Pour Mia Tretta, la matinée du 14 novembre 2019 a démarré comme toutes les autres. Élève au lycée Saugus de Santa Clarita, une banlieue nord de Los Angeles, elle venait d’être déposée à l’école par sa grand-mère. Dix minutes plus tard, elle était encore en train de papoter avec ses amis à l’extérieur lorsqu’elle a entendu une forte détonation. Puis une autre. Après ça, c’est devenu le chaos.

La dernière chose dont Mia se souvient, c’est qu’elle était à terre, luttant pour rester en vie. Un élève avait ouvert le feu, semblant cibler ses victimes au hasard. C’était le 16e anniversaire du tireur. Il était armé, comme Mia l’apprendra plus tard, d’une « arme fantôme », une arme à feu de calibre 45 non enregistrée, assemblée à partir de pièces sans numéro de série. Un « équipement » de plus en plus courant aux États-Unis.

Mia a reçu une balle dans le bas-ventre, mais a réussi à se relever et à monter les deux étages qui la séparaient de la salle de classe de son prof d’espagnol, où elle s’est réfugiée jusqu’à l’arrivée de la police. Son ami proche, Dominic Blackwell, 14 ans, a été tué, ainsi qu’un autre camarade de classe âgé de 15 ans. Trois autres personnes ont été blessées et l’auteur de l’attentat s’est suicidé.

Quelques jours plus tard, alors que Mia était encore hospitalisée, les détectives lui ont parlé de l’arme fantôme utilisée pour essayer de la tuer. Elle n’avait jamais entendu ce terme auparavant et a été stupéfaite d’apprendre que les pièces d’armes non montées ne sont pas techniquement considérées comme des armes à feu et qu’elles ne nécessitent donc pas de numéro de série. Les acheteurs ne sont pas tenus de se soumettre à la même vérification fédérale de leurs antécédents que pour les armes fabriquées en usine et vendues par des marchands agréés.

Selon des infos recueillies exclusivement par VICE News, lorsque Mia a été blessée en 2019, énormément de ces armes fantômes circulaient dans certaines régions des États-Unis. Au cours des cinq dernières années, nous avons contacté plus de 50 services de forces d’ordre locaux au sujet des saisies d’armes à feu non sérialisées à l’échelle nationale. Il s’agit de la première tentative indépendante pour suivre l’augmentation de ces armes à travers le pays.

Dix-sept services de police ont fourni des données sur plus de 8 500 armes à feu fantômes récupérées depuis 2016, la grande majorité ayant été trouvée au cours des trois dernières années. Ces chiffres ne représentent probablement qu’une petite fraction du total des armes fantômes saisies par les forces de l’ordre ; plus d’une douzaine d’agences nous ont dit qu’elles ne gardaient tout simplement pas trace des armes non sérialisées ou qu’elles n’avaient aucun dossier disponible, tandis que d’autres ont soit ignoré les demandes de renseignements, soit n’ont pas encore répondu aux demandes de dossiers publics.

Début avril, le ministère de la Justice a publié ses propres statistiques nationales sur les armes fantômes. Les chiffres faisaient état de plus de 45 000 « armes à feu de fabrication privée » récupérées depuis 2016 — ou PMF (privately made firearms) comme on les appelle parmi les forces de l’ordre —, notamment 692 armes liées à des enquêtes pour meurtre ou tentative d’homicide. Les données montrent que les saisies d’armes fantômes ont connu un pic de plus de 90 % l’année dernière et de 1 000 % au cours des cinq dernières années.

Parallèlement, la violence armée est en hausse dans plusieurs grandes villes américaines. Selon le CDC, le taux national d’homicides par arme à feu n’a jamais été aussi élevé depuis 1994. Les données les plus récentes indiquent d’ailleurs la plus forte augmentation des homicides par arme à feu sur une année. Même si le taux de criminalité global reste relativement bas par rapport à ce qu’a connu le pays, cette hausse est alarmante. Les armes fantômes, l’un des nombreux facteurs accusés d’être à l’origine de l’augmentation de ces meurtres violents, sont souvent qualifiées d’« intraçables », car l’absence de numéro de série entrave les enquêtes de police.

Un certain nombre d’affaires récentes très médiatisées ont impliqué des agresseurs brandissant des armes fantômes. Début mars, un Californien a abattu ses trois jeunes filles avant de retourner son arme fantôme contre lui. Le mois dernier, les balles qui ont tué une jeune fille de 16 ans dans le Bronx et blessé deux autres adolescents ont été tirées par un pistolet fantôme. Les armes fantômes ne sont que l’un des types d’armes à feu facilement disponibles aux États-Unis ; le tireur qui a tué 19 enfants et deux enseignants la semaine dernière à Uvalde, au Texas, maniait des fusils de type AR-15 fabriqués en usine et achetés légalement quelques jours après son 18e anniversaire.

Dans tout le pays, seuls 11 États et Washington D.C. ont des lois réglementant ou exigeant l’enregistrement des armes fantômes. La Californie met en place certaines des réponses législatives les plus agressives, le gouverneur soutenant des projets de lois qui encourageraient les poursuites judiciaires contre les vendeurs d’armes fantômes. L’une des propositions permettrait à « presque tout le monde » de poursuivre les fabricants ou les détaillants d’armes fantômes. Elle est calquée sur une loi texane controversée à propos de l’avortement et à laquelle s’oppose la direction démocrate de la Californie.

Le procureur général de Californie, Rob Bonta, a déclaré à VICE News que l’idée est de prendre la loi texane sur l’avortement et de la tourner « à l’envers », afin de l’utiliser pour tenir les mauvais acteurs de l’industrie des armes à feu responsables par le biais de litiges civils.

« Tant que la Cour suprême autorise cette approche, nous l’utiliserons pour faire le bien d’une manière conforme à la Constitution, tout en rendant notre communauté plus sécurisée », a déclaré Bonta.

La réglementation fédérale sur les armes fantômes reste limitée. Comme l’a appris Mia, qui a maintenant 17 ans et fréquente toujours le lycée où elle a reçu une balle, la loi permet à n’importe qui de fabriquer une arme artisanale.

Au cours des années qui ont suivi la fusillade, la jeune fille est devenue une militante convaincue et réclame des lois plus strictes sur les armes à feu non sérialisées. Début avril, son plaidoyer a porté ses fruits. Le président Joe Biden a invité Mia Tretta à se joindre à lui à la Maison-Blanche alors qu’il annonçait de nouvelles règles fédérales visant à mettre un terme à la prolifération des armes fantômes.

« Un criminel, un terroriste, un agresseur de votre entourage peut passer d’un kit de pièces détachées à une arme à feu en 30 minutes à peine », a déclaré le président américain. « Les acheteurs ne sont pas tenus de passer des contrôles d’antécédents parce que ces armes n’ont pas de numéro de série. Quand elles apparaissent sur une scène de crime, elles ne peuvent pas être tracées. »

Mia, qui s’était entretenue avec Biden dans le bureau ovale plus tôt dans la journée, a prononcé son propre discours devant le président. Ce dernier a fait l’éloge de son « courage incroyable » et l’a désignée comme source d’inspiration, avant de dévoiler le plan de l’administration pour une « répression » de ces « ghost guns ». Bien que la loi fédérale n’ait pas changé, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a tenté de clarifier le seuil à partir duquel des pièces d’armes non montées seraient techniquement considérées comme des armes aux yeux de la loi.

Les nouvelles règles visent un type spécifique de produit, surnommé par un vendeur comme le « Buy Build Shoot kit », soit littéralement le « kit Achète Construis Tire », où toutes les pièces et tous les outils essentiels pour les armes à feu sont réunis dans une seule boîte. Ces « armes en kit » ont été popularisées par une société du Nevada appelée Polymer80. Elle a fait l’objet d’une descente de police de l’ATF en décembre 2020 car elle était soupçonnée de violer les lois fédérales sur les armes à feu. Aucune accusation n’a pourtant été retenue, et la société continue de vendre de nombreuses pièces d’armes fantômes malgré les litiges en cours déposés par les villes et les victimes de ces mêmes armes. Le PDG de Polymer80 a refusé notre demande d’interview.

« Polymer80, Inc. a toujours opéré — et continuera d’opérer — légalement, en conformité avec les lois locales, étatiques et fédérales », a déclaré la société dans un communiqué publié précédemment. La société a également critiqué « les tentatives de coopter le terme “arme fantôme” à des fins politiques ».

Le 9 mai, l’ATF a envoyé une lettre à un autre grand vendeur en ligne de pièces d’armes, JSD Supply, basé en Pennsylvanie, lui ordonnant de cesser immédiatement de « transférer tous les composants nécessaires à la production d’une arme à feu entièrement fonctionnelle à un seul client en une ou plusieurs transactions ».

La lettre suggérait que les clients de JSD « structurent » leurs achats et achètent séparément des canons, des gâchettes, des récepteurs et d’autres articles essentiels pour faire envoyer le tout à la même adresse. En réponse, le site a interrompu ses ventes.

Le 19 mai, JSD Supply a intenté une action en justice contre l’ATF et le directeur par intérim de l’agence, affirmant que les pièces qu’elle vendait en ligne « n’étaient absolument pas réglementées par la loi fédérale et échappaient totalement à l’autorité de contrôle de l’ATF ». L’ATF aurait répondu quelques jours plus tard en annulant son ordonnance de cessation et d’abstention.

Le propriétaire de JSD n’a pas répondu à nos demandes d’interview, mais il avait auparavant publié une déclaration dans laquelle il affirmait que « le terme “arme fantôme” était semblable à celui de “fusil d’assaut”, dans le sens où il ne signifiait rien, mais qu’il était utilisé pour effrayer le public et lui faire croire qu’un certain type d’arme, de par sa nature, est plus dangereux qu’un autre ». Il a également déclaré que « les numéros de série ne contribuent ni à rendre les armes plus sûres, ni à la sécurité des gens ».

À la question de savoir si d’autres marchands de pièces détachées avaient reçu des lettres similaires, un porte-parole de l’ATF a répondu que l’agence ne pouvait « ni confirmer ni nier la correspondance et les communications avec les membres de l’industrie [des armes à feu] ». Il y a quelques jours, les images d’une autre lettre de cessation et de désistement prétendument envoyée par l’ATF à un autre vendeur de pièces ont circulé sur les réseaux sociaux.

VICE News s’est entretenu avec plusieurs sources qui ont elles aussi exprimé leur scepticisme quant à l’impact de la nouvelle réglementation fédérale sur les armes fantômes. Quiconque en veut une peut toujours acheter les pièces auprès de plusieurs détaillants ou utiliser une imprimante 3D pour fabriquer la sienne.

Dans le centre au sud de Los Angeles, un homme souhaitant être identifié sous le pseudonyme de Byrd a déclaré qu’il vendait illégalement des armes fantômes à des membres de gangs depuis cinq ans, achetant les pièces détachées en ligne pour 350 à 400 dollars et revendant l’arme terminée jusqu’à 1 600 dollars, un modèle commercial qu’il décrit comme « une véritable tuerie ».

« Quand j’ai découvert ça, je me suis dit : “Nan, ça ne peut pas être vrai” », raconte-t-il. « Vous allez sur ce site web, boum, boum, boum, et vous recevez votre gun par la poste, tout ce dont vous avez besoin pour commettre un crime et voilà, terminé, vous en commandez un autre ».

Byrd a commencé par construire des armes en kit et a depuis amassé une collection d’outils et de pièces, mais il ne semble pas préoccupé par les nouvelles réglementations fédérales destinées à mettre à mal son petit business.

« Je pense qu’il n’y aura jamais de souci », explique-t-il alors qu’il utilise un outil de meulage Dremel pour mettre la touche finale à l’armature d’une arme fantôme de style Glock. « Il n’y a rien qu’ils puissent faire pour arrêter ça. C’est bien trop tard ».

Pour Mia et d’autres activistes, toute tentative de réglementer les armes fantômes au niveau fédéral — aussi limitée soit-elle — est bienvenue. Des réformes plus substantielles nécessiteraient une loi du Congrès, ce qui, dans le climat politique actuel, est loin d’être gagné.

« Si chaque membre du Congrès savait ce que c’est que de se faire tirer dessus, ils se battraient avec beaucoup plus de conviction », déclare Mia. « Mais pour moi, c’est un grand pas. Même si certaines personnes de l’autre côté disent que ça ne va absolument rien changer, ça va déjà rendre les choses moins faciles, et c’est aussi cette facilité qui est à la base du problème. »

Mais même si le gouvernement fédéral devait lancer une offensive tous azimuts, les nouvelles technologies pourraient déjà avoir rendu impossible l’endiguement des armes fantômes.

Au cours de la dernière décennie, les armes à feu imprimées en 3D ont rapidement évolué, passant de pistolets à une balle, peu solides et peu fiables, à des armes modernes sophistiquées, notamment des fusils « Plastikov » de style AK-47, des mitrailleuses automatiques et même un lance-roquettes fabriqué à partir de métal et d’autres composants imprimés en 3D.

De nombreuses contestations judiciaires ont paralysé les efforts auparavant déployés pour stopper le partage en ligne de fichiers d’impression 3D d’armes à feu, et, avec les bons mots clés dans la barre de recherche Google, les plans peuvent facilement être trouvés. Ces armes à feu artisanales constituées de pièces imprimées en 3D ont d’ailleurs été découvertes partout, même en Europe occidentale où les lois sur les armes à feu ont tendance à être bien plus strictes. Mais également au Myanmar, où des combattants rebelles seraient en train de s’armer contre la junte militaire au pouvoir dans le pays.

À l’ouest de Milwaukee dans le Wisconsin, Ethan Middleton, un concepteur d’armes à feu imprimées en 3D, nous a présenté plusieurs de ses créations, dont une carabine 9 mm de type Mac 11 qu’il appelle « Mac and Cheese ». Le récepteur est bleu schtroumpf et tire tout aussi bien qu’une arme fabriquée en usine, bien que le plastique commence à se fissurer après une après-midi de tir. Middleton nous a déclaré qu’il n’avait aucun scrupule à partager des fichiers en ligne pour que tout le monde puisse les télécharger.

« J’essaie de faire en sorte que tout soit aussi légal et ouvert au public que possible, car j’aime le partage d’informations ». Quant à l’absence de numéro de série, il a ajouté : « Il faut que ça soit impossible à tracer. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de gens qui souhaitent que le bureau d’enregistrement et le gouvernement soient au courant de ce qu’ils possèdent, et qu’ils puissent surveiller chaque habitant des États-Unis. »

Quant à la possibilité que quelqu’un utilise l’un des pistolets qu’il a conçus pour commettre une tuerie de masse ou tout autre crime abject, Middleton estime qu’il se sentirait « assez dévasté », mais que cela ne l’empêcherait pas de continuer à concevoir et à partager des fichiers d’armes imprimées en 3D.

« L’histoire montre que les personnes mal intentionnées vont toujours réussir à faire ce qu’elles veulent », explique-t-il. « S’informer peut être dangereux et effrayant… mais toute parcelle d’information doit être mise à la disposition de tous ».

Les services de police interrogés par VICE News n’ont pas précisé quels types d’armes fantômes étaient récupérés dans leurs villes. Les rapports qui impliquent des armes imprimées en 3D dans des crimes restent rares, mais les cas documentés sont troublants. En mai 2020, des membres du groupe extrémiste antigouvernemental Boogaloo Bois ont utilisé une arme fantôme équipée d’un dispositif de conversion pour mitrailleuse imprimé en 3D afin d’attaquer un palais de justice fédéral à Oakland. Ils ont tendu une embuscade à des policiers, tuant deux personnes et en blessant trois autres. Un rapport fédéral sur le contre-terrorisme divulgué l’année dernière mettait en garde contre les individus ayant des « idéologies extrémistes violentes à motivation raciale ou ethnique » et qui utilisent des armes fantômes.

La semaine dernière, la police a arrêté plusieurs membres d’un « gang de rue violent » dans le comté de Riverside, près de Los Angeles, et a saisi une « arme non sérialisée » qui, selon les autorités de l’État, devait être utilisée dans un complot d’assassinat. Selon un porte-parole du bureau du procureur général de Californie, la police a fait une descente au domicile de l’homme soupçonné de fabriquer et de fournir des armes fantômes au gang. Ils y ont trouvé une imprimante 3D.

Au niveau des villes, nos données montrent que les armes fantômes sont plus courantes dans les grandes métropoles qui ont déjà mis en place des lois strictes sur les armes à feu : le département de police de Chicago a récupéré plus de 2 000 armes à feu non sérialisées depuis 2016, enregistrant une augmentation de près de 200 % des saisies de 2020 à 2021. San Diego est passé de 78 armes fantômes récupérées en 2019 à 545 l’année dernière.

Le département de police de New York a lancé la première « escouade des armes fantômes » du pays, une unité au sein de la division du renseignement dédiée aux enquêtes sur les armes à feu non sérialisées. L’inspecteur adjoint Courtney Nilan, qui dirige le groupe, a déclaré que les récupérations avaient déjà augmenté de 300 % au cours des premiers mois de 2022.

Alors que des armes imprimées en 3D apparaissent occasionnellement dans la ville, Nilan a affirmé qu’il était encore beaucoup plus courant pour la police de New York de trouver des armes fantômes fabriquées avec des pièces d’usine. Selon ses dires, le NYPD a identifié au moins 115 détaillants en ligne qui expédient des pièces d’armes fantômes à New York, et parmi eux, certains ont refusé de coopérer avec les enquêteurs à propos des armes récupérées sur les scènes de crime.

« Ces vendeurs en ligne ne procèdent pas à la vérification des antécédents », a-t-elle expliqué. « Ils n’ont aucune idée de la personne qui entre ce numéro de carte de crédit de l’autre côté de l’ordinateur. Ils ignorent si elle a déjà été condamnée pour crime. Ils ne savent pas si elle a des antécédents de maladies mentales. »

Mais la vente de pièces détachées pour armes fantômes peut aussi être parfaitement légale.

Dimitri Karras, vétéran du Corps des Marines des États-Unis, gère Firearms Unknown, une chaîne de magasins d’armes en Californie et en Arizona qui vend des pièces détachées pour les adeptes du Do It Yourself. Selon lui, ses clients viennent d’un peu partout et la plupart d’entre eux souhaitent simplement personnaliser leur arme.

« Nous nous adressons aux personnes qui sont intéressées par la construction, la mise à niveau ou la modification de leurs armes », déclare Karras. « C’est comme un magasin d’informatique. Vous pouvez acheter un Dell ou vous pouvez tout aussi bien aller chez quelqu’un qui va vous permettre de choisir chacune des pièces pour monter votre propre ordinateur, des composants de la meilleure qualité. »

Karras rejette les statistiques montrant une augmentation significative du nombre d’armes fantômes récupérées par la police, affirmant que les policiers ont simplement commencé à compter les armes qui circulaient déjà depuis des années, mais qui n’étaient pas suivies auparavant. Il qualifie les armes fantômes de « terme inventé de toutes pièces, destiné à susciter la peur et la terreur au sein du grand public ».

Karras s’est également opposé à l’ATF sur la question du moment à partir duquel des receveurs inférieurs d’AR-15 et d’autres cadres d’armes inachevés pourraient être légalement considérés comme des armes à feu. En 2014, une précédente société fondée par Karras a été perquisitionnée par des agents fédéraux, mais après des batailles judiciaires, ils ont finalement rendu un inventaire de 6 000 récepteurs inférieurs non finis. D’après lui, il est bien trop tard pour que le gouvernement ait le moindre espoir d’arriver à interdire les armes fantômes.

« Où vont-ils bien pouvoir tracer la ligne ? » s’interroge Karras. « Vont-ils surveiller chaque imprimante 3D dans tout le pays ? Il n’y a tout simplement aucun moyen de contrôler ça. C’est impossible. On ne peut pas empêcher les gens de le faire ».

On ne sait pas encore exactement comment l’ATF appliquera les nouvelles règles annoncées par Biden en avril, mais il semble que les pièces non montées — en particulier les cadres et les récepteurs — ne seront considérées comme des armes à feu nécessitant un numéro de série que si elles portent certaines marques de finition ou sont accompagnées des pièces ou des outils nécessaires pour terminer le processus d’assemblage.

Sans oublier que l’industrie des armes à feu a déjà plusieurs longueurs d’avance ; une société produit une machine d’une valeur de 2 500 dollars, appelée « Ghost Gunner ». D’une simple pression sur un bouton, elle transforme un morceau d’aluminium brut non fini en un récepteur inférieur de AR-15.

Pour Mia, l’idée que les armes fantômes restent non réglementées et facilement disponibles est difficile à avaler. L’auteur de la fusillade de son école était un adolescent, il n’aurait donc pas pu s’acheter une arme de façon légale. Mais il a pu se procurer toutes les pièces et en fabriquer une lui-même. Elle a pris une pause en pleine révision pour réfléchir à la façon dont sa vie a changé depuis l’attaque. Si son voyage à la Maison-Blanche et sa rencontre avec Biden ont été des instants inoubliables, sa mission n’est pas terminée pour autant.

Elle vit toujours dans la crainte d’une nouvelle attaque.

« Il n’existe aucun manuel qui explique ce qu’il faut faire après une fusillade dans son école », me dit-elle. « Le problème, ce n’est pas uniquement que votre meilleur ami a été tué, ou même qu’on vous a tiré dessus. Le problème, c’est qu’on est en danger partout, même à l’école. »

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