La plateforme de voeux post bac lancée en 2018 pour remplacer APB, mettant ainsi fin au tirage au sort, est, tous les ans, critiquée par son manque de transparence. Plusieurs institutions comme la Cour des comptes ou encore le Conseil constitutionnel ont déjà dénoncé Parcoursup pour son opacité. Même si certaines formations sont jugées “non sélectives”, tous les dossiers sont parcourus et étudiés par les universités qui choisissent leurs futurs étudiants et donc les meilleurs candidats.
Thibaud Boncourt, maître de conférence en science politique à la Sorbonne et chargé, avec d’autres professeurs, de la sélection Parcoursup pour les licence de science politique regrette cette méthode qu’il qualifie de profondément injuste. « Il y a quand même une forme de mensonge au départ. Dans notre cas, par exemple, on est censé être une filière dite non sélective. Le terme suggère que tout le monde devrait avoir une chance d’y entrer et c’était le cas à l’époque d’APB. À l’heure actuelle, dans le cas de formation sous tension, on ne peut plus parler de formations non sélectives. »
« L’intérêt des lycéens s’est complètement reporté sur cette procédure de sélection. Les questions se concentrent sur le nombre de candidats et les notes qu’il faut avoir, au détriment du fond de la formation. » – Thibaud Boncourt, maître de conférence chargé de la sélection Parcoursup
Cette année, le nombre de candidats dans les lycéens a pourtant diminué comparé à 2020. En mai dernier, 634 590 lycéens avaient déposé un ou plusieurs voeux sur plateforme contre 648 145 en 2020. Le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, quant à lui, précise qu’à ce jour 85 % des lycéens ont déjà eu au moins une proposition d’admission, une avance par rapport à l’année dernière. Des chiffres à prendre avec des pincettes selon Thibaud Boncourt puisque « ni l’abandon en cours de route, ni l’autocensure des candidats ne sont jamais comptabilisés dans ces chiffres ».
Staps, droit et médecine font partie des formations les plus demandées par les lycéens. Dans le cas de la licence de Science politique à la Sorbonne, 7 123 candidats ont déposé leur dossier pour seulement 80 places disponibles. « C’est très difficile d’expliquer à un candidat qui a de très bonnes notes, de très bonnes appréciations de ses enseignants, des centres d’intérêt qui sont compatibles avec la formation, qu’il est globalement excellent mais qu’il est au milieu d’autres gens excellents. Ils ne peuvent rien se reprocher et ce n’est la faute de personne, à part la pression du nombre. » C’est ainsi que d’excellents élèves restent sur la touche.
Ces sélections qui ne se jouent plus uniquement sur les notes stressent particulièrement les lycéens qui ne savent plus comment se démarquer. Aux portes ouvertes de l’université Panthéon-Sorbonne, Thibaud Boncourt constate une angoisse et une grande différence chez les lycéens depuis le passage à Parcoursup. « L’intérêt des lycéens s’est complètement reporté sur cette procédure de sélection. Les questions se concentrent maintenant sur le nombre de candidats et les notes qu’il faut avoir, au détriment de questions sur le fond de la formation. »
Et si certains ne trouvent pas leur bonheur, ceux qui ont les moyens se tournent vers des formations privées comme Amanda ou décident de partir étudier à l’étranger où la sélection se fait bien souvent par la signature d’un chèque. Faute de place dans les formations parisiennes en droit qu’il avait demandé, Martin fait partie de ces élèves qui comptent s’envoler pour l’étranger. En septembre prochain, il intègrera le prestigieux King’s College à Londres en échange de 10 700€ l’année. En plus, le site de l’école précise que le coût annuel de la vie d’un étudiant à Londres est d’environ 12 200€, tout en renvoyant vers des liens et des conseils pour mieux gérer son argent.
« Mes parents me paient les frais de scolarité et moi je fais un prêt pour payer mon loyer et mes repas. Je sais que c’est cher mais je n’avais vraiment pas envie de prendre une formation au rabais », raconte Martin, déjà très ambitieux. Le jeune lycéen souhaite devenir avocat et intégrer l’école de droit de Sciences Po Paris à son retour en France. Ce dernier pensait pourtant avoir toutes ses chances. « J’avais 18 de moyenne en cours de sciences politiques, j’avais déjà fait un stage dans un cabinet d’avocat et je fais même du bénévolat à La Croix-Rouge. » Un acharnement qui n’est pas sans rappeler les sélections des facultés américaines. Cette course à l’originalité creuse encore plus les inégalités entre les enfants issus de milieux favorisés et défavorisés.
S’il faut bien faire une sélection parmi ce trop grand nombre de candidats, Parcoursup n’en reste pas moins injuste pour Thibaud Boncourt qui se retrouve souvent à classer des élèves qui ont généralement le même niveau et sont tout autant méritants. « On est arrivé à une forme d’absurdité où on nous demande de faire la différence entre un candidat qui va avoir 16,125 de moyenne et un qui va avoir 16,126. » Et si on l’on s’inquiète pour ces élèves aux excellentes moyennes recalés, peu parlent de ceux qui se seraient peut-être épanouis dans les études supérieures mais qui ont “seulement” 12 de moyenne. Recalés avant même d’avoir essayé.
Justine est sur Twitter.
VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.
VICE Belgique est sur Instagram et Facebook.