Bruno parti en vacances en Italie avec sa copine accro à son compte Insta food
Il préparait depuis des mois ce road trip italien en amoureux. Tous les deux grands amateurs de la cuisine italienne, Bruno espérait se reposer après de longs mois de travail acharné autour d’une bonne pizza, cuite au feu de bois. Mais c’était sans compter sur le compte food Instagram de sa copine spécialisé dans la cuisine et les photos de plats alléchants. « Je me doutais qu’elle allait prendre des photos, elle le fait déjà à chaque fois qu’on va au resto. Mais là j’ai craqué. » Du petit déjeuner au dîner, Bruno doit attendre dix longues minutes avant de pouvoir enfin attaquer son plat. « Elle prenait encore plus de temps que d’habitude parce qu’elle voulait que la vue derrière le plat représente bien l’Italie. Et le pire, c’est quand je devais la prendre en photo avec le plat, là je savais qu’on en avait pour mille ans. » Pour chaque plat, sa compagne prend en général une cinquantaine de photos différentes et passe tous les jours plusieurs heures à chercher les meilleurs restaurants du coin.
« Pour les prochaines vacances, je vais proposer un pays avec de la bouffe vraiment pas ouf et un peu moche, genre l’Allemagne ou la Pologne »
Mais aussitôt le plat terminé, il faut ensuite réfléchir au cliché parfait, au filtre, hashtags et à la publication. « Elle me gâchait tout le repas à faire ça. J’ai eu l’impression qu’elle avait encore moins de temps à me consacrer que lorsqu’on travaille. » Au fil des jours, le trentenaire a préféré ne plus attendre sa copine pour commencer à manger, au risque de démarrer quelques engueulades. Même si Bruno pense qu’elle n’a toujours pas vraiment compris ce qu’il lui reprochait, il a déjà une idée pour remédier à ce problème : « Pour les prochaines vacances, je vais proposer un pays avec de la bouffe vraiment pas ouf et un peu moche, genre l’Allemagne ou la Pologne. »
Andréa et son copain Tiktokeur
L’année dernière, ce couple a profité du premier confinement pour se lancer sur Tiktok. Actuellement en vacances, en Grèce, Andréa ne s’attendait pas à ce que son copain ramène son trépied et sa ring light (accessoire lumineux pour smartphone) pour filmer ses vidéos. « Il tourne généralement deux Tiktok par jour. On ne dirait pas comme ça mais ça prend énormément de temps à faire parce qu’il faut faire beaucoup de prises pour que ça corresponde pile poil aux paroles de la chanson. » Entre le tournage, le montage et la publication, Andréa estime que son copain y passe 5 heures par jour en ce moment. Et les vacances dans tout ça ? « On fait peu d’activités, on va soit se promener soit se poser à la plage. Ça fait que je passe aussi beaucoup de temps sur mon portable parce que je m’ennuie à attendre constamment qu’il termine ses vidéos. »
« J’adore ce réseau mais je suis toujours gênée quand on se filme en public. On en fait quelques-uns à l’hôtel mais lui préfère forcément qu’on les fasse dehors vu qu’il fait beau et que la vue est belle.» Au restaurant, chacun reste sur son portable en attendant d’être servi. Une habitude que le couple a déjà pris au quotidien, en dehors des vacances. « En temps normal, on est déjà toujours sur nos portables. Là, ce qui change, c’est seulement qu’on est en Grèce mais on fait la même chose de notre temps libre que d’habitude. »
Les story snapchat à Marseille
« C’est Marseille bébé » ou « en live depuis la ville de Jul » ne sont qu’un extrait des nombreuses phrases clichées que le copain de Malika a crié en stories sur Snapchat en arrivant sur leur lieu de vacances. Suivi par 20 000 personnes, son copain “snap” tous les jours son quotidien. Cet été, Malika avait pourtant réussi à faire promettre à son copain de moins publier sur les réseaux pour profiter ensemble. Promesse qu’il n’a pas tenue. À peine arrivés dans la cité phocéenne, les stories Snapchat se sont enchaînées. « Il me montre dans les stories donc, en plus, je suis obligée d’avoir l’air souriante pour sa soi-disant communauté alors que je veux juste kiffer mes vacances en paix. »
« Je voudrais faire ma vie avec lui mais je ne me vois pas apprendre à mes enfants à ne pas faire ce qu’il fait tout le temps »
Au bout de quelques jours, Malika craque et confronte son compagnon, qu’elle menace de quitter. Une dispute explose. « Je lui ai dit que j’en avais marre de sortir avec un mec qui filme toute sa vie et de faire genre qu’il était toujours en train de kiffer et dépenser alors qu’on compte le moindre centime. Je voudrais faire ma vie avec lui mais je ne me vois pas apprendre à mes enfants à ne pas faire ce qu’il fait tout le temps. » Face à ces accusations, son conjoint s’agace mais ne décroche pas pour autant.
Après deux semaines à Marseille et des centaines de stories Snapchat, Malika se retrouve au pied du mur. « J’ai l’impression d’avoir une troisième personne qui se met toujours entre nous. Enfin c’est pas seulement une troisième mais des milliers. » Car après chaque publication, il lit et répond à, quasiment, tous les messages de ses abonnés. « Il les voit comme ses amis mais pour moi c’est plus des ennemis. » Malika rêve de plus en plus de faire voler le portable de son conjoint par la fenêtre. On espère pour lui qu’il le réalisera avant qu’il retrouve son portable explosé en mille morceaux.
William et les photos d’influenceuse de sa copine
Qui n’a pas déjà vu ce conjoint obligé de prendre en photo sous tous les angles son compagnon pour faire la photo parfaite pour Insta ? Celui derrière la caméra, c’est William. Ce dernier fréquente, depuis trois ans, une micro-influenceuse. La jeune femme possède un compte Insta consacré à la mode, suivi par 12 000 personnes. Elle prend très au sérieux son compte et espère bien en vivre un jour. Si elle y arrive, ce sera malheureusement sans William, qui a décidé de mettre fin à leur relation suite à des vacances trop connectées. « Je n’en pouvais plus de devoir constamment faire des détours pour aller pile dans les lieux instagrammable et devoir la prendre en photo sans qu’elle ne soit jamais satisfaite. »
William n’a jamais été branché réseau sociaux, c’est même ce qui a charmé son ex-copine. « Elle avait un compte sur toutes les applications possibles et inimaginables, moi j’ai seulement Whatsapp. Donc autant dire qu’on était vraiment à l’opposé. » Si au début, le compte Insta de sa copine ne le dérangeait pas, il lui a, petit à petit, demandé des coupures pour passer plus de temps ensemble sans aucune notification. « Je savais que ça lui faisait vraiment du bien après le travail de faire ça donc je la laissais faire mais parfois ça me rendait dingue. »
« Personne sur son lit de mort ne s’est jamais dit, j’aurais dû passer plus de temps sur Insta à scroller »
Fin juin, le couple part pour une semaine en Espagne. Des vacances que William appréhendait d’avance. « Avec le Covid, on est parti qu’une seule fois en vacances en couple et ça s’était déjà mal passé, je voyais cet été comme un test. » Une tentative qui a échouée face au temps passé sur Instagram. « Je devais la prendre en photo toutes les cinq secondes, elle changeait de tenues au moins quatre fois par jour. J’ai essayé de lui dire que je n’en pouvais plus mais tout ce qu’elle me répondait c’était que j’étais vieux jeu. »
Les vacances ont vite tourné au vinaigre et le couple a fini par se dire définitivement adieu à leur retour en France. Toujours amoureux, William regrette que sa compagne n’ait pas réussi à lui accorder plus de place dans vie en dehors des réseaux sociaux. « Personne sur son lit de mort ne s’est jamais dit, j’aurais dû passer plus de temps sur Insta à scroller. Je voulais juste passer de vraies vacances et un peu de temps avec elle. C’est si compliqué que ça ? »
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