Le projet de loi autorise, à titre dérogatoire, les producteurs de betteraves à sucre à utiliser jusqu’en 2023 des semences traitées avec des pesticides de la famille des néonicotinoïdes, interdits depuis 2018.
Une urgence pour les cultivateurs
Pour la filière, qui représente près de 46.000 emplois, il y a urgence: les dérogations devraient en effet être effectives au plus tard en décembre, pour laisser le temps aux industriels de produire les semences nécessaires au semis de mars. En cause, un puceron vert qui transmet à la betterave la jaunisse, une maladie qui affaiblit la plante, conduisant à une perte importante de rendement.
Les deux chambres du Parlement ont trouvé un accord sur un texte de compromis. Il a été soutenu vendredi dernier à l’Assemblée nationale par 103 voix contre 45, après encore d’âpres débats.
Le Sénat dominé par l’opposition de droite l’a approuvé à son tour ce mercredi par 183 voix contre 130, vote qui vaut adoption définitive.
Dans un communiqué, le président de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), Franck Sander, a salué “un vote crucial”. Il a réclamé par ailleurs que l’adoption de ce texte s’accompagne d’un “mécanisme d’indemnisation financière à destination des betteraviers à la hauteur des lourdes pertes engendrées par la jaunisse”.
Record de contestations
Cette réintroduction temporaire des néonicotinoïdes a divisé la majorité présidentielle début octobre, en première lecture, avec un record de contestations chez les députés LREM depuis le début de quinquennat: 32 votes contre et 36 abstentions. Au sein du groupe majoritaire, 175 députés avaient soutenu le projet de loi.
Le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a reconnu à plusieurs reprises qu’il s’agissait d’un texte “difficile”, pour défendre la “souveraineté alimentaire” française face à une “situation exceptionnelle”. Il a rappelé “l’engagement résolu” de la France en faveur de “la transition agro-écologique”. “Nous sommes tous ici favorables à l’arrêt des néonicotinoïdes”, a-t-il martelé.
La rapporteure du texte au Sénat Sophie Primas (LR) a aussi considéré que ce texte répond à “une urgence”. Pour l’année 2020, Sophie Primas évoque des pertes de rendement estimées “entre 13 et 20%” sur le territoire national, avec dans certains départements, “des pertes moyennes sans doute au-delà de 40 voire 50%”.
“Défaite magistrale, sanitaire et environnementale”
Mais comme à l’Assemblée, le bloc de gauche a fait front commun pour relayer l’opposition des apiculteurs et organisations de défense de l’environnement.
La gauche reproche au gouvernement de “ne pas respecter” le Parlement en revenant sur le vote de 2016 qui avait interdit ce type de pesticides à partir de 2018.
Le sénateur écologiste Joël Labbé a dit sa conviction que “même dans une situation d’urgence, des alternatives étaient possibles”, défendant un changement du “modèle agricole”, basé sur “l’agriculture paysanne”.
“Ce projet de loi est une défaite magistrale, c’est une défaite sanitaire et environnementale”, a fustigé Angèle Préville (PS). Au Palais Bourbon, l’insoumise Mathilde Panot a promis un “signalement” devant la Cour de justice de la République pour “mise en danger délibérée de la vie d’autrui”.
Les betteraves sucrières, seules concernées
Le projet de loi consolide en premier lieu l’interdiction de l’utilisation des néonicotinoïdes. Il précise que les dérogations ne pourront être accordées, jusqu’au 1er juillet 2023, que pour les semences de betterave sucrière, et après avis d’un conseil de surveillance.
“Chargée du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives” aux néonicotinoïdes, cette nouvelle instance sera notamment composée de huit parlementaires ainsi que de représentants de la filière et d’associations de protection de l’environnement.
En outre, sur des parcelles où ont été utilisés des néonicotinoïdes, il sera interdit d’implanter des cultures attirant les abeilles afin de ne pas les exposer.
Le Sénat a avancé la date d’entrée en vigueur de la loi, au plus tard le 15 décembre. Il a aussi introduit un article, voté à l’unanimité au palais du Luxembourg, visant à permettre aux ministres de l’Agriculture et de la Consommation de s’opposer à l’importation de denrées alimentaires traitées avec des substances interdites au niveau européen.
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