En deux dimanches, la France a vécu deux référendums successifs. Le 30 juin, il s’agissait de voter pour ou contre la poursuite de l’ère Macron, puisqu’en dissolvant l’Assemblée nationale à la suite de la claque de l’élection européenne, le président avait mis le pays au défi de choisir entre « lui et le chaos ».

Le résultat a été sans appel : un électeur sur cinq seulement s’est déclaré pour la poursuite d’un quinquennat dont le mot d’ordre était d’imposer aux classes moyennes et populaires de se sacrifier pour permettre l’insertion des élites (et des multinationales !) françaises dans la compétition mondiale. Avec 94 sièges de moins, les macronistes sont les grands vaincus de la semaine.

Le second référendum, celui du 7 juillet, a vu la défaite d’un autre projet, celui qui proposait aux Français de faire payer la crise des services publics et la stagnation des revenus aux immigrés et à leurs descendants, dits « binationaux ». Car même si les députés RN & Co formeront le groupe le plus puissant dans l’hémicycle, avec 55 sièges de plus qu’il y a quatre semaines, la majorité leur échappera nettement.

Cela renvoie, là encore, au premier tour : un tiers seulement des citoyens – bien sûr, c’est encore beaucoup trop – ont choisi la voie d’une société clanique, excluant haineusement ceux qui ne « sont pas de chez nous ». Certes, les désistements ont joué leur rôle, mais sans aucun doute aussi la polémique sur la « double nationalité » a-t-elle éclairé l’opinion sur la vraie nature du lepénisme, conduisant les deux tiers de l’électorat à mêler leurs suffrages pour y faire obstacle.

Les Français ne veulent donc plus d’Emmanuel Macron et ne veulent pas de Jordan Bardella.

La conséquence de ce double référendum, c’est la victoire du Nouveau Front populaire (NPF). Elaboré en seulement 48 heures, celui-ci a permis de formuler une troisième option à la crise structurelle de la société, en redistribuant autrement les richesses et en faisant face résolument aux enjeux environnementaux.

C’est la digue sur laquelle s’est brisée la vague lepéniste. Sans le NFP, les autres partis, notamment les macronistes, se seraient écroulés et Jordan Bardella serait en train de distribuer les postes de commande de l’Etat à ses partisans.

La gauche au croisement de ses contradictions

Constituant le premier bloc politique dans la future Assemblée nationale, il est donc juste que le gouvernement soit formé à partir de lui. Mais si la victoire est indéniable, elle reste limitée. Les partis du NFP n’ont gagné que 28 sièges par rapport à l’élection de 2022. Ses 180 députés sont donc loin d’une majorité, même relative, permettant de gouverner sans entrave.

Au reste, leur succès est aussi le fruit du front républicain, et rien ne serait pire pour la démocratie que de voir la gauche imiter l’arrogance de la macronie, qui arguait après chaque scrutin gagné avec les voix des autres que, comme les Français avaient voté pour elle, elle pouvait appliquer « tout son programme », y compris contre une partie de ses électeurs…

En fait, la gauche – au sens contemporain du terme, c’est-à-dire socialisante, y compris son aile radicale – se trouve au croisement de ses contradictions : elle veut gouverner la France, mais l’histoire rappelle qu’elle ne l’a jamais fait seule.

En 1936, elle s’était alliée aux radicaux, qui étaient plus à droite que certains macronistes d’aujourd’hui. En 1946, c’était avec les gaullistes et les démocrates-chrétiens. En 1981, François Mitterrand était entré à l’Elysée appuyé par le PCF mais aussi les Radicaux de gauche !

Une exception à cette règle : la gauche plurielle de Lionel Jospin. Mais celle-ci était parvenue au pouvoir dans la foulée du mouvement social de novembre et décembre 1995, qui avait mis à genoux le gouvernement Chirac-Juppé.

La mise en branle des citoyens par les grèves et la contestation de l’ordre établi avait créé les conditions de la marche vers le pouvoir en 1997. En particulier, les forces progressistes s’étaient rendues maîtresses du débat d’idées, réalisant à son profit « l’hégémonie culturelle », selon l’expression d’Antonio Gramsci, renvoyant le lepénisme aux marges.

Le mouvement social, clé de la reconquête d’une majorité

Comme le rappelle le philosophe Etienne Balibar, la clé de la reconquête d’une majorité, c’est le mouvement social. Or, celui-ci ne procède pas des partis. On a vu ainsi l’insuccès des marches pour le pouvoir d’achat initiées par La France insoumise (LFI), suivi par contraste du déferlement des gilets jaunes.

On a vu ensuite le conflit des retraites sous l’égide de l’intersyndicale, bien mal secondée par ces députés LFI qui entendaient dicter leur calendrier. On l’a vu aussi avec L’Affaire du siècle, seule mobilisation écologiste réellement de masse de ces dernières années, née à l’écart des Verts.

La volonté, en politique, ça existe. Et quelquefois, elle peut renverser les montagnes

Il revient donc aux dirigeants du Nouveau Front populaire de trouver la voie pour élargir leur champ politique tout en renouant avec le champ social. Cette double mue est évidemment délicate et nombreux sont ceux qui prédisent son échec, et espèrent constituer un « bloc central républicain », un machin dont on ne comprend pas bien à quoi il peut servir, sauf à conserver les postes ministériels dans les mêmes mains qu’aujourd’hui. Parmi eux se trouvent tous les vaincus d’hier, de François Bayrou à Edouard Philippe en passant par Gabriel Attal et Yaël Braun-Pivet. On y ajoutera bon nombre de consœurs et confrères pour qui la vie politique se réduit au rond central du terrain de football.

A tous ceux-ci, Marine Tondelier rétorque : « Jusqu’à présent, on nous a dit que cela ne marcherait pas, et pourtant ça marche… » La volonté, en politique, ça existe. Et quelquefois, elle peut renverser les montagnes.

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