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Comment les Pays-Bas, “pays historiquement pingre” bloquent la solidarité européenne depuis le début du coronavirus

UNION EUROPÉENNE – Un sommet sans fin. Entamées vendredi 17 juillet, les discussions autour du plan de relance européen patinent à Bruxelles au point que le Conseil européen en cours est le plus long depuis une vingtaine d’années. Les dirigeants des 27 États membres ne s’étaient pas retrouvés physiquement depuis cinq mois, crise sanitaire du coronavirus oblige, ils prolongent, ce lundi et pour le troisième jour d’affilée, d’âpres négociations aux issues incertaines. 

L’enjeu des débats qui reprendront à 16 heures est double. Ils doivent adopter un fonds constitué par une capacité d’emprunt de 750 milliards d’euros pour relancer l’économie et par la même occasion montrer enfin le visage rassurant de l’unité. Problème: comme depuis le début de la pandémie de covid-19, la cohésion européenne se fracture sur l’opposition entre le couple franco-allemand et les États dits “frugaux” ou “radins”.

Les premiers plaident pour une enveloppe de 500 ou 400 milliards d’euros de dons, quand les seconds exigent un rabotage et un droit de regard sur les plans de relance nationaux en échange de toute aide. Un blocage, qui a fait sortir Emmanuel Macron de ses gonds dimanche soir, et dont les Pays-Bas sont désignés comme les premiers responsables.

Macron s’énerve

Selon un membre de la délégation française, le président français a tancé les “incohérences” des nations “frugales”, des Pays-Bas à Autriche en passant par la Suède et Danemark, lors du dîner entre les dirigeants européens. Il a affirmé, d’après une source européenne, que c’était la France et l’Allemagne qui allaient “payer ce plan”, dans “l’intérêt de l’Europe, quand les frugaux sont égoïstes et ne font aucune concession”.

Il s’en est notamment pris au Premier ministre néerlandais Mark Rutte et au chancelier autrichien Sebastian Kurz, considérés comme les plus inflexibles après trois jours de négociations stériles. Il a notamment comparé le positionnement du Néerlandais à celui de l’ex-Premier ministre britannique David Cameron, qui a souvent adopté une ligne dure lors des sommets européens, mais a fini par perdre le référendum sur le Brexit.

Nombreux sont les responsables politiques français à fustiger l’attitude des Pays-Bas, qui mettent en péril un plan de relance bénéficiant surtout aux économies des pays du sud, les plus touchés par la crise du coronavirus.  “Les Pays-Bas refusent la solidarité”, s’agace par exemple l’eurodéputé vert David Cormand.

Nathalie Loiseau (LREM) s’est fendue, de son côté, d’une comparaison peu glorieuse façon syndic de copropriété quand le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand jugeait “insupportable” l’idée qu’un seul pays empêche ”égoïstement” le plan de relance européen. 

“Discours répugnant” et “mesquinerie récurrente”

Les Pays-Bas, pointés du doigt? C’est loin d’être une première. Dès le début de la crise sanitaire, l’Élysée n’hésitait pas à fustiger la responsabilité de ce “seul pays” à s’être opposé à l’activation du Mécanisme européen de stabilité, permettant de prêter de l’argent à un État en difficulté jusqu’à concurrence de 2% de son PIB. Un blocage déjà “contreproductif, incompréhensible” pour l’entourage d’Emmanuel Macron, qui pointait alors “l’effondrement, notamment en Italie, du degré de confiance envers l’Europe.”

Message reçu? Pas tellement, puisque les différentes négociations menées depuis n’ont ni abouti à un plan concret ni fait montre de la solidarité européenne.

Fin mars, à l’issue d’un premier Conseil européen infructueux, c’est le Premier ministre portugais Antonio Costa qui critiquait la “mesquinerie récurrente” des Pays-Bas avec une rare violence. ”Ce discours est répugnant dans le cadre d’une Union européenne. C’est vraiment le mot: répugnant”, fustigeait-il, au sortir de nouvelles négociations.

Selon la presse néerlandaise, le ministre des Finances, Wopke Hoekstra avait passé sa semaine à tancer les pays du Sud, qui auraient dû économiser davantage ces dernières années pour absorber les coûts entraînés par la pandémie.

“Un pays historiquement pingre”

“Les Pays-Bas se positionnent sur la logique de dire, ‘nous on a des finances saines, pourquoi on paierait pour les autres? Les réformes difficiles que nous avons menées nous permettent d’être moins touchés aujourd’hui’”, nous expliquait Tara Varma en avril dernier. Et la directrice du Bureau de Paris de l’European Council on Foreign Relations de poursuivre: “ils ont beaucoup puisé dans ce narratif. Les réactions ont été atterrées et il y a eu un clash.”

L’ancien patron des Verts, devenu eurodéputé David Cormand nous décrivait de son côté le pays de Mark Rutte comme “un pays qui a toujours été historiquement pingre, qui ne veut pas mettre au pot commun en pensant que le retour sur investissement n’est pas assez bon.” 

Également remontée, l’Insoumise Manon Aubry pointait, comme son collègue “l’ironie de la situation.” “On parle d’un des pires paradis fiscaux qui vient maintenant donner des leçons de solidarité alors qu’il est l’incarnation même de l’égoïsme européen”, expliquait-elle au HuffPost le 23 avril dernier.

Trois mois plus tard, la fracture entre les “frugaux” et les partisans d’un large plan de relance apparaît plus profonde que jamais. Une certitude semble toutefois s’imposer à l’issue de trois nouvelles journées de négociation: les ambitions du couple franco-allemand seront revues à la baisse. 

À voir également sur Le HuffPost: Au sommet européen, la chorégraphie des dirigeants pour se saluer en respectant les gestes barrières

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