VIOLENCES POLICIÈRES – Après l’évacuation de migrants et des collectifs Utopia 56 et Solidarité Migrants Wilson qui venaient d’installer des tentes le 23 novembre place de la République à Paris, afin d’interpeller les pouvoirs publics sur le sort réservé aux réfugiés, le dispositif policier est au cœur des critiques et a conduit les autorités a ouvrir plusieurs enquêtes.
Le HuffPost a interrogé le photojournaliste Florent Bardos et un bénévole du collectif Solidarité Migrants Wilson qui ont été les témoins directs de l’évacuation forcée des personnes sur place. Pour eux, cette intervention de la police est inédite et révèle une normalisation des comportements violents des forces de l’ordre, notamment envers les journalistes.
Du jamais vu
Florent Bardos est journaliste pour Abaca presse. Il couvre les manifestations, les rassemblements et les évènements politiques pour l’agence depuis un an. Présent lors du rassemblement initié par Utopia 56 place de la République le 23 novembre, il a vu la situation dégénérer après l’arrivée des forces de l’ordre . “Ce que j’ai vu là, je ne l’avais jamais vu. Il y a toujours eu des violences envers les journalistes. Mais là je pense qu’on passe un cap, quelque chose est en train de changer “a déclaré le photographe contacté par le HuffPost, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article.
Ce constat, Florent Bardos le fait depuis plusieurs semaines. Lors de la manifestation contre la loi sécurité globale, il a pu observer des journalistes encerclés par la police pour les empêcher de travailler. Et du côté des associatifs, on remarque aussi que la violence contre les migrants va crescendo.
Philippe Caro, bénévole au sein du collectif Solidarité migrants Wilson, a également été impressionné par la violence de la police le 23 novembre. Il perçoit aussi ce type de comportements comme une habitude qui semble désormais ancrée dans les protocoles d’évacuation des camps de migrants.
Dans le sillage de la loi sécurité globale
“Ce qui s’est passé hier place de la République est la continuité de ce qui s’est passé à Saint-Denis, mardi dernier, avec l’évacuation d’un gros campement qui avait poussé depuis la mi-août dans lequel il y avait 2500 à 3000 personnes. Vers 15h30, il restait à peu près mille personnes que les autorités ne pouvaient emmener n’ayant pas assez de place pour les reloger. Ces personnes ont été chassées sur deux kilomètres et reconduites vers la porte de Porte de la Chapelle, avec interdiction d’entrer dans Paris mais aussi de rester sur place.”
Selon lui, “cela a été une vraie chasse à l’homme qui a commencé dès qu’ils sont entrés dans le campement avec des lacrymos lancés alors que personne ne cherchait à fuir”. “Cela fait longtemps que l’on constate des violences policières, hier soir, elles ont été très visibles mais généralement, elles le sont moins. Depuis l’évacuation de mardi dernier, on a franchi un palier. On sent qu’il y a une pression exercée sur les journalistes et ça s’inscrit dans une loi sécuritaire qui vise à interdire ce que les médias ont pu montré le 23 novembre” explique le bénévole.
“Des comportements graves”
Après avoir évoqué dans la nuit des images “choquantes” et réclamé “un rapport circonstancié” au préfet de police de Paris, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé le 24 novembre avoir demandé une enquête à l’IGPN, la “police des polices”.
Les conclusions de l’IGPN seront “rendues publiques” sous quarante-huit heures, a promis M. Darmanin. “Il y a plusieurs comportements que nous pouvons qualifier de graves”, a-t-il estimé devant les députés.
Le parquet de Paris a de son côté annoncé avoir ouvert deux enquêtes pour “violences par personne dépositaire de l’autorité publique”. L’une pour le croche-pied à un migrant, l’autre pour les violences commises sur le journaliste Rémy Buisine. Toutes deux ont été confiées à l’IGPN.
L’association Médecins sans frontières a de son côté annoncé un dépôt de plainte contre le préfet de police de Paris Didier Lallement pour violences volontaires et atteinte aux biens des associations et des exilés.
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p align=”left”>La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe Dunja Mijatović a elle aussi dénoncé des “images choquantes”. “Je suivrai avec attention les suites” données à cette affaire, a-t-elle écrit sur Twitter.
Mardi 24 novembre, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dans le calme place de la République pour protester contre les violences lors de l’évacuation de la veille.
Des associations d’aide aux migrants ont dénoncé des “scènes de violences inédites à Paris” et demandé au gouvernement une “concertation rassemblant l’ensemble des acteurs” en vue d’une “politique alternative pour rompre avec ces violences et permettre l’hébergement des personnes”.
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