Rose GLASS – USA / GB 2023 1h45mn VOSTF – avec Kristen Stewart, Katy O’Brian, Ed Harris, Jena Malone, Anna Baryshnikov, Dave Franco… Scénario de Rose Glass et Weronika Tofilska.
Du 17/07/24 au 06/08/24
« Du sang, de la sueur et des larmes » : si ces dernières seront sans doute timidement distillées (il faut quand même avoir un sens assez particulier du romantisme), nul doute que Love lies bleeding restera longtemps dans nos mémoires comme un fascinant mélange érotique des deux premiers. La sueur, omniprésente, qui fait luire les corps sculptés dans la pénombre de la salle de sport – et qui s’échange dans des étreintes fougueuses et passionnées. Le sang, abondant, qui suinte et qui coule sous les tortures, les agressions – comme sous les étreintes fougueuses et (trop) passionnées. Dans cet étonnant thriller amoureux mené sur un rythme effréné au cœur de l’Amérique profonde des années 80, Lou (Kristen Stewart, qui explose avec jubilation les derniers fragments de son image soignée de jeune fille modèle imposée par Twillight) et Jackie (Katy O’Brian, actrice bodybuildeuse bouleversante, évadée des blockbusters Marvel) forment un couple à la Bonnie & Clyde, sulfureux et explosif.
Lou s’ennuie à mourir à gérer une salle de sport miteuse dans la petite ville paumée du Nouveau-Mexique dont elle n’est jamais sortie. Quand elle rencontre Jackie, culturiste de passage, c’est le coup de foudre. Intense. Total. Malheureusement, tout se complique quand Jackie trouve un job dans le club de tir tenu par Lou Senior, le père de Lou (par ailleurs également proprio de la salle de muscu). Un mafieux notoire qui tient la ville en coupe réglée et qui voit d’un mauvais œil naître l’idylle et sa fille s’émanciper. Corruption, trafic d’armes, assassinats… Prises malgré elles dans une spirale infernale, Jackie et Lou vont devoir se battre pour échapper aux griffes de ce père givré, fondu d’armes à feu, collectionneur d’insectes, manipulateur froid (Ed Harris campe un caïd terrifiant, relooké par un coiffeur cocaïnomane). Si Lou, calme et réfléchie, ne sait pas trop quoi faire de sa vie, Jackie en revanche, puissante, impulsive, animale, est tout entière tournée vers son ambition de remporter un concours de culturisme à Las Vegas. Unies par un amour irréductible, Lou et Jackie semblent invulnérables aux pièges qui leur sont tendus – bien décidées à rendre coup pour coup, blessure pour blessure, et à s’extirper de ce cloaque étouffant. Mais on n’échappe pas si facilement à l’emprise de Lou Sr., ni au soleil écrasant du Nouveau-Mexique…
L’Amérique profonde des années 80 réinventée par la réalisatrice britannique Rose Glass est un bijou de fantasme de cinéphile. Stylisée à l’extrême, avec sa poussière ocre, ses lumières bleues en halo qui traversent les persiennes, on y retrouve avec gourmandise tous les archétypes du thriller érotico-sanglant hollywoodien des années Reagan – mais détournés dans une veine queer joyeusement décomplexée et vengeresse. Toxicité, emprise, chantage, violence conjugales… Love lies bleeding fait un sort à l’image lissée du bonheur familial made in USA. Rose Glass pose sur les corps, le désir, les affres de la chair, les pulsions de violence un regard tantôt sérieux (dans ses échappées les plus invraisemblablement loufoques), tantôt narquois (pour filmer les situations les plus réalistes). Sans être outrageusement gore, le film dénote une sincère fascination pour les corps nus, caressés ou violentés, moites et sanguinolents. Cette esthétique hyper étudiée est mise au service d’un récit haletant, mené par des héroïnes qui se révèlent de plus en plus attachantes au fur et à mesure que l’intrigue les enferme dans les méandres inextricables de ses machinations. À la fois furieusement moderne et agréablement vintage, relevé d’un humour décapant, Love lies bleeding nous laisse pantelant et ravi.