DISNEY – “Dumbo”, “Peter Pan”, “Les Aristochats” ou encore “Le
livre de la jungle”, tous ces
films Disney qui ont peut-être bercé votre
enfance font désormais l’objet d’un
contrôle parental sur la plateforme Disney+ depuis le 20 janvier. Une nouvelle proposée comme alternative à la
cancel culture loin d’être bien accueillie,
mais qui résonne avec certaines interrogations de
parents relatives à la
transmission de leur propre
culture à leurs
enfants.
Depuis quelques années, en effet,
Disney est accusé de véhiculer des préjugés racistes. Dans “Les Aristochats”, c’est par exemple le
chat siamois qui a les
yeux bridés et joue de la
musique avec des
baguettes. Dans “Dumbo”, le problème est relatif aux
corbeaux, dont l’un s’appelle Jim Crow en référence à d’anciennes lois ségrégationnistes, qui sont accusés de caricaturer des
Afro-Américains. Et avec ses
princesses, qui longtemps n’ont eu d’autre
destin que celui de trouver le
prince charmant, de
vivre heureuses et d’avoir beaucoup d’enfants, les
stéréotypes sexistes ne sont pas en reste.
Ce sont autant d’histoires avec lesquelles les jeunes parents ont grandi, qu’ils ont aimées et peut-être aiment encore, mais qui peuvent entrer en contradiction avec les valeurs égalitaires et progressistes qu’ils tentent de véhiculer à leur progéniture.
Confrontation aux convictions
C’est le cas de Gauthier*, père de
deux enfants, qui dit avoir
été “frappé très tôt par les
inégalités de genre” que rapportait sa fille en rentrant de l’
école. “Je me suis dit qu’elle devait avoir
confiance en elle et ne rien s’interdire dans
la vie, quelles que soient les
inégalités véhiculées par la
société. Et cette question des représentations se pose dans les
dessins animés, les
livres, en particulier celle du
rapport entre les filles et des garçons”, souligne-t-il, contacté par
Le HuffPost.
“Nous ne voulons pas que nos
enfants soient imprégnés de certains
stéréotypes et
images, et que cette
violence soit banale pour eux”,
nous écrit de
son côté Aurélie*, mère de
deux jumeaux de bientôt 4 ans. Cette jeune
maman craint la réaction des adultes, qui n’ont pas vu
enfants les problèmes que peuvent poser certains
films, et qui ne les voient toujours pas aujourd’hui. Même “
La Reine des neiges”, qui est considéré comme l’un des
Disney les plus féministes, toutes proportions gardées, lui a d’abord posé problème: “au début, on n’était par pour,
car il est très genré.
Mais on a lâché prise,
car notre fille l’adore. Alors on insiste bien auprès de notre fils que s’il veut également
porter la
robe d’Elsa, il a le droit”, détaille-t-elle.
Mais alors, que faire? Faut-il choisir de bannir certains contenus des divertissements des enfants? Cette stratégie n’est pas privilégiée par les parents avec lesquels nous avons échangé, et qui semblent opter pour un accompagnement et un encadrement des dessins animés et films visionnés par leurs enfants.
Interroger le sens des Disney
“Je n’interdis jamais à ma fille de regarder une œuvre de
fiction, par contre il y a toujours un accompagnement parental. Ma
femme ou moi regardons toujours au moins une fois l’œuvre en question, soit pour l’accompagner dans sa réflexion, soit pour interroger le
sens de ce qu’elle voit”, explique Gauthier.
Certains
parents choisissent toutefois d’écarter quelques
dessins animés. C’est le cas d’Anaïs,
mère d’un garçon de 14 ans et d’une fille de 12 ans, qui nous confie avoir toujours “boycotté Disney qui, à mon sens, véhiculait des stéréotypes sexistes, principalement dans ses films des années 90”. Elle donne l’exemple de “La petite sirène”, sorti en 1989. “Dans cette adaptation, le crabe conseille à la jeune sirène de faire des ‘mouvements de bouche’ pour séduire le prince, pour moi, c’est l’apologie du ‘sois belle et tais-toi’, et le pire, c’est qu’à la fin elle épouse le prince. Dans la vraie vie, ça ne se passe pas comme ça”, regrette-t-elle. Aux
Disney, elle préfère les
films des
studios Ghibli, fondés par
Hayao Miyazaki et Isao Takahata, “dont les personnages féminins sont plus forts et plus
riches. Ces
films sont également moins manichéens que les
Disney. Un méchant n’y est pas caricatural, il est plus subtil, plus réaliste”, estime-t-elle.
Ouvrir la discussion
L’objectif, pour ces
parents, semble d’ouvrir la discussion autour de ces contenus. Plutôt que d’empêcher leurs
enfants de les regarder, il s’agit de les amener à réfléchir, à se questionner, sur de potentiels contenus jugés problématiques.
Anne, dont la fille a 9 ans et le garçon 11 ans, fait des visionnages de
films un moment familial. “On les regarde ensemble. Et quand il s’agit d’une
série, je regarde au moins le premier épisode avec eux. Je trouve cela très intéressant de regarder des
films désuets, de revoir des chefs d’œuvres sexistes, racistes, homophobes et j’en passe,
car les
enfants sont justement étonnés de ce qu’ils voient, et ça ouvre la porte au dialogue”, raconte au
HuffPost cette mère de
famille. Si elle fait attention aux
dessins animés et
films qu’elle présente à ses
enfants, elle ne manque pas une occasion de s’en servir comme d’un moyen d’apprentissage. “Dirty Dancing”, par exemple, lui a permis de faire “l’histoire de la
contraception et un peu de militantisme” auprès de sa fille.
Autre exemple: lorsque sa fille s’amusait de voir Anna, la sœur d’Elsa dans “La reine des neiges”, se goinfrer pour compenser son stress, et obsédée par le fait de trouver un prince, Gauthier en a profité pour interpeler sa fille. Est-ce que les filles sont vraiment comme ça? Est-ce que les garçons ne peuvent pas l’être? “Partager une œuvre de fiction est toujours un plaisir, la question est d’engager la discussion: qu’est-ce que cela veut dire pour toi?”
C’est également ce qu’a expliqué Antoine Belgodere, maître de conférences en science économique, dans un thread très partagé sur Twitter. Dans celui-ci, il souligne ne pas rater une occasion d’alerter ses enfants “sur la morale très discutable de l’histoire” des “Aristochats”.
“On essaye toujours de déconstruire les préjugés après un film. On le regarde avec eux la première fois, et on en parle après. On leur dit que oui, un garçon peut porter du rose ou des robes, et qu’une fille n’est pas obligée de se maquiller”, poursuit Aurélie. “C’est toujours bien d’expliquer à ses enfants que même si un dessin animé est divertissant, il s’agit d’une œuvre datée”, renchérit Gauthier.
Responsabilité des parents
Depuis les années 60, les
dessins animés Disney ont toutefois bien évolué. Rebelle, Vaiana et Elsa ont remplacé les princesses d’autrefois. Lorsque le studio adapte ses plus grands classiques en
films, il
tente d’évacuer les
stéréotypes culturels qui ont posé problème. “Cette
évolution fait du bien aux
petites filles,
mais aussi aux petits garçons”, estime Anne, pour qui, “chaque génération est choquée par certaines choses qui n’ont pas choqué la précédente”. “Lorsque, dans ‘La
reine des neiges’, Elsa dit à Anna que l’on n’épouse pas quelqu’un qu’on vient de rencontrer, on se dit, ’enfin,
Disney se met à promouvoir de saines valeurs!’”, se réjouit Anaïs, qui continuera néanmoins de privilégier un
Miyazaki à un
Disney.
Alors finalement, que pensent-ils de la mise sous
contrôle parental de certains contenus
Disney? “C’est sage de la part de
Disney d’avertir les spectateurs des contenus pouvant être choquants
mais que
nous ne percevons pas à cause du
racisme et du
sexisme ordinaire. Même s’il faut arrêter de se protéger de tous les côtés”, tempère Anne.
Pour Gauthier, c’est simplement “une manière de rappeler les parents à leurs responsabilités. C’est un bon compromis, le contrôle parental devrait être la règle, tout contenu doit être confronté à sa mise en perspective, quitte à ce que l’enfant lui-même forge cette perspective”. Pour lui, aucun doute, cette stratégie est amplement préférable à la cancel culture. Faute de quoi “on perd cette culture-là, la richesse de la connaissance des biais d’une autre époque. Avec un travail éducatif, l’enfant fait la part des choses entre le plaisir et des biais culturels ou discriminatoires.”
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