Réalisé par André TÉCHINÉ – France 2024 1h25mn – avec Isabelle Huppert, Hafsia Herzi, Nahuel Perez Biscayart, Moustapha Mbengue, Stéphane Rideau… Scénario d’André Téchiné et Régis de Martrin-Donos.

Du 31/07/24 au 20/08/24

LES GENS D’À CÔTÉLa cinématographie au long cours (28 longs-métrages) d’André Téchiné est à elle seule une radiographie des cinquante dernières années. Une œuvre prolifique qui jalonne l’histoire du cinéma français et incarne les vastes problématiques sociétales à travers le tissage habile et minutieux de l’intimité de ses personnages. Aucun sujet ne l’effraie, tout peut être raconté, semble-t-il nous dire, pourvu que l’humain, le lien – même si cabossé, malmené – demeurent. Il se fait le témoin avec Les Gens d’à côté d’une confrontation entre deux visions du monde : d’un côté celle des forces de l’ordre, de l’autre celle d’activistes militants anarchistes. Sur le fil du rasoir de ce sujet périlleux, fuyant tout manichéisme rassurant, se gardant des certitudes et des vérités toutes faites, Téchiné choisit la voie, plus fragile mais bien plus intéressante, des doutes, des demi-teintes, des contradictions, des exceptions…

« Je n’ai pas d’autre famille que la police. » Ainsi parle Lucie, qui a construit son existence autour de son métier de flic. Après le suicide de son compagnon Slimane, policier comme elle, et un séjour en hôpital psychiatrique, Lucie s’accroche à son emploi de technicienne malgré les doutes de sa hiérarchie quant à sa stabilité émotionnelle. Ses supérieurs n’ont d’ailleurs sûrement pas tout à fait tort puisqu’elle le dit elle-même, « le fantôme de Slimane est toujours à mes côtés, mais personne ne le voit ». Le manque d’effectifs étant ce qu’il est, elle est finalement réintégrée dans sa brigade, un moyen peut-être aussi de prévenir un autre drame en lui donnant la possibilité de renouer avec le monde des vivants. Quand elle ne travaille pas, Lucie mène une existence très solitaire, entre le soin apporté aux nombreuses plantes luxuriantes de son salon – qui semblent former autour d’elle comme un cocon tropical – et ses footings dans les allées de son quartier pavillonnaire. Loin, très loin de ce train-train quotidien, gronde la rumeur des manifestations, sur les ronds-points on a allumé des feux de contestation, beaucoup de Français sont dans la rue… les services de maintien de l’ordre aussi.
Un jour, à travers les rideaux de sa fenêtre, Lucie observe ses nouveaux voisins. Il y a de la vie là-dedans, du mouvement, une petite fille joyeuse, une mère un peu débordée, de la musique. Elle espionne vaguement, regarde du coin de l’œil et, forcément, la glace se brise… C’est comme si, soudain, après toutes ces années, Lucie s’autorisait à faire un pas de côté, comme si elle n’était plus simplement la fonctionnaire docile et imperméable aux sentiments mais une femme qui peut encore se sentir utile. Lucie semble renaître, retrouver le goût des choses, le sourire et une forme de légèreté auprès de Julia, cette mère qui pourrait avoir l’âge de la fille qu’elle n’a pas eue. L’affection entre Lucie et « les gens d’à côté » est sincère… et réciproque, même si Yann, le père, reste toujours sur la défensive, comme si au fond de lui il sentait quelque chose de pas tout à fait naturel dans cette drôle d’amitié en train de naître maladroitement.
Et pour cause… Si Yann est un artiste, idéaliste, un peu instable, un peu hors cadre, un peu impulsif, il est aussi – surtout – un activiste militant convaincu, avec un casier judiciaire lourd… Quand Lucie le découvre, elle est tiraillée entre sa conscience professionnelle et sa profonde empathie pour cette famille. Ses repères vacillent… son petit monde bascule. Et si, après tout, cette petite flamme d’humanité ravivée en elle pouvait faire fi des frontières, flic, voyou, vérité, mensonge, monde des vivants, des morts…

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