Écrit et réalisé par Christine PAILLARD et Chad CHENOUGA – France 2024 1h35mn – avec Jean-Pascal Zadi, Emmanuelle Devos, Raphaël Quenard, Judith Magre, Camille Rutherford…

Du 24/07/24 au 27/08/24

POURQUOI TU SOURIS ?En ces temps fort moroses, pour ne pas dire dramatiques, où les occasions de rire sont rares, vous râlez parfois en pointant du doigt la toute petite place accordée dans nos programmations aux comédies, face à une majorité de films dramatiques qui racontent le monde tel qu’il est, c’est-à-dire pas gai et assez moche. Les comédies françaises sont légion, mais nous ne vous les proposons guère parce qu’elles reposent souvent sur des ficelles humoristiques qui ressemblent à des cordes d’amarrage de supertankers, et sur des clichés qui fleurent parfois la beauferie réac : certains auraient dû revoir quelques classiques de Lubitsch, Risi et cie avant de passer derrière la caméra…

Mais alléluia ! Voici un joli film hexagonal où l’on rit franchement, où l’on retrouve l’optimisme des comédies sociales de Capra, l’acidité des maitres italiens des années 70, avec parfois une dose de grand burlesque, ou le comique dévastateur des Leconte ou Blier (ça tombe bien, Chad Chenouga leur a consacré – ainsi qu’à Tavernier – un formidable documentaire).
On est tombé en affection pour Chad Chenouga avec ses deux précédents films (il avait réalisé, il y a plus de vingt ans, un premier essai attachant, 17, rue Bleue), qui ne sont pas franchement des comédies : De toutes mes forces, largement autobiographique, raconte le combat d’un jeune adolescent placé en foyer pour conquérir le droit d’avoir une vie normale. Quant au Principal, c’est le beau portrait d’un principal adjoint de collège incarné par Roschdy Zem, pur produit de la méritocratie républicaine, obsédé par la réussite scolaire de son fils au point de commettre une faute grave. Deux films sous le signe de la subtilité et de la tendresse.

Pourquoi tu souris ?, réalisé à quatre mains avec Christine Paillard – déjà co-scénariste des deux films cités plus haut –, est d’emblée très différent et se place clairement dans le registre de la comédie. On découvre Wisu (Jean-Pascal Zadi), un grand dadais noir de peau venu chercher la bonne fortune à Bordeaux. Il se présente à l’Opéra de la ville pour interpréter un rôle dans une représentation du Roi Lear, dont il est vite écarté pour incompatibilité entre son physique et la pièce. Sans ressource et à la rue, il va devoir son salut à la gentillesse spontanée de Marina (Emmanuelle Devos), bénévole dans une association d’accueil des sans-papiers, à laquelle il va faire croire qu’il est un migrant fraichement arrivé. Sa route va croiser celle de Jérôme (Raphaël Quenard), qui a perdu récemment sa mère et erre dans la ville, totalement dans la dèche lui aussi car pathologiquement allergique à l’effort, donc au travail – une affection pas encore prise en considération par la Sécurité Sociale.

Si la première partie du film est la chronique caustique et acide des piètres combine de deux filous adeptes du système D, dans l’esprit des films de Scola, rapidement la tendresse naturelle de Christine Paillard et Chad Chenouga prend le dessus autour de ce trio cabossé par la vie et qui va se trouver une complémentarité et une affection réciproques malgré les petits mensonges et duperies originels. On retiendra quelques séquences particulièrement hilarantes, notamment celle qui voit Wisu tenter de se lancer, avec un succès très relatif, comme escort boy ! Le film confirme ainsi l’immense talent comique de Jean-Pascal Zadi (Tout simplement noir) et Raphaël Quenard (Chien de la casse, Yannick), auxquels Emmanuelle Devos donne la réplique avec une fantaisie et une classe impériales.
Le film nous offre par ailleurs le bonheur d’une séquence drolatique et touchante avec la grande Judith Magre – 97 ans dont 75 de carrière ! –, épatante en vieille rentière indigne.

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