Pourquoi j’ai peur de consulter les dossiers de la Stasi sur ma famille
L’été dernier, alors que je passais du temps avec ma famille, ma tante Else* a mentionné au passage que ce cher oncle Holger* était dans la Stasi. Nous sommes tous restés bouche bée. Pour ceux qui ne le savent pas, la Stasi était la police politique de l’Allemagne de l’Est, également connue sous le nom de ministère de la Sécurité d’État, qui a espionné des milliers de citoyens. Entre 1950 et 1990, la Stasi s’est appuyée sur un vaste réseau d’agents officiels et d’informateurs officieux pour trouver des résistants potentiels au régime socialiste. À l’époque, n’importe qui pouvait être un informateur : des amis, des voisins et même des membres de la famille. Beaucoup ont été contraints de collaborer avec l’État, et le climat d’incertitude et de peur a détruit à jamais de nombreuses relations. Il s’avère que mon oncle n’était pas un informateur mais un salarié du Département de l’espionnage industriel, ce qui lui a permis de mener une vie confortable et de bénéficier d’un régime de retraite. Personne n’a cherché délibérément à cacher ces faits, mais Holger est mort depuis un certain temps déjà, si bien que l’on n’en a jamais vraiment parlé. Et je n’ai jamais demandé. La Stasi comptait officiellement 12 000 employés de la République démocratique allemande (RDA). Aujourd’hui encore, les archives berlinoises renferment près de douze kilomètres de documents contenant les informations recueillies sur les individus espionnés. Les familles peuvent demander l’accès à leur dossier. Mais beaucoup refusent de le faire, précisément parce qu’elles ne veulent pas savoir quel proche les a trahies. Il est difficile, pour les Allemands nés après la révolution, d’imaginer ce que leurs parents ont vécu, et encore plus difficile de comprendre pourquoi ces derniers ne veulent pas savoir quel rôle leurs proches ont joué à l’époque. J’ai parlé à trois jeunes de la…