METOO – Accusations de harcèlement et d’agressions sexuelles à la chaîne. Au Québec, une vague de dénonciations #Metoo sur les réseaux sociaux secoue les milieux culturels depuis plusieurs jours et commence à faire trembler le monde de la politique, de l’enseignement ou de la restauration.

“Elle m’a dit qu’elle allait me mettre dans une cage, qu’elle allait me nourrir. Tout cela sur un ton super sexuel et en me caressant les bras”, a raconté le 8 juillet sur Instagram la chanteuse québécoise Safia Nolin.

Elle y accuse l’actrice et animatrice Maripier Morin de l’avoir harcelée et de lui avoir mordu la cuisse, dans un bar de Montréal, en mai 2018. L’intéressée a reconnu avoir eu “un comportement répréhensible”.

La sanction n’a pas tardé: quelques jours plus tard, les émissions et contenus dans lesquels apparaissait la jeune femme étaient retirés des plateformes télévisuelles. Une publicité pour une voiture qu’elle conduisait a été supprimée, son nom a été rayé de la liste de plusieurs prix artistiques à venir.

Dans le secteur musical, la maison de disques Dare to Care Records s’est séparée de son président Eli Bissonnette et du chanteur Bernard Adamus, “qui ont commis des gestes répréhensibles”.

“Mes excuses ne changeront rien aux faits”, a reconnu le chanteur sur Instagram.

Nommer l’agresseur

Le site “Dis son nom” a dévoilé une “liste des potentiels abuseuses/abuseurs” dans laquelle étaient cités jeudi de façon anonyme plusieurs centaines de noms de personnalités publiques, mais aussi des citoyens, parmi lesquels des musiciens, des enseignants ou encore des personnes issues du secteur de la restauration.

Sur Facebook ou Instagram, où le mouvement est né il y a deux semaines, de nombreux comptes recensaient des témoignages, à l’instar de @victims_voices_quebec, qui compte 12.400 abonnés.

“Une culture du silence, favorisant les violences à caractère sexuel, sévit dans le milieu littéraire depuis plusieurs années, voire des décennies”, accuse une lettre adressée à la communauté littéraire, signée par une centaine de femmes qui refusent que “le milieu soit le ‘terrain de chasse’ de prédateurs”.

Ce mouvement est “inédit dans son ampleur et dans la multiplicité des milieux qui sont concernés”, estime auprès de l’AFP Sandrine Ricci, spécialiste en sociologie féministe et en violences sexuelles à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

“Il y a clairement une volonté de nommer l’agresseur”, souligne-t-elle, notant que ce procédé “s’était beaucoup moins vu dans des vagues antérieures”. “Ce sont des femmes très jeunes qui dénoncent”, remarque Sandrine Ricci. Elle fait l’hypothèse d’un processus de maturation de “certains acquis du mouvement #MeToo” et d’“un effet associé au confinement, au fait que les personnes passent plus de temps sur les réseaux sociaux”.

Sphère politique

La vague touche également la sphère politique. Un témoignage anonyme, relayé par la page Facebook “Hyènes en jupons”, vise le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet, pour des allégations remontant à 1999, lorsqu’il était agent artistique. L’intéressé nie catégoriquement.

Le Premier ministre québécois François Legault, appuyé par l’opposition, a apporté son soutien au mouvement et salué le “courage” des dénonciatrices. Son ministre de la Justice réfléchit au moyen d’alléger le processus judiciaire pour les femmes victimes d’agressions sexuelles, a-t-il ajouté.

“C’est vraiment un cri du coeur”, assure à l’AFP Marie-Christine Michaud, porte-parole et coordonnatrice du réseau des Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (Cavac), présents dans toute la province, qui “semble observer une augmentation” des appels.

“On pensait avoir 200 demandes par mois, on a reçu 300 demandes en dix jours”, ajoute Sophie Gagnon, directrice générale de Juripop, qui offre un soutien juridique aux victimes de violences sexuelles depuis le mois de juin.

Le Québec est la province du Canada qui a enregistré la plus forte augmentation du nombre d’agressions sexuelles déclarées par la police après le mouvement #MeToo (+61%), selon un rapport de Statistique Canada publié en 2018.

Dans le sillage du scandale Harvey Weinstein aux États-Unis et du mouvement #MeToo, l’ex-producteur québécois Gilbert Rozon, dirigeant déchu du groupe “Juste pour Rire”, doit être jugé en octobre pour viol et attentat à la pudeur sur une victime.

À voir également sur Le HuffPost: Même l’acquittement d’Harvey Weinstein ne peut plus affecter #MeToo

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