ENFANTS — Qui pense aux enfants maltraités alors que débute le troisième confinement? Qui se préoccupe de donner aux travailleurs sociaux qui suivent les familles dysfonctionnelles et/ou défaillantes, les moyens de continuer à exercer leur mission? Qui va aider les familles d’accueil à poursuivre leurs missions? Qui va aller surveiller les conditions d’accueil dans les foyers, ou pire encore dans les sordides hôtels de transit ou sont parfois parqués ces jeunes adolescents?

Alors que s’amorce le 3 confinement, rien ne change, rien ne bouge.

Au premier confinement, tous les lieux accueillant des enfants ont fermé du jour au lendemain pendant 5 semaines! Confinés dans leur famille, les enfants en souffrance ont été abandonnés. Un huis clos insoutenable pour tous les enfants qui subissaient déjà en famille violences et négligences, un huis clos dangereux pour les enfants dont les parents, fragiles ou exaspérés font subir aux enfants leurs accès de rage ou de révolte. À ce premier confinement, le numéro vert le 119 explose, plus de 80% d’appels supplémentaires. Mais les travailleurs sociaux, les éducateurs sans soutien ni moyens (sans masque, sans gel hydroalcoolique, sans dérogation pour être présents,) ont dû supprimer 60% des visites à domicile. Tout se passe par mail ou par téléphone. Il n’y a plus de rencontre avec les enfants et les parents, plus de moyens de vérifier comment vont les enfants en danger.

En outre, malgré une mobilisation indéniable, le personnel manque à l’appel, 30 à 40% du personnel est absent, ils ne peuvent pas bénéficier de la scolarisation de leurs enfants comme cela a été organisé pour les enfants du personnel soignant.

Le bilan de cet immense cafouillage? On ne sait pas!

Aucun chiffre n’a été relevé pour en tirer des leçons.

De graves faits divers sont mentionnés dans les journaux: un enfant de 6 ans battu à mort par son père (déjà condamné en 2017 pour des violences sur un autre de ses enfants), une petite fille de 7 ans errante dans les rues abandonnée par sa mère. Là encore, il y aura quelques témoignages variés, mais rien qui permette une véritable analyse exhaustive et objective.

Seule étude sérieuse réalisée, celle menée par une équipe du CHU de Dijon et de l’INSERM, Paris-Saclay. Elle révèle qu’entre mars et avril 2020, alors que les hospitalisations d’enfants de moins de 5 ans ont baissé d’environ 30%, la part des hospitalisations d’enfants pour violence physique a, elle, connu une hausse de 50%! Un chiffre qui devrait alerter.

Un incident est révélateur de ce total abandon: le 16 avril 2020, Sante Publique France, dans son décompte quotidien des décès en institution affiche 11 décès d’enfants dans les Foyers de l’Enfance.

Stupeur, affolement de tous ceux qui s’intéressent à l’enfance… Qui réagit? Le ministre de la Santé? Le secrétaire d’État à l’enfance?

Que nenni, nada, personne…

C’est Lyes Louffok, militant des droits des enfants, qui s’en émeut auprès de nous et sur les réseaux sociaux.

Alors nous cherchons: où? Quand? Comment? Dans quelles circonstances ces 11 enfants sont-ils morts alors qu’aucun décès d’enfant n’est enregistré dans la population générale?

Au bout de plusieurs heures, la vérité apparait c’est une ERREUR de saisie…

Un fonctionnaire a mal rempli une case… Soit! ça peut arriver.

Mais le vrai scandale, c’est que aucun de ces grands responsables, des ARS, de santé publique, des cabinets ministériels, rien, personne n’avait tilté sur ce chiffre… Tous ces fonctionnaires, ces responsables, ont relayé ce chiffre sans qu’aucun ne s’en émeuve et ne s’en inquiète!

Ça vous choque?

Nous hélas non, car le sort de ces enfants n’intéresse personne.

Et aujourd’hui? Qu’en sera-t-il de ce troisième confinement?

De ces 4 semaines sans école, sans contact avec les enseignants, les infirmières scolaires et tous les bénévoles qui déjà avaient du mal à faire de la prévention directe dans les classes.

Aujourd’hui, nous sommes inquiets, car rien n’a vraiment changé depuis le premier confinement.

Alors que le nombre de placements continue d’augmenter, alors que les violences intrafamiliales sont de plus en plus nombreuses, alors que les professionnels de l’ASE (éducateurs, familles d’accueil, travailleurs sociaux) sont à bout de force, aucune mesure supplémentaire n’a été prévue.

Certes, aujourd’hui, les personnels de l’ASE comme les enseignants peuvent bénéficier des gardes d’enfants pour pouvoir continuer à travailler. Mais ils ne sont pas considérés comme prioritaires pour la vaccination anti-covid comme le sont les professions médicales et les enseignants.

Alors comment vont-ils pouvoir poursuivre leurs missions: visiter les familles et accompagner les jeunes?

Plusieurs syndicats et associations ont déjà alerté les pouvoirs publics sur cette absurdité.

La semaine dernière, lors d’une rencontre avec le Secrétaire d’État Adrien Taquet, les assistants familiaux font état de situations dramatiques. Certains enfants sont déplacés plusieurs fois de famille d’accueil, car il y a des cas de Covid.

Les listes d’attente sont de plus en plus longues pour des placements, notamment des placements en urgence en raison d’une augmentation des violences sur enfants.

Les juges continuent à pratiquer le placement ”à domicile” c’est-à-dire au sein même des familles dysfonctionnelles et maltraitantes… avec tous les risques que cela implique avec le nouveau confinement.

Les visites à domicile des travailleurs sociaux seront-elles maintenues pour évaluer les situations de danger?

La mise à la rue des jeunes de 18 ans, sortant de l’Aide Sociale à l’Enfance sera-t-elle effectivement impossible?

L’accompagnement psychique de ces enfants en souffrance, dans ce contexte si angoissant sera-t-il organisé, alors que la pédopsychiatrie fait face à un afflux de jeunes patients en grande détresse?

Les services des départements et des tribunaux ont-ils enfin dressé en commun la liste des situations à risque qui nécessiteront une vigilance accrue?

Le gouvernement va-t-il enfin prendre la mesure de l’urgence?

Le doute est permis quand on voit avec quel cynisme le gouvernement renie ses engagements sur la protection des mineurs face aux violences sexuelles.

Les seuils d’âge de non-consentement des victimes agressées (15 ans en cas de viol et 18 ans en cas d’inceste), promis avec emphase la main sur le cœur par Éric Dupond-Moretti, sont singulièrement remis en cause par des amendements pour en réduire la portée.

Mais regardez la réalité: combien d’enfants pris en charge par la protection de l’enfance ont été placés suite à des violences sexuelles et incestueuses et combien d’entre eux sont des enfants nés d’inceste?

Emmanuel Macron, en novembre 2019 à l’UNESCO vous avez déclaré solennellement:

“Je n’oublie aucun des prénoms des enfants qui ont disparu ces derniers mois dans notre pays. Cette violence se passe partout dans la société et avant tout dans la famille.”

Il semble que vous avez oublié vos promesses, et que vous oubliez ces enfants.

Ces enfants restent des ombres, ils sont des Indésirables, les Oubliés de la République.

Pour mémoire: Aujourd’hui en France deux enfants sont tués, dans leur famille chaque semaine, un enfant est violé toutes les heures, 81.000 enfants ont été victimes de violences physiques, sexuelles, psychologiques durant l’année dernière. On estime entre 8 000 à 10 .000 le nombre de mineurs qui se prostituent, des chiffres probablement en deçà de la réalité du fait du silence entourant ce sujet.

À voir également sur Le HuffPost: Aide sociale à l’enfance: ce documentaire choc va mettre la pression au gouvernement

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