La voilà donc chargée par les 392.738 militants qui ont pris part au vote de faire l’union des gauches derrière sa candidature. Elle a d’ailleurs immédiatement indiqué, dans son discours de victoire qu’elle appellerait les chefs ou cheffe de file socialiste, écologiste, insoumis et communiste dans le but de “rassembler toutes les sensibilités” de son camp.
“Je sais leurs réticences, mais je sais aussi leur intelligence et leur sens de l’intérêt général. Cette union, nous la construisons ensemble”, a-t-elle lancé à la tribune devant un parterre de soutiens. Avec cette investiture, elle est la cinquième candidate à se présenter à gauche, remplaçant numériquement Arnaud Montebourg qui a jeté l’éponge il y a quelques jours. Mais peut-elle concrètement faire bouger les lignes à moins de trois mois de l’élection présidentielle? Et réussir son pari unioniste?
RAS pour les autres candidats
Autant vous le dire tout de suite, ce n’est pas -du tout- gagné. Au contraire, la réaction de ses différents concurrents, dimanche soir, donne un aperçu de la tâche difficile à laquelle l’ancienne ministre de François Hollande dit vouloir s’atteler. Tous avaient indiqué qu’ils ne reconnaîtraient pas la légitimité du processus citoyen: ils n’ont pas changé d’avis.
Invité du journal de TF1, pour lequel il avait exceptionnellement sorti une cravate, Yannick Jadot, arrivé deuxième au jugement majoritaire, n’avait “rien, rien, rien” à en dire. Si ce n’est plusieurs piques à l’adresse du processus citoyen: “C’était une primaire populaire pour Christiane Taubira, elle en sort vainqueur. C’est une candidature de plus, je crois que c’est exactement l’inverse” de ce pourquoi la consultation était organisée.
Même indifférence en forme de critique pour Jean-Luc Mélenchon, le candidat le mieux placé à gauche, à en croire les sondages. Crédité d’environ 10% d’intentions de vote, le chef de file de la France insoumise juge que cette primaire “n’est pas son affaire.”
“Elle a enfilé la chaussure qui avait été préparée pour elle, je ne suis pas concerné”, a-t-il ainsi lancé dans l’émission C dans l’air sur France 5. Même le coup de fil que souhaite lui passer Christiane Taubira n’enchante pas le député des Bouches-du-Rhône. “J’en ai un peu marre des appels téléphoniques où on me prend pour une bille”, a-t-il lâché, dans un sourire, en référence à la mise en scène, un peu désespérée, d’Arnaud Montebourg mi-décembre, quand il se faisait lui aussi le chantre de l’union.
Quelles suites pour le PS et Hidalgo?
Reste, dans ce brouillard, une candidate pour qui le résultat de dimanche soir est plus difficile que pour les autres. Anne Hidalgo est arrivée dernière parmi les différents poids lourds proposés au vote -malgré eux- et quatrième du classement général, derrière l’eurodéputé Nouvelle Donne élu sur la liste socialiste en 2019, Pierre Larrouturou.
Une difficulté de plus pour la maire de Paris qui avait, un temps, envisagé de se présenter réellement à ce scrutin intermédiaire et dont la campagne est marquée par les images de salles vides et des sondages en berne. Pas de quoi ébranler sa motivation pour autant. Invitée de C dans l’air dans la foulée de Jean-Luc Mélenchon, la candidate du PS a elle aussi qualifié l’aventure de Christiane Taubira de “candidature de plus”, à trois reprises.
“Je continuerai cette campagne avec de très très beaux sujets”, a-t-elle également pris soin de marteler, comme pour répondre à ceux qui pourraient douter de sa détermination. Il n’empêche, ce mauvais résultat, symbolisé par une mention “passable”, s’ajoute aux défections du maire de Marseille Benoît Payan ou la patronne de région Marie-Guite Dufay… lesquels avaient annoncé, avant les résultats de la Primaire populaire, qu’ils se plieraient au verdict.
Maintenant que Christiane Taubira peut se targuer du soutien de quelques 400.000 votants (quand Anne Hidalgo était désignée par 22.000 adhérents socialistes), la maire de la capitale peut craindre d’autres mouvements similaires, à l’heure où sa ligne est discutée en interne.
Une dynamique sinon rien
C’est en tout cas l’un des paris de la Guyanaise, aujourd’hui soutenue par le Parti Radical de Gauche, pour ce qui est des organisations politiques. Même si elle est en moyenne dans notre compilateur de sondages à moins de 5% des intentions de vote, son entourage, cité par l’AFP, espère que les prochains sondages, “entre le 5 et le 10 février”, montreront qu’ “elle bénéficie d’un fort capitale d’adhésion et d’enthousiasme dans le pays”. Une sorte d’union, mais par la base.
“Si le résultat est franc et massif, ça va ébranler des certitudes”, analyse encore l’un de ses proches, persuadé que les départs vont se multiplier dans les prochains jours dans les camps d’Anne Hidalgo et de Yannick Jadot, tous deux coincés, à leur échelle, dans les enquêtes d’opinion.
En attendant, une chose est sûre: Christiane Taubira se lance officiellement dans la course en trahissant une première promesse. Elle avait indiqué, en décembre dernier, qu’elle ne serait pas une candidate de plus au sein de cette gauche déjà bien divisée. C’est raté, à 69 jours du premier tour.
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