La pandémie ajoutée à la grande démission des talents ainsi qu’aux difficultés d’embauche ont contraint les organisations à revoir la manière dont elles abordent le sujet de la main-d’œuvre. Ces dernières années, les collaborateurs sont devenus des parties prenantes importantes alors que les organisations s’efforcent de combler les pénuries de personnel, de retenir les employés épuisés et de répondre aux nouvelles attentes concernant le travail hybride. Mais en divisant la population en deux catégories – les cols blancs et les cols bleus – un autre groupe se retrouve complètement négligé.
Il s’agirait des « cols gris », qui représentent un sous-ensemble crucial des collaborateurs qui se situe à l’intersection des métiers des nouvelles technologies et des services. Ils utilisent à la fois des compétences physiques et techniques dans leur travail et entrent souvent dans la catégorie des travailleurs essentiels. Cette catégorie socio-professionnelle regroupe une multitude de profils, allant des salariés non-cadres aux professionnels de santé, d’enseignement et autres fonctionnaires. Ces personnes ont fait tourner l’économie et ont mis leur santé en jeu tout au long de la pandémie, pourtant leurs besoins sont négligés dans les conversations actuelles sur l’avenir du travail.
Pendant ce temps, différents secteurs tels que la santé ou encore l’éducation sont confrontés à des pénuries de personnel particulièrement urgentes. En effet, selon Pôle Emploi, 135.000 professionnels de manqueraient au secteur médical. Afin d’atténuer les difficultés de recrutement, les organisations doivent reconnaître les besoins uniques des cols gris et apporter des changements pour y répondre. Voici quelques pistes importantes pour commencer.
Rendre aux cols gris la place qu’ils méritent
Une étape importante dans le recrutement et la fidélisation des cols gris consiste à valoriser et à redonner une image positive à ces postes essentiels. Ces travailleurs nous ont aidés à traverser la pandémie et il est normal de les considérer avec le respect et la reconnaissance qu’ils méritent. Leurs rôles sont hautement spécialisés et exigent la maîtrise des technologies modernes, pourtant ils sont souvent, surtout pour les postes de professionnels de santé, sous-estimés tant en termes de perception qu’en celui de la rémunération. Le problème réside dans un stéréotype selon lequel les personnes occupant ces emplois sont facilement remplaçables. Or, ce n’est pas le cas.
Les organisations doivent repenser les descriptions de poste, les salaires et les avantages sociaux qu’elles proposent afin de reconnaître la valeur de leurs employés cols gris actuels et d’encourager les jeunes à s’intéresser à ces métiers. Les organisations dépendantes de ces postes ont mis du temps à adopter des processus de travail flexibles, comme des options de travail à distance ou hybrides, qui donneraient aux cols gris plus d’autonomie. Pour attirer ces profils recherchés, il faudra repenser des avantages appropriés et pertinents tels que la flexibilité, l’autonomie et une rémunération adaptée, dans la mesure du possible.
Repenser les exigences en matière de diplômes pour ces rôles
Selon l’Insee, en 2020, 18,5 % des Français ne détenaient aucun diplôme et seul 24,8% de la population française ont un niveau d’étude supérieur au BAC+2. Pourtant, de nombreuses entreprises exigent des diplômes du supérieur pour des postes qui, il y a quelques années, n’en nécessitaient pas. Cette “inflation de diplômes” a contribué à la pénurie de talents et aux problèmes de recrutement auxquels sont confrontés de nombreux secteurs.
En révisant leurs exigences en matière de diplômes, les industries qui emploient des cols gris auront une chance unique de réduire les difficultés de recrutement. Les cols gris sont des professionnels qualifiés, dont beaucoup ont suivi deux années d’études ou plus pour obtenir un diplôme ou une certification spécialisée. Néanmoins, leurs fonctions exigent souvent une formation directement sur le terrain. Aussi, en investissant dans la formation et l’intégration de ses collaborateurs, les entreprises peuvent attirer des candidats talentueux et à fort potentiel, qui n’ont peut-être pas de diplôme ou un niveau universitaire inférieur à Bac+5. Cela permettra non seulement d’élargir le vivier de candidats disponibles, mais aussi de remédier aux inégalités et aux préjugés qui existent depuis longtemps dans le processus d’embauche.
Investir dans la requalification pour élargir le vivier de talents
Une autre façon d’élargir le vivier de talents en entreprise est d’investir dans des programmes de requalification. La pandémie et le passage au travail à distance ont accéléré la numérisation de nombreux rôles, y compris des postes de cols gris comme ceux des professionnels de l’éducation, mais également des services publics. Selon le rapport sur l’avenir de l’emploi du Forum Économique Mondial, 50 % de tous les employés auront besoin d’une requalification d’ici 2025, à mesure que l’adoption des technologies augmentera. Néanmoins, les entreprises doivent soutenir les collaborateurs, de manière à les guider dans la requalification. Il n’est pas raisonnable d’attendre des employés – et même des employés potentiels – qu’ils se recyclent et acquièrent de nouvelles compétences sur leur propre temps et avec leur propre argent. Pourtant, en France, ils sont 54% à avoir déjà appris seul durant leur temps libre une nouvelle compétence utile à leur vie professionnelle.
La formation devient un moyen populaire pour les employeurs de créer leur propre main-d’œuvre en offrant des programmes formateurs et de certification. Des entreprises comme Apple, Google ou encore IBM ont supprimé les exigences en matière de diplôme pour certains postes et mis au point des programmes qui permettent aux individus de développer leurs compétences professionnelles par le biais de programmes de certification et d’apprentissage. Ces programmes offrent une formation sur un éventail de compétences qui sont plus faciles à enseigner et à apprendre avec la pratique plutôt que dans une salle de classe. Il s’agit là d’embaucher au potentiel et non aux compétences.
Il est grand temps de prendre en compte les cols gris
La réponse au paysage actuel de l’embauche ne peut venir que lorsque les entreprises prendront en compte les besoins des cols gris.
Ces travailleurs constituent une source précieuse de talents cachés, et la pandémie a attiré sur eux l’attention qu’ils méritaient depuis longtemps.
Les entreprises ont beaucoup à gagner en accordant aux cols gris le respect qu’ils méritent, en repensant aux personnes qualifiées pour occuper ces postes et en réalisant des investissements pour développer cette main-d’œuvre.
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