SANTÉ – Le 11 mai 2020, le gouvernement français entamait la levée du confinement, après la fin de la 1ère vague de Covid-19. Deux ans plus tard, la cinquième vague de coronavirus est en pleine décrue, mais la pandémie de coronavirus est malheureusement loin d’être finie. Exemple le plus récent: l’Afrique du Sud, premier pays touché par Omicron en novembre, voit son nombre de cas exploser à nouveau avec l’hiver austral.
C’est dans ce contexte que les États-Unis organisent ce jeudi 12 mai un second sommet mondial sur le Covid-19. Objectif: permettre “de redoubler nos efforts collectifs pour mettre fin à la phase aiguë de la pandémie et se préparer aux futures menaces sanitaires”, selon la Maison-Blanche.
Si les vaccins ont (très) grandement diminué le risque de forme grave de Covid-19, ceux-ci n’ont pas pas permis de stopper la transmission du virus et, corolaire, ses mutations. Pour véritablement “mettre fin” à la pandémie, il faudrait surtout que les nations du monde investissent plus clairement dans un autre traitement préventif: le vaccin nasal ou muqueux.
“Plusieurs études montrent que les vaccins classiques, intramusculaires, produisent très peu d’anticorps au niveau des muqueuses”, explique au HuffPost l’immunologiste Morgane Bomsel. Or, les muqueuses (l’intérieur du nez, de la bouche, etc.), c’est justement par là que le virus s’introduit dans l’organisme… et en sort pour infecter d’autres personnes. “Cela renforce l’idée qu’un vaccin par voie muqueuse pourrait être bien plus efficace que ceux par injection pour diminuer la transmission”, estime la chercheuse.
Bloquer la porte d’entrée du virus
Les vaccins nasaux sont rares, mais pas inédits. Il en existe d’ailleurs un pour la grippe, approuvé en Europe, aux États-Unis et dans plusieurs pays d’Asie. Quel intérêt? Un virus nous touche en deux temps: d’abord la contamination via les muqueuses et, ensuite, l’invasion, c’est-à-dire le passage du virus plus à l’intérieur du corps, dans les poumons pour le coronavirus. Or, nos muqueuses disposent d’un système immunitaire à part entière. “On a une mémoire et des mécanismes immunitaires dans les muqueuses qui sont régulés et exprimés de façon indépendante des réponses immunitaires générées par voies systémiques [au global, notamment dans le sang, NDLR]”, explique au HuffPost Cécil Czerkinsky, directeur de recherche INSERM, immunologiste des muqueuses et spécialiste des vaccins.
Avec les vaccins classiques, on force le corps à développer ses défenses (anticorps et cellules T) au niveau global. À l’inverse, un vaccin déposé dans le nez, via un spray nasal par exemple, va stimuler le système immunitaire muqueux, qui permet d’empêcher le virus de se multiplier dans notre nez. Et dans ce cas-là, impossible d’être contagieux asymptomatique, car le corps se bat contre le virus dès la porte d’entrée. Les vaccins classiques ont développé une forme d’immunité muqueuse lors des premières semaines après l’injection, mais on a bien vu que celle-ci a diminué rapidement dans les mois qui ont suivi la campagne de vaccination. Et le variant Omicron, qui utilise des portes d’entrée différentes, n’a pas arrangé les choses.
Essai made in France
De nombreux chercheurs travaillent sur la question des vaccins muqueux, mais les recherches sont encore balbutiantes. “Une dizaine d’entreprises sont relativement avancées. Bharat notamment, une société indienne qui est l’un des plus gros producteurs de vaccins, est en cours d’essai assez avancé”, précise Cécil Czerkinsky.
Un autre possible vaccin nasal est scruté de près par les deux immunologistes. Parce qu’il est Français, mais pas seulement. En septembre, les équipes de la professeur Isabelle Dimier-Poisson (Inrae) avaient annoncé avoir mis au point un vaccin capable de bloquer la transmission à 100% chez les rongeurs. Des résultats prometteurs, mais qu’il faut confirmer dans des essais cliniques sur l’être humain.
Après avoir monté une start-up, BioMAP, et mis au point plusieurs partenariats publics-privés’, l’équipe a sécurisé le financement d’un essai clinique de phase 1-2. “La production est en train d’être mise en place et nous espérons débuter les essais cliniques en juin 2023, avec des résultats à la fin de l’année pour une commercialisation fin 2024”, s’enthousiasme auprès du HuffPost Isabelle Dimier-Poisson.
Mais pourquoi un délai si long? Il faut d’abord rappeler que l’urgence face à la pandémie, accompagnée des financements et des procédures accélérées, n’est plus la même. De plus, un vaccin nasal est différent d’un vaccin injectable. “L’aiguille permet de passer la barrière de la peau, mais pour un vaccin nasal, il faut passer la barrière des muqueuses, il faut donc une formulation adaptée”, explique Cécil Czerkinsky. “De plus, les doses nécessaires pour la fabrication sont dix fois plus importantes que pour un vaccin traditionnel”.
Un vaccin contre les variants (et les futurs Covids)
Sans compter que ces vaccins sont, selon leurs auteurs, plus poussés et, in fine, plus efficaces. “Il y a un an, nous avons émis la possibilité que la protéine spike [la partie du coronavirus qui s’accroche à nos cellules, NDLR] puisse muter et qu’il ne fallait donc pas uniquement se baser dessus”, explique Isabelle Dimier-Poisson. “Les protéines que nous avons utilisées, que je ne peux pas divulguer, car un brevet est en cours de dépôt, n’ont pas muté depuis le début de la pandémie”. Elles sont présentes sur Omicron et Delta comme sur la souche originale de Wuhan.
La chercheuse espère ainsi que le vaccin de BioMAP sera capable de bloquer la transmission de n’importe quel variant du Sars-Cov2. “Fin 2024, cela peut paraître loin, mais aujourd’hui nous savons que malgré la période de calme, des variants peuvent arriver, qu’il va falloir continuer à faire des rappels”, explique-t-elle. “Celui que nous proposerons protégera et participera à l’arrêt de cette pandémie. Ce sera un vaccin qui se conserve des années à 4°C et des semaines à température ambiante. Il sera moins cher que les vaccins actuels”, promet, pleine d’espoir, Isabelle Dimier-Poisson.
Surtout, le Sars-Cov2 n’est qu’un début pour la chercheuse. “Ce que nous développons, c’est une plateforme que l’on pourra adapter et qui devrait fonctionner pour d’autres pathogènes aéroportés, comme la grippe, la bronchiolite, la tuberculose”, énumère-t-elle.
Mais aussi contre de futurs virus encore inconnus qui pourraient provoquer les pandémies de demain. En clair, se préparer aux catastrophes futures. Ça tombe bien, c’est justement l’un des objectifs du sommet mondial sur le Covid.
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