Quand on pense fondue, on s’imagine immédiatement une bouffe hivernale, hors de prix en bas d’une piste de ski de la Haute-Savoie. En fait, c’est pas que ça. Dominique abonde, « La fondue, c’est une grande fête : on en mange aux quatre coins du monde et pas seulement en hiver. » Je suis complètement d’accord avec lui car j’ai déjà eu la chance de manger une fondue estivale au bord du lac de Genève. L’orgasme buccal est intact, même sous un soleil de plomb.
Pour un fan comme moi de fromages qui dégoulinent, difficile de trouver le sommeil à la veille d’un évènement pareil. Surtout qu’on m’a proposé de faire partie du jury amateur pour le premier tour de qualif et que j’ai accepté, histoire de rendre fier mes parents – pour une fois. Un rêve éveillé qui commençait d’ailleurs très tôt pour un dimanche. On avait rendez-vous à 9h dans la salle des fêtes de Montréjeau, un très mignon village niché entre la Haute-Garonne et les Hautes-Pyrénées, à une heure de Toulouse.
On pourrait croire que l’odeur de tous ces AOP et autres délices régionaux en train de fondre de bon matin aurait de quoi rebuter légèrement. Que nenni, cette journée n’aura été que fête et délices. Le petit verre de whisky japonais offert par l’une des équipes dès l’installation a surement aidé à nous mettre dans le bain dès l’arrivée.
Pendant que les 21 binômes concourants arrivaient pour s’installer, les membres du jury reçoivent le brief et les grilles de notation. On est chargé de juger plusieurs critères en attribuant des notes de 1 à 10 : Goût / Flaveur (odeur) / Apparence visuelle / Texture en bouche / Reconnaissance des ingrédients / Hygiène (et traçabilités des ingrédients). Les jury étant aussi composés de professionnels du métier (MOF à foison, journalistes culinaires…) on ressent immédiatement une grande satisfaction mêlée à un poids important : essayer d’être le plus juste possible, sans foutre un 10 à tout le monde tellement on est heureux d’être là.
Le premier round de 10 candidats installés, on déambule entre eux pour voir à quoi ils ressemblent et les recettes qu’ils vont proposer. On découvre qu’il y a même des candidats venus du Brésil ou de Belgique. Comme il y a aussi un prix de l’animation, plusieurs font le show. Par exemple, en râpant leur Gruyère à la main et torse nu. Ok, c’est super mignon mais, aujourd’hui, on est plutôt venus mater de la meule et triturer du caquelon.
Si quelques-uns ont choisi des recettes classiques, proches de la fondue Suisse dite « moitié – moitié » (mi Gruyere suisse, mi Vacherin Fribourgeois, ma préférée jusqu’à cette journée) beaucoup innovent clairement avec des recettes complètement folles. Mention spéciale aux deux amateurs des environs avec leur fondue inspiration « japonaise » avec wasabi et whisky nippon, (ouais moi aussi j’ai trouvé ça chelou au début,) qui déboitait tout lors des qualif’. Tellement que je leur ai mis un excellent 55 sur 60.
On est aussi étonnés par la très bonne fondue avec un fromage de Vaches Zébus et à la Cachaça, même si j’ai retiré quelques points « hygiène » aux brésiliennes pour leurs grandes coiffes de plumes, qui malgré un côté « folklorique » sympa m’ont un peu dégouté à côté de la bouffe.
Certaines étaient hyper crémeuses, d’autres se délitaient légèrement. Quelques-une avaient un goût très prononcé, tandis que d’autres étaient plus subtiles, comme celle du Périgord au vin de noix -bien évidement-. Autant dire que les départager n’a pas été facile. Et même si je m’étais promis la veille, en cherchant le sommeil, d’être un juré « impartial mais sympa » je n’ai pas pu m’empêcher de mettre un très mauvaise note à l’un des fromagers à col tricolore qui la goûtait avec son doigt avant de nous la servir.
En parallèle de la première phase éliminatoire, la salle des fêtes commence à se remplir : pour fêter comme il se doit ce nirvana des produits laitiers, 800 personnes sont attendues. Une salle comble venue manger une fondue, profiter du plus grand buffet de charcuteries à volonté qu’on n’aura jamais vu et d’un bar vraiment bien achalandé, le tout suivi par la 2ème partie du championnat avec un jury 100 % professionnel. Pour gâter cette foule ravie d’être là, ils ont vu les choses en grand : 450 kg de pain, 220 kg de charcut’, 300kg de Fromage, 500 bouteilles de vins et 250 magnums de bières. Un repas digne des 12 travaux d’Astérix, version Alpages.
Et comme on est dans le Sud-Ouest -pays du rugby et des férias- entre deux croutons trempés dans le fromage on a eu droit à des paquitos endiablés du public et des employés de la fromagerie, visiblement eux aussi ravis de cette journée, sur un fond musical joué par une banda locale endiablée.
Pour la deuxième partie du concours presque tous nos chouchous ont été sélectionnés, sauf l’équipe des très sympa « pti gros lorrains » qui avaient fait 9h de route pour l’occasion, mais quand même ravis de leur participation. On en profite pour regoûter à tout, la recette japonaise est bien moins parfaite qu’au premier tour, c’est aussi ça la fondue : un savant dosage qu’il ne faut jamais foirer. Quelques-une sortent clairement du lot, entre celle à la Chartreuse, celle des Bruxellois à la Gueuze mais surtout celle du duo Auvergnat à la Gentiane.
Ce sont eux qui remporteront la toute première médaille d’or française de la Fondue, amplement méritée. D’autant plus qu’ils ne sont pas fromagers comme bon nombre de candidats : Jean-Jacques Vermeersch Couderc tient une distillerie familiale dans le Cantal et c’est sa Gentiane qui aura fait la différence pour une fondue à se claquer par terre de bonheur.
Les médaillers d’Or (Auvergne), d’Argent (Chartreuse) et de Bronze (Brésil) sont automatiquement qualifiés pour les prochains championnats du monde de Fondue qui auront lieu en Suisse en Novembre 2023. Je sais pas vous mais nous on ratera ça pour rien au monde.