Et puis y’a Etienne Vernaeve, qui ne se laisse pas seulement séduire par les disques que vous seriez tentés d’accrocher sur vos murs entre des posters de champignons lumineux. Etienne a trouvé sa voie : dénicher les pochettes d’album les plus dégueulasses de Belgique et les mettre en ligne. Ugly Belgian Records est votre nouveau temple.
VICE : Etienne, comment tu choisis les pochettes qui sont assez moches pour mériter une place sur ton compte Instagram ?
Etienne : Les critères sont multiples, le principal étant le look de l’artiste. C’est pas très fairplay mais c’est ce côté « ringard » qui fait le succès de la démarche. L’apparence en dit généralement beaucoup sur le contenu. Un mauvais disque va souvent de pair avec une vilaine mise en page, une vilaine typo, des fautes d’orthographe et, indispensable, deux mauvais morceaux pressés sur la plaque.
« La vilaine pochette est simplement l’apanage du mauvais disque. »
Est-ce que ce projet est lié à ton histoire perso ?
Mon grand-père paternel travaillait pour His Master Voice Belgique puis EMI. À l’époque, mon père lui demandait des paquets d’invendus pour en faire des lots de tombola. J’ai commencé à collecter de bons et de très mauvais disques en me servant là-dedans. Donc déjà très jeune, j’aimais rire de ces disques. J’ai 59 ans, ces disques sont plus de mon époque que celle de mes parents. Entre-temps, j’ai eu la chance de jouer dans des groupes qui ont enregistré pour deux labels belges, Les Disques du Crépuscule et dernièrement pour Sub Rosa, connus entre autres pour le soin particulier apporté au design de leurs pochettes, et j’en suis assez heureux.
Pour en revenir aux moches, y’a presque 400 pochettes sur ton compte. Comment ça se fait qu’il y a autant de trucs laids en Belgique ?
Pour être honnête, je ne pense pas que la Belgique produise plus de pochettes moches que le reste de l’Europe. La laideur des pochettes, faite consciemment ou non, est intrigante et n’est finalement qu’une question de point de vue mais surtout d’époque. Il est probable que le public cible les trouvait à son goût. D’un autre côté, les années 1960 et 1970 ont été les années les plus prolifiques en termes de superbes pochettes. Les disques pop ou psychédélique, free jazz ou de musique contemporaine ont été de belles vitrines artistiques. La pochette de disque est souvent en accord avec la musique qu’il y a dedans. La vilaine pochette est simplement l’apanage du mauvais disque.
C’est laquelle ta préférée ?
Il n’y en a pas une spécifiquement, mais plusieurs types de disques « Ugly » ont ma préférence : ceux dont la musique est chantée par les enfants sont en général vraiment très marrants, ceux avec des artistes qui chantent faux, les pochettes avec fautes d’orthographe ou autres erreurs. Et puis il y a les objets particuliers, auto-financés, qui ne sont sur aucun label. L’artiste a fait la pochette avec les moyens du bord et distribué le disque à un cercle réduit. Ce sont des pièces uniques et rares qu’il ne faut pas laisser passer et qu’on trouve pour presque rien.
Tu les trouves où tes disques ?
Je suis un collectionneur de « bons disques » ; je m’intéresse plus particulièrement au rock psychédélique, au Krautrock, à la musique expérimentale, à la Sunshine pop et à plein d’autres styles. Du coup, je passe pas mal de temps dans les magasins de disques neufs ou de seconde main. Je fouine aussi beaucoup sur les brocantes et les magasins style Les Petits Riens. Là-bas, je paie en moyenne entre 20 centimes et 1 euro. Dans ces boutiques, je trouve toujours des objets pour mes autres collections, comme des emballages d’orange, des cassettes défraîchies ou ces hideuses cartes de visite de concessionnaires automobiles. D’autres collections arrivent.
« Depuis peu, sur ma page Instagram, je poste en plus d’extraits sonores. Cette nouveauté va m’obliger à devoir tous les réécouter. »
T’as déjà été contacté par des artistes qui ont réalisé ces disques ou par des personnes qui y ont été associées ?
Non, jamais.
T’écoutes les chansons des disques dont tu partages la pochette ?
Au moins une fois, mais pas trop lors de la même journée sinon ça fout le cafard. Depuis peu, sur ma page Instagram, je poste en plus d’extraits sonores. Cette nouveauté va m’obliger à devoir tous les réécouter.
T’en fais quoi une fois que tu les as photographiées et partagées ?
Je les range sur des étagères, dans mon grenier. Mes bons disques sont à portée de main mais ceux-là sont un peu à l’écart !
Qui produit le plus d’albums moches : l’industrie musicale francophone ou les artistes néerlandophones ?
J’en ai aucune idée, ça doit être assez égal. Au niveau musical, ce qui est intéressant ce sont les particularités régionales. Un·e chanteur·se avec un accent, c’est toujours un plus !
Y’a un retour en force des vinyles depuis quelques années. La plupart des 45 tours que tu partages sont vieux. T’as pas des pochettes de disques de notre époque qui sont assez moches pour mériter de figurer sur ta page ?
Aujourd’hui, pour moi, les pochettes de disques de Hard Rock ou de Heavy Metal sont souvent assez laides. Mais je m’imagine pas acheter des disques neufs à prix plein uniquement pour la laideur de sa pochette. Le CD single n’est pas un format très attirant et il est maintenant remplacé par le format numérique. La période qui nous intéresse propose une foison de productions faites par des petits labels régionaux et dont on peut trouver des exemplaires sur toutes brocantes de village.
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