MANGA – Satoshi Kon fut une étoile filante. Seulement quatre films, une série télévisée et quelques mangas, avant de décéder à l’âge de 46 ans à la suite d’un cancer foudroyant. Peu d’œuvres, mais toutes essentielles: un peu comme le Velvet Underground pour les musiciens, Satoshi Kon a la réputation d’avoir influencé tous les artistes qui se sont intéressés à lui. Douze ans après sa mort, le culte autour du cinéaste d’animation devenu une véritable icône de la pop culture internationale a gagné des fidèles, comme le démontre un très beau documentaire qui lui est consacré: “Satoshi Kon, l’Illusionniste”, réalisé par le Français Pascal-Alex Vincent.
Monté notamment à partir d’interviews de l’artiste, dont l’une restée inédite, “Satoshi Kon, l’illusionniste” montre aussi quelques célèbres cinéastes lui rendre hommage, dont Darren Aronofsky qui avoue lui avoir volé un plan -avec son autorisation- pour la célèbre scène de son film “Requiem for a Dream” où Jennifer Connelly hurle dans l’eau de son bain.
“C’est un maître, et j’apprendrai de lui jusqu’à la fin de mes jours” affirme quant à lui Rodney Rothman, le réalisateur du plus impressionnant film d’animation de ces dernières années: “Spider-Man Into the Spider-Verse”.
Le Japonais laisse pourtant à ceux qui l’ont côtoyé une image contrastée. “C’était un génie, mais un homme détestable” avoue avec une franchise surprenante son producteur Taro Maki. Un constat que partagent dans le documentaire plusieurs de ses collaborateurs, dont certains ont abandonné des projets en cours de production à la suite d’affrontements dantesques, ainsi que Mamoru Oshii, le réalisateur de “Ghost in the Shell”, qui raconte que chacune de leur rencontre se terminait par une énorme dispute.
Mystère et paranoïa
Satoshi Kon publie ses premiers mangas à l’âge de 22 ans, dont de magnifiques histoires courtes disponibles en français aux éditions Pika Graphic. Son dessin est au début très inspiré par Katsuhiro Otomo (l’auteur d’Akira), mais Kon trouve rapidement son style. L’une de ses premières histoires: “Retour vers la mer,” fait l’objet d’un projet d’adaptation par les cinéastes français Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet, dont le film “La Cité des Enfants perdus” connaît un beau succès au Japon. Malheureusement, ce projet n’aboutit pas.
L’histoire de Satoshi Kon se lie alors avec celle de l’un des plus célèbres studios d’animation japonais: Madhouse, pour qui il réalise son premier film: “Perfect Blue” (1998). Un thriller extrêmement sombre et paranoïaque racontant l’histoire d’une chanteuse pop harcelée par un fan. Commentaire assez cinglant sur l’industrie culturelle japonaise, “Perfect Blue” est nimbé de mystère et traversé par une inhabituelle violence graphique, pour un résultat qui croise de façon surprenante les univers de David Lynch et du giallo italien. Le film fascine les cinéphiles du monde entier, ouvrant un nouveau public adulte à l’animation japonaise, dix ans après le film Akira.
Le projet suivant de Satoshi Kon: “Millenium Actress”, rencontre un plus large public et connaît un immense succès critique, de même qu’après lui Tokyo Godfathers, marqué par une bonne humeur inattendue dans son cinéma. Son dernier film, Paprika, constitue sans doute le chef-d’œuvre de sa trop courte carrière. Il inspirera fortement Christopher Nolan pour l’écriture d’Inception.
S’il donne envie de replonger immédiatement dans tous ses films, “Satoshi Kon l’Illusionniste” raconte pourtant à quel point chacun d’eux fut difficile à monter. Ce fut sans doute la raison pour laquelle le réalisateur s’essaya à la série télévisée avec Paranoia Agent, qu’il présenta comme sa “réponse à Twin Peaks”. Une série qui reste culte pour les fans d’animation du monde entier.
La fin du documentaire offre une immense surprise en présentant des images inédites du dernier projet au cinéma de Satoshi Kon: “Dreaming Machine”, qui devait marquer un changement radical de style. Il restera inachevé à cause de la mort de l’artiste, laissant des millions d’admirateurs orphelins, convaincus qu’avec la maturité, Satoshi Kon serait probablement devenu aussi important qu’Hayao Miyazaki.
Carlotta Films
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