Cette “Lettre à Monsieur Germain”, écrite par Camus le 19 novembre 1957 à son enseignant après qu’il a reçu son prix Nobel de littérature, figure aussi parmi les textes de l’album “Jours de gloire”, attendu le 6 novembre. Comme Matthieu Chedid qui reprend cette lettre, une vingtaine d’artistes – de Jane Birkin à Camélia Jordana en passant par Abd Al Malik – ont enregistré des extraits mis en musique de discours, de tribunes, de textes de loi. Avec pour dessein de mettre en lumière les valeurs républicaines qu’ils racontent.
À l’origine du projet, qu’il mène depuis six ans: Sébastien Boudria, compositeur et professeur de musique aux conservatoires de Clichy et de Colombes, dans les Hauts-de-Seine (92). “Bouleversé” et “pris aux tripes” par la violence de l’attentat terroriste qui a coûté la vie à Samuel Paty, l’enseignant de 36 ans a voulu “partager urgemment” deux extraits de cet album: la “Lettre à Monsieur Germain” interprétée par -M- donc, mais aussi la “Lettre aux instituteurs” de Jean Jaurès, publiée dans La Dépêche le 15 janvier 1888, et reprise par Oxmo Puccino dans l’album.
La lettre d’Albert Camus à son professeur, lue lors de l’hommage national à Samuel Paty le 21 octobre 2020:
[embedded content]
Pour ce passionné d’histoire qui a épluché quelque 300 textes sur la République, la lettre d’Albert Camus est “un vrai message d’espoir”. “Camus est l’un des noms les plus donnés aux écoles en France et ce n’est pas pour rien. C’est l’exemple de la méritocratie à la française et le plus bel exemple qu’on puisse donner à nos élèves”, assure-t-il. Et les enseignants sont, aujourd’hui encore, “souvent perçus comme le seul espoir pour certains élèves”.
“Cette responsabilité que décrit Jaurès, tous les enseignants la connaissent”
À une autre époque et dans un autre registre, la lettre que Jean Jaurès adresse aux instituteurs et institutrices alors qu’il n’a que 29 ans est aussi incontournable. “Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants; vous êtes responsables de la patrie”, y écrit Jaurès. “Cette responsabilité que décrit Jean Jaurès, tous les enseignants la connaissent” même 132 ans plus tard, souffle Sébastien Boudria.
“Les enseignants sont payés une misère, et dans bien des cas ils ne sont pas soutenus par leur ministère ou leur hiérarchie. Mais en fait ma directive dans mon métier, elle ne vient pas d’un ministère, mais de Jaurès”, assène celui qui se décrit comme un “citoyen qui aime profondément son pays”.
La lettre aux instituteurs et institutrices de Jean Jaurès, lue par Oxmo Puccino:
[embedded content]
“L’instituteur c’est la deuxième famille d’un élève, ou parfois sa seule même. C’est ce qu’il y a de plus sacré, celui qui nous permet de devenir un homme ou une femme, celui qui peut nous donner un espoir fou dans une vie comme Monsieur Germain l’a été pour Camus”, poursuit encore Sébastien Boudria. Un rôle sacré qui a été visé par un attentat terroriste islamiste ce 16 octobre dernier.
“Ces textes, c’est ce qui nous unit”
À l’aune de cette tragique actualité, le compositeur voit en “Jours de gloire” la “meilleure réponse face à la barbarie”. “C’est ma façon à moi de répondre et de dire: vous pouvez faire ce que vous voulez, vous ne nous enlèverez pas Jaurès ou Camus. C’est notre histoire, notre étendard. C’est ce qui nous soude”, martèle le trentenaire.
En 2014 pourtant, alors que naissait l’envie de cet album, Sébastien Boudria se souvient qu’on lui a “ri au nez” au ministère de la Culture, certains y voyant presque un “projet du Front national”. Après les attentats de 2015, le musicien a vu son projet artistique prendre une vraie dimension politique. Voir Camélia Jordana reprendre le discours pour le droit de vote des femmes d’Hubertine Auclert (1879) aux côtés de Michel Bouquet sur un discours de guerre de Georges Clémenceau (1913) est “la meilleure réponse, car c’est une œuvre d’unité”.
“Ce qui nous relie les uns aux autres, ce sont ces textes, ces valeurs, notre histoire. Il faut montrer ce qui nous unit et faire vivre la République, en votant, en manifestant, en faisant remonter la colère par des mots. Mais on ne construit rien sur la violence”, conclut-il.
À voir également sur Le HuffPost: L’intégralité de l’hommage national à Samuel Paty
En savoir plus sur L'ABESTIT
Subscribe to get the latest posts sent to your email.