteurs et une indéniable mobilisation de l’État et de ses partenaires”, dit la Cour. Mais elle ajoute aussitôt que ce diagnostic mérite d’être “nuancé”, relevant entre autres que “l’efficacité de certaines mesures sur l’emploi, notamment les plus coûteuses, n’est pas avérée”. 

Dans sa réponse à la Cour, le Premier ministre Jean Castex souligne “le contexte d’urgence et d’incertitudes majeures sur le plan socioéconomique dans lequel le plan a été conçu”. Il argue que “la situation de l’emploi des jeunes a été préservée et ce non pas dans le cadre d’un retrait du marché du travail de ces derniers, mais dans celui d’une augmentation de leur taux d’activité, particulièrement remarquable dans le contexte de crise”, ce qui “semble de nature à caractériser l’impact très positif du plan”.

“Mieux cerner les besoins de la vie étudiante”

Pour les Sages, “la crise invite pour l’avenir à mieux cerner et quantifier les besoins de la vie étudiante”, à “ouvrir un chantier de réflexion sur l’organisation des politiques de soutien à la vie étudiante”, à “mieux prendre en compte les risques liés à la santé des étudiants” et ”à rendre plus réactives les modalités d’octroi des bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux”.

La Cour appelle ainsi à “mettre en place des indicateurs fiables et partagés de la précarité étudiante dans ses différentes dimensions”, à effectuer une “revue” des dispositifs de soutien et à “renforcer les moyens des services de santé universitaires”.

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