“Je crois qu’il faut évidemment que l’on atténue les mesures de rétorsion prises contre la Russie et leur impact sur le peuple français”, a expliqué ce dimanche 20 mars la candidate LR, commençant par donner un bon point au gouvernement avec les mesures de son “bouclier tarifaire” et de son “plan de résilience”, mais en lui reprochant, dans la foulée, de “ne pas rendre tout le surplus des taxes collectées grâce à la hausse des prix”.
“Un argent qui rentre dans les caisses de manière indue”
“On me dit que le surplus c’est 25 centimes par litre de carburants, or il ne rend que 15 centimes donc moi je ne comprends pas pourquoi on ne rend pas l’intégralité (…) Il n’est pas normal que l’État fasse des bénéfices sur la hausse des prix”, a-t-elle développé sur le plateau de Dimanche en politique sur France 3, martelant qu’“il faut rendre l’argent qui rentre dans les caisses de manière indue”.
J’ai réclamé que l’État rende aux Français tout le surplus des taxes sur les carburants qu’il a collecté grâce à la hausse des prix. Aujourd’hui, il ne rend que 15 centimes au lieu de 25. Ce n’est pas normal que l’État gagne de l’argent grâce à la hausse des prix ! #Pécresse2022pic.twitter.com/NYwkBFFnMN
— Valérie Pécresse (@vpecresse) March 20, 2022
Le procès n’est pas nouveau dans l’opposition, Marine Le Pen et l’ancien candidat au Congrès LR, Xavier Bertrand, ayant déjà accusé Bercy de profiter de la manne liée à la flambée des prix de l’énergie depuis plusieurs mois.
Lors de l’annonce de Jean Castex le samedi 13 mars, Valérie Pécresse avait cependant avancé un autre angle d’attaque, jugeant avec d’autres candidats à la présidentielle, que “la ficelle” du gouvernement était “un petit peu grosse” car “le 1er avril c’est à dix jours de l’élection”. “L’État rend l’argent de la hausse de l’essence, c’est ce que j’avais demandé, la seule question que je me pose, c’est pourquoi au 1er avril, pourquoi pas dès maintenant puisque c’est dès maintenant que les Français n’arrivent plus à se déplacer?”, avait-elle précisé sur Europe 1/Cnews/Les Échos, ce qui peut sembler paradoxal avec ses nouvelles déclarations.
Le gouvernement, lui, multiplie les déclarations pour s’en défendre. Cette seule mesure de ristourne à la pompe coûtera environ 2 milliards d’euros à l’État “sur le premier semestre 2022 et si les prix se maintiennent à ce niveau, les recettes fiscales sur les carburants augmenteraient de moins de 2 milliards d’euros”, a fait valoir Jean Castex à plusieurs reprises ces derniers jours.
“C’est clairement le contraire”
“L’État ne s’est pas enrichi sur le dos des Français”, a-t-il également martelé lors de la présentation des mesures d’aides complémentaires pour les routiers, pêcheurs, ou agriculteurs, le mercredi 16 mars. “Je ne peux pas laisser dire que l’État s’en met plein les poches. C’est clairement le contraire”, a-t-il assuré, faisant valoir que les comptes publics avaient reversé un total de “20 milliards d’euros depuis octobre à la protection du pouvoir d’achat des Français”.
Alors qui a raison? Et sur quoi se baser pour faire le calcul? Tout dépend ce que l’on regarde, donc accrochez-vous. Bien évidemment, le montant des taxes de l’État – qui représente près de 60% de la facture finale- grimpe en même temps que les prix dans les stations-service. Cela est assez simple à comprendre car la TVA prélevée s’applique en pourcentage lors du passage à la caisse.
Mais pour savoir si les finances publiques en profitent, il faut sortir sa calculette, faire des additions et des soustractions mais aussi prendre en compte que Bercy taxe une partie fixe des carburants depuis 2018. Et pour cela, les données rassemblées par l’Union française des industries pétrolières (UFIP) permettent de faire les totaux finaux, comme nos confrères du journal Les Échos ou encore de La Croix l’ont fait avant nous.
Regardons les deux principales taxes sur les carburants: la TVA et la TICPE. Si on regarde juste la TVA à 20%, un litre d’essence à 2 euros permet à l’État d’empocher 40 centimes le litre, contre 30 à 1,50 euro, prix connu en 2018 ou en 2019. Cela représente donc un gain de 10 centimes par litre pour Bercy. Un chiffre inférieur à la ristourne promise par le gouvernement Castex.
Mais à ce premier coup fiscal, il faut ajouter la recette de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui, elle, est déterminée chaque année et votée dans le cadre des débats budgétaires au Parlement. Elle est actuellement fixée à 59,40 centimes d’euros par litre de gazole et à 66,29 centimes pour l’essence SP-95. Fixe depuis 2018 et la crise des gilets jaunes, elle ne profite donc pas des dernières hausses de prix. En 2022, ses recettes devraient, tout de même, atteindre 18,4 milliards d’euros, selon Bercy.
En cumulé, l’État voit donc ses recettes sur les ventes de carburants augmenter, mais cela surtout si les Français et les entreprises en consomment davantage, comme depuis la reprise économique, plus que si les prix augmentent.
Le gouvernement Castex peut, par ailleurs, faire valoir que la ristourne à 15 centimes n’est pas le seul coup de pouce octroyé aux Français: le gouvernement a par exemple déjà envoyé, ces derniers mois, une indemnité inflation de 100 euros à près de 38 millions de Français, ou encore un chèque énergie. Il a également revalorisé l’indemnité kilométrique. Il a également promis des enveloppes de plusieurs centaines de millions d’euros à plusieurs filières, comme les routiers ou les agriculteurs.
De plus, les budgets des Français s’adaptent à leur poste de dépense. Bercy a d’ailleurs fait valoir que “les gains de TVA liés aux carburants sont contrebalancés par de moindres recettes sur d’autres achats”. Une fois tout cela dit, il reste les propositions d’autres candidats que Valérie Pécresse sur la hausse de la taxation des profits des grands groupes pétroliers, la baisse ou la suspension de la TVA ou de la TCIPE ou un prix fixe maximum à la pompe, mais cela est un autre débat. Notamment pour la dette publique et l’écologie.
À voir également sur Le HuffPost: Prix de l’énergie: Castex promet une aide pour les entreprises