L’ancien propriétaire de la voiture de Sam avait tuné le système d’échappement pour le rendre plus bruyant, ce qu’il adorait : il trouve le bruit particulièrement satisfaisant lorsqu’il conduit dans un tunnel. Mais il ne s’agit pas seulement du son : modifier un échappement peut aussi améliorer la puissance d’un moteur. « Le volume n’est pas toujours la seule raison. Personnellement, je cherche à améliorer à la fois le son et les performances », explique-t-il.
Sam comprend pourquoi certains conducteurs qui ont des moteurs bruyants sont considérés comme odieux par le public, mais il ne pense pas que les deux vont nécessairement de pair. « Je m’énerve moi-même contre les connards qui traversent la ville ou passent devant la fenêtre de ma chambre à 23 heures en faisant tourner leurs voitures bruyantes, dit-il. Si je traverse une zone résidentielle tard dans la nuit, je conduis à bas régime pour faire le moins de bruit possible. Je préfère faire du bruit sur une route, même si l’écho des gaz d’échappement en ville peut aussi être satisfaisant ! »
Bien qu’il ait modifié sa voiture pour la rendre plus bruyante, Rideout – c’est un pseudonyme – est conscient de la mauvaise image que cela renvoie. « Si vous avez déjà eu un voisin avec une voiture fortement modifiée, vous savez combien c’est chiant, dit-il. Avec ma vieille voiture, une Volkswagen Passat, il n’y avait aucun moyen de faire moins de bruit, car j’avais coupé des bouts du pot d’échappement. Quand je la démarrais à 5 h 30 du matin pour aller au travail, c’était putain de bruyant. Je comprends que mes voisins se soient plaints. »
Dag Balkmar est professeur en études de genre à l’université d’Örebro, en Suède, et auteur d’une thèse sur la relation entre la masculinité et la modification des voitures. Dans le cadre de ses recherches, il a passé beaucoup de temps avec des groupes de jeunes hommes (et quelques femmes) qui faisaient partie de cette scène. « Certains appellent ça le tuning, d’autres parlent de boy racer, dit Dag. Ce qui est sûr, c’est que cette pratique a été popularisée par des films comme Fast and Furious. »
L’une des explications les plus courantes de cette modification particulière est qu’il s’agit d’une expression de la masculinité. Mais ce n’est pas nécessairement aussi simple. « Ces gens veulent une voiture unique, car en ayant une voiture unique, ils se sentent uniques à leur tour, explique Dag, il s’agit de se faire remarquer, ainsi que de tester et de développer leur savoir-faire. »
Le bruit joue un rôle important dans ce domaine. « Le fait d’avoir une voiture bruyante peut provoquer un fort effet émotionnel chez le conducteur ou chez l’auditeur, explique Dag. Il s’agit de dire “Je suis là. Remarquez-moi”. C’est certainement une façon de s’étendre et de prendre plus de place, ce qui est un comportement typiquement masculin. »
« C’est aussi une façon d’être associé au risque, à la rapidité, à la concurrence, poursuit-il. Une voiture bruyante est certainement plus proche d’une voiture de course qu’un break ordinaire. C’est aussi lié à la relation entre l’esthétique et la performance. Il est relativement facile de faire ressembler une voiture à une voiture de course, même si elle n’a pas vraiment ce genre de performances, ce qui est beaucoup plus difficile et plus coûteux à réaliser. Mais si vous pouvez faire les deux, c’est considéré comme un signe de grande compétence et cela vous vaut beaucoup de respect ; ou du moins c’est ce que j’ai vu dans la communauté des tuners que j’ai côtoyée. »
Il semblerait que le fait de modifier une voiture pour la rendre plus bruyante soit perçu comme un comportement enfantin ou antisocial dans le milieu du tuning. « Le groupe que j’ai étudié était en quelque sorte l’élite de la scène, dit-il. Ils voulaient donc améliorer la réputation du tuning. Ils essayaient de se comporter de manière acceptable, de ne pas dépasser la limite de vitesse et de ne pas faire tourner leurs moteurs sans raison. »
Bien que le tuning soit généralement considéré comme une affaire d’hommes, selon Dag, « de plus en plus de femmes prennent de la place dans cette communauté ». Bien qu’elles jouent parfois avec la féminité, en modifiant les voitures de manière stéréotypée (en les peignant en rose, par exemple), « pour la plupart, ces femmes sont aussi passionnées que les hommes ».
En bref, les mecs qui font du bruit avec leur voiture sont mal vus, mais il ne faut pas les juger trop vite. Il y a une culture derrière tout cela et une passion pour le travail bien fait. Comme pour tout, il y a de bons artisans et de gros connards. C’est à nous d’apprendre à les différencier.
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