LITTÉRATURE – S’il est des jours qu’on préfère éviter, voire tout simplement annuler pour swiper au suivant, quand on a un chagrin d’amour, c’est bien celui-ci, le 14-février. Ce lundi de Saint-Valentin ne va pas déroger à la règle, mais peut être mieux vécu grâce à l’une de nos recommandations: un livre intitulé Tout cela n’a rien à voir avec moi.
Disponible en librairie aux éditions Jean-Claude Lattès, il a été écrit par la journaliste et autrice Monica Sabolo. Succès littéraire discret, il a toutefois remporté le prix de Flore, en 2013. Une distinction destinée à récompenser une œuvre pour son esprit, son originalité, sa modernité et sa jeunesse.
“Il est si rare de se faire surprendre de la sorte, comme si l’on était dévoré par une fleur soudain carnivore, écrivait, à l’époque, l’instigateur de ce prix Frédéric Beigbeder. Imaginez que vous regardez un épisode de Girls et tout d’un coup vous voilà projeté chez Fritz Zorn [auteur d’un seul et unique livre du nom de Mars, NDLR], et personne ne vous a jamais torturé aussi tendrement.”
Le roman de Monica Sabolo (Jungle, Le roman de Lili) n’a rien d’une torture. Son histoire, c’est celle d’une femme, une certaine MS, et de sa rencontre avec un homme. Il est fuyant, changeant, détaché. Elle, fougueuse, passionnée, immédiatement attirée. Malgré le flagrant désintérêt qu’il manifeste à son égard, MS s’accroche.
Un roman-collage ironique
A-t-elle raison ou est-elle aveuglée par le déni? Dans un cas comme dans l’autre, MS opte pour la témérité: elle fonce tête baissée. Elle se lance alors dans une histoire d’amour qui, au bout de quelques mois, se cogne inévitablement contre un mur. MS est effondrée. Il lui faudra du temps, beaucoup de temps pour s’en remettre.
Mais comme toutes les ruptures, celle-ci finit par se consommer. Comment en est-elle arrivée là? Est-elle vouée à revivre encore et encore ces douloureux échecs sentimentaux? À la manière d’une enquêtrice de la police scientifique, MS passe au crible son récit sentimental, elle dissèque chaque indice, chaque antécédent pour mieux comprendre cet aveuglement amoureux. Le ton n’est ni grave ni alarmant. Il est, certes, mélancolique, mais teinté de beaucoup d’ironie et d’humour.
Le livre de Monica Sabolo ne ressemble à aucun autre, pour sa plume, mais aussi pour sa forme. Sorte de roman-collage, il est entrecoupé de souvenirs. Parfois, ce sont des SMS. Parfois, des lettres ou des photos, comme celle d’un briquet subtilisé pendant un date ou celle d’un vêtement, un pull, par exemple, que MS a revêtu dans l’espoir d’un rapprochement physique avec l’être aimé.
Les mots de David Lynch
De ces reliques, certaines l’ont fait cogiter. C’est le cas d’une rencontre avec David Lynch en 2011 au Silencio, dont elle a retranscrit l’échange. ”À l’université, j’avais deux girlfriends, l’une d’elles était secrète, lui dit-il. C’était elle que j’aimais. Un jour, je l’ai invitée à déjeuner et je lui ai demandé si elle m’aimait. Elle a répondu ‘non’. Oh! C’était dur. Ensuite, j’ai pensé à elle pendant vingt ans.”
Le réalisateur continue: “Un jour, il y a quelque temps, j’ai décidé de l’appeler. Et vous savez quoi? À la seconde où j’ai entendu sa voix, à la seconde même, tout était fini. La liberté. […] Les choses que vous imaginez sont beaucoup plus belles que la réalité, vous savez cela, n’est-ce pas?”
“Comme il a raison”, s’emporte le romancier David Foenkinos, dans sa critique du livre pour Paris Match. Car oui, ces fantasmes ne sont-ils pas le fruit “d’un état naïf”, comme il le dit, celui auquel nous conditionne l’amour? Le témoignage de Monica Sabolo, dont on ne sait s’il est autobiographique, est personnel, mais pas moins universel. Il est surtout efficace, comme en ce 14-février, pour faire un pied de nez à son chagrin.
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