Et pour cause, elle juge celle-ci trop proche du pouvoir, dont elle boycotte la politique à l’égard des Palestiniens. “Je ne pense pas qu’il serait juste” d’accepter un contrat avec une société israélienne “qui ne se distancie pas publiquement de l’apartheid et ne soutient pas les droits du peuple palestinien stipulés par l’ONU”, a affirmé l’écrivaine de 30 ans dans un communiqué.
Sally Rooney a précisé que “ce serait un honneur” que son troisième livre, Beautiful World, Where Are You, soit traduit en hébreu, “mais pour le moment, j’ai choisi de ne pas vendre ces droits de traduction à une maison d’édition basée en Israël” tant qu’elle ne remplit pas les bonnes conditions, a-t-elle ajouté.
Ses deux précédents livres, Conversations entre amis et Normal People, qui s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires et dont l’adaptation en série a été primée aux Golden Globes, avaient été traduits en hébreu par Modan.
Fustigée par la communauté juive
La décision de lui refuser les droits de son troisième titre a suscité de vives réactions, notamment dans la communauté juive. “Sally Rooney a choisi une voie aux antipodes de l’essence artistique de la littérature”, a dénoncé Gitit Levy-Paz, membre de l’Institut politique du peuple juif (JPPI).
“L’essence même de la littérature, son pouvoir d’apporter un sentiment de cohérence et d’ordre au monde, est niée par le choix de Rooney d’exclure un groupe de lecteurs en raison de leur identité nationale”, a-t-elle déploré sur le site d’information juif Forward.
“Les romans de Sally Rooney sont disponibles en chinois et en russe. Ne se soucie-t-elle pas des Ouïghours? Ou des journalistes qui défient Poutine?”, a raillé sur Twitter la critique américaine Ruth Franklin, ajoutant que “juger Israël selon une norme différente de celle du reste du monde relève de l’antisémitisme”.
Boycott économique et culturel
“Le système israélien de domination et de ségrégation raciale contre les Palestiniens répond à la définition de l’apartheid selon le droit international”, a riposté l’écrivaine, affirmant soutenir le mouvement de boycott visant les entreprises ou institutions “complices” de “graves violations des droits humains”.
De son côté, Ronan Burtenshaw, le directeur de la rédaction du magazine Tribune a, lui, défendu l’autrice britannique, expliquant sur Twitter qu’on “ne peut pas être publié chez Modan et respecter le boycott, c’est tout simple”.
Comme le rappelle Courrier International, elle avait déjà apporté son soutien aux côtés d’autres écrivains, au mois de mai, au BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions), un mouvement qu’elle décrit comme “une campagne non-violente et citoyenne […] modelée sur le boycott économique et culturel qui a contribué à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud”.
Originaire de Castlebar, dans le nord-ouest de l’Irlande, Sally Rooney est considérée comme une jeune prodige dans le monde de la littérature anglo-saxonne grâce à ses œuvres abordant entre autres la notion de consentement, les différences sociales et les différentes formes de relations amoureuses. Son dernier roman, Beautiful World, Where Are You, est dés sa sortie, au mois de septembre dernier, devenu à son tour un best-seller au Royaume-Uni et en Irlande.
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