Parcoursup : le stress est toujours là !
Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a, une fois de plus, établi un rapport très positif concernant la session 2024 de Parcoursup. Sur son site, le ministère se réjouit de « des améliorations tangibles qui répondent aux attentes des lycéens ».
En effet, 86,7 % des 945 500 candidats ont obtenu au moins une proposition d’admission dans l’une des formations pour lesquelles ils avaient exprimé des vœux sur la plateforme. De plus, 650 000 d’entre eux ont accepté une proposition d’admission, représentant 79,2 % de ceux ayant reçu une offre. Globalement, Le Monde a estimé que 68,8 % des inscrits sur la plateforme, toutes catégories confondues, se sont engagés dans un cursus qu’ils désiraient.
Cependant, on peut également noter l’aspect négatif des chiffres, qui sont en déclin par rapport à 2023, où ils étaient de 87,8 % et 69,5 % respectivement.
La newsletter d’Alternatives Économiques
Chaque dimanche à 17h, notre analyse de l’actualité de la semaine
Augmentation de l’offre privée
Le ministère indique également que le nombre de formations disponibles sur la plateforme est en hausse. Cela a été constaté chaque année depuis son lancement en 2018, mais cette hausse est principalement due aux établissements privés, sous ou hors contrat. Ainsi, le nombre de formations proposées par l’enseignement privé a presque doublé entre 2020 et 2024 (4 992 en 2020, contre 9 298 en 2023, soit une augmentation de 86,3 %), tandis que l’offre de l’enseignement public n’a progressé que de 15,3 % durant la même période (11 998 en 2020, contre 13 829 en 2023).
Un autre chiffre communiqué par le ministère est également frappant : malgré les avancées annoncées, 83 % des candidats trouvent la procédure stressante, tout comme l’année précédente et celle d’avant (d’après une étude d’opinion menée par l’institut de sondage CSA auprès des lycéens inscrits sur Parcoursup).
Le bilan du ministère met en avant un site d’entraînement créé pour la première fois cette année, afin d’aider les candidats « à mieux comprendre le fonctionnement de Parcoursup ». 82 % des élèves utilisateurs estiment que ce site « les a rassurés sur le fonctionnement de la phase d’admission de Parcoursup », de sorte que le ministère a annoncé que cet outil « sera promu auprès des élèves pour réduire le stress et les angoisses liés à la procédure ».
Ainsi, la réponse au stress causé par la procédure – reconnue par le ministère de l’Enseignement supérieur, qui ne peut guère faire autrement – n’est pas de réformer cette dernière pour l’améliorer et la rendre moins angoissante, mais plutôt de développer un site pour « préparer » les candidats à utiliser la plateforme.
Pas de créations de postes à l’université
<pCependant, Parcoursup a été instauré en janvier 2018 pour remplacer la procédure APB, qui nécessitait un tirage au sort afin de départager les candidats trop nombreux dans certaines filières (comme la psychologie ou la licence STAPS), ce qui semblait injuste et peu prévisible pour eux. Il ne fait aucun doute que la création de places à l’université dans ces filières aurait été moins stressante, mais cela n’était peut-être pas l'objectif…
En réalité, il n’y a pas eu de création de postes : l’augmentation du nombre de vacataires dans l’enseignement supérieur est très marquée, puisqu’ils constituent désormais plus de la moitié des enseignants dans le supérieur (plus de 60 % en 2021-2022, soit une hausse de 30 % en 7 ans), selon un rapport du collectif Nos services publics.
De plus, Parcoursup ne permettant pas de hiérarchiser ses vœux, il est difficile de savoir si les étudiants sont finalement inscrits dans une filière qui correspond à leur véritable souhait, ou à un choix par défaut, étant donné qu’ils sont encouragés à formuler dix vœux, qui ne sont pas tous leur première préférence. Et les données chiffrées du ministère ne font évidemment pas la distinction entre premier et deuxième (ou troisième, quatrième, voire dixième) choix.
Serait-il possible qu’il y ait un lien avec l’augmentation cette année (+ 3,7 %) du nombre d’étudiants déjà inscrits qui « rejouent » sur Parcoursup pour se réorienter ? Selon le ministère, il s’agit principalement de « “vœux de précaution” […] en attendant les résultats de leur première année dans la formation qu’ils suivent déjà », rapporte Le Monde.
Un moment de grande tension
Quoi qu’il en soit, la fin du lycée, avec le choix des spécialités, et l’entrée dans l’enseignement supérieur deviennent un moment de grande tension pour les futurs adultes, et Parcoursup y joue un rôle déterminant. C’est vraiment regrettable, car un stress réduit lors de la transition entre le secondaire et l’université pourrait, éventuellement, contribuer à atténuer le mal-être et le sentiment de solitude croissants chez les jeunes.
Les jeunes de 18 à 24 ans sont 62 % à se sentir souvent seuls, bien plus que la moyenne des Français (44 %), selon une étude de l’Ifop publiée en janvier 2024. De plus, 90 % de cette tranche d’âge affirme ressentir divers impacts sur leur santé mentale (pleurs, épisodes de stress, troubles du sommeil, états dépressifs et pensées suicidaires).
SOS amitié a également publié en mai un baromètre sur le mal-être qui souligne que le sentiment de solitude figure parmi les raisons des appels des jeunes (de plus en plus jeunes), ainsi que « l’anxiété face à l’avenir ». Certes, le changement climatique et les conflits en cours sont une grande partie du problème, mais il est légitime de s’interroger sur les conséquences d’une entrée dans l’âge adulte marquée par une orientation contraignante et stressante…
La majorité des études sur le mal-être et la santé mentale des jeunes rapportent un tournant avec la pandémie de Covid-19 et le confinement. La création de Parcoursup deux ans plus tôt a sans doute été un facteur préjudiciable.