C’est relativement gratifiant de tomber sur un groupe comme ça, surtout quand on a l’habitude de recevoir des communiqués de presse plus chiants et redondants les uns que les autres. D’ailleurs, c’est sans transition qu’on a quitté nos boîtes mails de l’angoisse pour assister à un de leurs concerts au Bonnefooi à Bruxelles, lors du dernier Fifty Lab. Après une longue journée à double-checker toutes les règles de grammaire et d’orthographe pour finaliser notre dernier magazine papier, on avait pas mal de trucs à évacuer. C’est dire les attentes qu’on avait.
Rafael Valles Hilario, Achiel de Vlerk et Sam De Clercq viennent d’Anvers. Ça doit faire plus ou moins quatre ans que les trois font de la musique ensemble. Avant le concert, on leur a demandé leur avis sur la scène punk belge. « C’est plus comme si quelqu’un avait renversé une goutte de quelque chose par terre et que cette goutte avait formé comme une sorte de tache qui s’est étendue un peu partout, mais qui sent très bon », explique Achiel. Parmi les artistes qui les excitent musicalement, il y a visiblement de tout : DJ Flugvél Og Geimskip, Ryoji Ikeda, Micachu & The Shapes, des gros noms comme Mungo Jerry, Johnny Thunder ou Lingua Ignota et puis des trucs que personne ne pourrait connaître comme Boris & the Kitchenknife. De l’industrie musicale, les trois disent ne rien attendre en particulier, si ce n’est un peu de thunes peut-être. Les entendre dire que l’idée reste de « ne pas se soucier de ce que les gens pensent, faire ce qu’on veut, tout ça à la fois ou rien de tout ça » ne surprend donc pas. Du coup tant mieux, tout le monde est sûr d’éviter la potentielle déception, y compris concernant leur prestation.
Ce qui est marrant dans ce type de gig, c’est que le temps de commander une bière et que les artistes s’installent dure plus longtemps que le concert en soi. Mais quel live ce fût. Brorlab a déposé une jolie patate au Bonnefooi. Petit concert, petite salle, petit crew mais grosse frappe. À peine le temps de reconnaître notre chanson fétiche, Football is for Soccers, qu’on passe au morceau suivant. Le groupe fait coucou à ses fans les plus fidèles au premier rang (sur deux), ça se bouscule et ça finit par terre histoire de nettoyer le sol avec une robe à paillettes (la chanteuse, pas nous). Le concert a donc duré à peu près 15 minutes. Les meilleures vannes sont les plus courtes.
Pour résumer, on pourrait dire que c’est le genre de chose qui vous laisse quand même un peu pantois, la tête dans un genre de coaltar. Mais il vous reste un peu de conscience, un peu de capacité auditive et votre deuxième bière à finir. Le problème quant à cette durée, c’est que ça dépend vraiment de vous. Certaines personnes n’en demandent pas plus vu que les concerts, c’est pas trop leur truc. Cela dit, pour les gens normaux, y’a comme un manque. C’est comme devoir rentrer chez soi après avoir bu un shot : l’alcool ne monte qu’un tout petit peu et encore, c’est juste une minuscule bulle de chaleur dans la poitrine au moment où on sort du bar. Alors, comment prolonger l’expérience d’un moment qu’on estime inachevé parce que trop court ? Brorlab fait-il exprès de créer de l’insatisfaction ? Comme Supreme qui limite ses stocks ? Dans quel intérêt ? Brorlab ne vend rien pourtant.
Ce soir-là, chacun et chacune d’entre nous avons quitté le centre-ville assez tôt, vers 21h30, pour honorer nos plans respectifs de notre côté. Depuis, on a eu le temps de gamberger, mais on n’a rien de précis à développer. En y repensant, la voix de Sam, la chanteuse, résonne encore dans nos têtes : « En fait, nos concerts sont super courts parce que sinon mes cordes vocales vont exploser. »