Des séquelles encore très vives. En témoignent les menaces formulées par Jean-François Copé (blanchi dans ce dossier) qui, selon L’Opinion, a prévenu les cadres LR lors d’un conseil stratégique mardi 9 mars: un dépôt de plainte automatique pour tous ceux qui s’aventureraient à lui faire porter le chapeau.
Une preuve de l’ampleur du trauma rue de Vaugirard qui rappelle que le séisme Bygmalion continue de secouer les consciences, tant chaque grande famille de l’ex-UMP (sarkozystes, fillonistes et copéistes) a eu à gérer, d’une façon ou d’une autre, une conséquence causée par ce dossier tentaculaire. Alors que les protagonistes sont appelés à répondre de leurs actes devant la justice, Le HuffPost fait le point sur tous les psychodrames que l’affaire Bygmalion a, directement ou indirectement, provoqués sur le plan politique.
Risque de faillite et “Sarkothon”
Un succès sur le papier, puisque l’objectif a été atteint sans difficulté. Pour autant, cet épisode va jeter le trouble sur la formation politique, laquelle se trouve accusée par ses détracteurs d’avoir renfloué ses caisses grâce aux déductions fiscales applicables aux donateurs de partis politiques. En quelque sorte, d’avoir épongé ses dettes sur le dos des contribuables. Outre cette polémique, va s’installer l’idée que quelque chose de pas très net s’est passé avec la comptabilité de la campagne, ce que les mois qui suivent vont confirmer. Le ver est dans le fruit.
De “l’Affaire Copé” aux pénalités
La machine politico-médiatique s’emballe, jusqu’à ce que Libération évoque le chiffre monstre de 20 millions d’euros de prestations payées par le parti de droite à Event & Cie, la filiale événementielle de Bygmalion. Du côté de l’entreprise, on explique que ces surfacturations visaient en réalité à masquer les dépassements de frais de campagne de Nicolas Sarkozy. La pression est alors trop forte pour Jean-François Copé: il démissionne le 27 mai, à l’issue d’un bureau politique ayant viré aux règlements de comptes entre barons de la droite.
Fin de l’histoire? Non. Ce psychodrame en provoque un autre. Pour sauver le parti, un triumvirat est nommé pour le reprendre en main. Trois anciens premiers ministres partagent la direction: Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et François Fillon. Une nouvelle équipe qui, en arrivant, va se pencher sur les comptes du parti. Et réaliser que l’UMP a réglé les pénalités dont Nicolas Sarkozy avait écopé, au titre du dépassement de son plafond de dépenses. Des doutes s’installent alors sur la légalité du procédé et l’UMP saisit la justice.
Autant échaudé par ce règlement que déterminé à porter les couleurs de son parti en 2017, François Fillon y voit l’occasion d’éliminer un rival. Il déjeune en juin 2014 avec Jean-Pierre Jouyet, alors secrétaire général de l’Élysée de François Hollande. Une rencontre au cours de laquelle l’ancien premier ministre invite le pouvoir socialiste à “taper vite” sur Nicolas Sarkozy pour l’empêcher de revenir dans le jeu politique.
“Tu te rends compte, Jean-Pierre, c’est de l’abus de bien social”, aurait lancé François Fillon à Jean-Pierre Jouyet, au sujet du règlement de ces pénalités. L’ex-député de Paris a toujours démenti avoir demandé pareil service au secrétaire général de l’Élysée, mais sa plainte en diffamation n’a rien donné. Et à défaut d’avoir obtenu gain de cause, François Fillon a, sans le savoir, enclenché une bombe à retardement qui lui explosera à la figure des années plus tard.
Les aveux cathodiques de Lavrilleux
Ce qui tombe bien, puisqu’il a décidé de les raconter en direct sur BFMTV le 26 mai 2014. La voix tremblante et les yeux embués de larmes, Jérôme Lavrilleux avoue devant Ruth Elkrief que le parti a réglé des factures de conventions bidons qui, en réalité, correspondaient à des prestations réalisées dans le cadre de la campagne présidentielle.
Mais, surtout, il dédouane son patron et décrit un système dont plusieurs cadres avaient connaissance. “Je n’y vais pas pour sauver Copé, j’y vais pour dire la vérité. Un bureau politique de l’UMP était convoqué pour couper la tête de Copé. Je ne supportais pas l’idée qu’ils puissent le dégager comme ça, avec cette allusion au détournement d’argent. Il fallait que quelqu’un dise la vérité”, raconte-t-il, six ans plus tard, à franceinfo. Un grand déballage public qui va coûter très cher à l’intéressé, aujourd’hui poursuivi pour “recel d’abus de confiance”, “complicité d’escroquerie”, “complicité de financement illégal de campagne électorale” et “usage de faux”.
Sur le plan personnel, les choses ont été particulièrement douloureuses. Après ses confessions, celui qui a été élu eurodéputé quelques heures plus tôt rejoint en voiture son domicile de l’Aisne. Une fois sur place, et brisé par cet exercice, il envisage le pire, jusqu’à se saisir d’une corde pour réaliser un nœud coulant. Inquiète, Ruth Elkrief lui envoie un SMS de réconfort, qui le dissuadera de commettre l’irréparable. C’est ainsi que, en conséquence de la dissimulation de la campagne trop dépensière de Nicolas Sarkozy, la vie d’un homme s’est jouée à la réception d’un SMS.
De la primaire de la droite au naufrage de Fillon
Premier effet boomerang, cette phrase sous forme de leçon de morale lui reviendra à la figure quand lui même sera mis en examen dans le cadre du “Penelope Gate”. Mais un autre acteur va entrer en jeu en réaction à ce qui, après les révélations liées au déjeuner avec Jean-Pierre Jouyet, est perçu comme une énième trahison. Ce nouvel acteur, c’est l’homme d’affaires Robert Bourgi. Dans le “Complément d’enquête” consacré à l’affaire Bygmalion, ce conseiller de l’ombre explique avoir rencontré François Fillon au lendemain de ce meeting. Robert Bourgi (proche de Nicolas Sarkozy) lui fait part de sa “grosse colère”, trouvant particulièrement inélégante l’attaque prononcée la veille.
Pour autant, il scelle un pacte avec lui: s’il gagne la primaire, il lui offre les fameux costumes Arnys. Ce qu’il a fait… Avant d’aller révéler ces “cadeaux” dans la presse. Des cadeaux empoisonnés qui scelleront définitivement le sort de la candidature déjà très mal embarquée de François Fillon à la présidentielle de 2017.
Et c’est ainsi que, cinq ans après la campagne controversée de 2012, la droite de gouvernement a échoué à se qualifier au second tour. Une première dans l’histoire de la Ve République. La suite, c’est à la justice de l’écrire.
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