Frontières fermées, motifs impérieux, règles au niveau des vaccins et des pass vaccinaux qui diffèrent, beaucoup de nouvelles règles ont contraint les Français à faire attention avant de s’évader. Les périodes de restrictions et de retour à plus de liberté se succèdent sans qu’on puisse les anticiper. La levée des restrictions en deux étapes, les 2 et 16 février, laisse présager une accalmie de l’épidémie. Pour voyager dans l’Union européenne, le pass vaccinal est désormais valable neuf mois après l’injection. Pourtant, avec l’expérience des deux dernières années, pas simple de se dire, “cette fois c’est la bonne”.
“Je me tiens prêt. Tout comme je me tiens prêt, depuis deux ans, à des solutions alternatives de plus ou moins dernière minute”, raconte ainsi Romain, fonctionnaire territorial de 47 ans, rempli d’incertitude à l’approche de ses prochaines vacances. Pourtant, il continue, comme d’autres, d’espérer et oser se projeter en vacances. Les projets de l’an dernier, voire d’il y a deux ans deviennent ceux de demain ou des mois à venir.
Les vacances comme une visualisation
Pour Jérôme Palazzolo, psychiatre et psychothérapeute contacté par Le HuffPost, l’envie de vouloir constamment anticiper est tout à fait humaine. “L’anticipation est normale et marqueuse d’une bonne santé mentale. Préparer ses vacances est d’ordre conjuratoire. On se dit: ‘Je sais que je vais partir à telle date, à tel endroit’. On a besoin d’être dans une dynamique d’anticipation, note-t-il. Commencer à préparer ses vacances relève aussi de processus thérapeutiques similaires à la visualisation et à l’imagerie mentale”.
Pour Samuel Dock, psychologue, nos difficultés, voire notre incapacité à nous projeter, relèvent des contraintes de mouvement – confinements, lieux clos, frontières fermées, etc. “Le temporel n’existe que dans une spatialité. Sans espace, avec des mouvements réduits, bien sûr que notre perception de l’avenir est réduite. On existe dans un continuum temporel parce qu’on peut se mouvoir. Quand ailleurs disparaît, demain disparaît aussi”, explique-t-il.
Prévoir les créneaux, réserver les billets, prévoir les visites et les loisirs nous permet donc de nous faire une idée de ce qu’il y a à venir, de s’accrocher à des choses agréables.
Des incertitudes qui planent toujours
Si prévoir des vacances permet donc de se projeter, cela ne se fait pas toujours dans la sérénité. “Cela peut être difficile de programmer des choses dans ce contexte. À force d’être confronté à l’échec, on finit par abandonner”, détaille Jérôme Palazzolo pour expliquer cette envie mêlée à une certaine retenue.
Malgré ses projets déjà couchés sur le papier, Alicia, employée administrative de 22 ans, a toujours peur de voir son voyage annulé. Son voyage en Guadeloupe, prévu depuis un an a été repoussé à cause de la crise sanitaire. Sur son billet, elle peut encore modifier les dates si, toutefois, des restrictions l’empêchent de se rendre sur l’île. “Je me dis: ‘et si le motif impérieux est remis en vigueur?’ Je crois que tant que je ne suis pas dans l’avion, je ne suis pas sûre d’y aller”, déclare-t-elle.
Un stress partagé par Jean-Loup: “Par rapport à avant, les projets sont remplis d’incertitude. On vise New York en avril, avec mes amis. En 2019, on aurait déjà tous posé nos congés et réserver. Là, il y a un peu cette peur de s’emballer pour rien”, explique-t-il. Pour aller au Mexique, il va donc prendre ses billets mi-février pour partir en mars.
Des vacances anticipées pour rêver, pensées en fonction des vagues de l’épidémie et organisées en dernière minute. Une adaptation nécessaire pour rendre ces congés possibles. “On a du recul maintenant et on sait que l’été, ça passe, glisse Jean-Loup. Les nouvelles sont enfin bonnes sur l’épidémie et on se dit que pour mars, ça peut aller”.
Même son de cloche pour Romain qui attendait son voyage en Croatie depuis deux ans. “Fin 2019, j’avais planifié (trajets, logements, avion et location de voiture) un séjour de 10 jours en Croatie pour mai 2020. En plein confinement, tout ça a bien entendu été balayé”, raconte-t-il. Sceptique face au climat qu’il trouve “incertain”, il prévoit de replanifier ce voyage en mai 2022 mais ne s’organise plus du tout comme avant. “Tout prévoir et planifier, cela me sécurise. D’où 2 années de Covid particulièrement compliquées pour moi. Tout ça nous a imposé de voir “moins loin” et d’être réactif. Je m’adapte malgré moi”, constate-t-il.
Avec l’expérience des voyages annulés, certains ont décidé également de prévoir des solutions alternatives, moins lointaines, moins chères mais qui permettent comme le rappelle Jérôme Palazzolo “de se projeter dans le futur tout en sachant que ça peut changer”. Comme le résume Jean-Loup, désormais les vacances pour beaucoup c’est “on tente et on verra bien”. Et en cas de vacances lointaines annulées, “au pire, on peut se rabattre après en Europe ou en France”.
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