Le Français qui voulait rendre immortels tous les piafs du Nouveau Monde
Conséquence possible d’une trop grande exposition aux dessins animés programmés par Ça Cartoon, on a longtemps eu la sensation que les oiseaux finissaient toujours par s’en sortir – a priori, à l’heure où vous lisez ces lignes, ce grand géocoucou de Bip-bip n’a pas encore été rattrapé par Coyote. Dans la réalité, les piafs ne sont pas éternels comme le montrent le destin irréversible du dodo ou le déclin alarmant des moineaux en Île-de-France. Et ça, Jean-Jacques Audubon l’avait compris avant pas mal de monde. Ce naturaliste, ornithologue et peintre d’origine française a parcouru l’Amérique du XIXe siècle à la recherche d’oiseaux à immortaliser avant de publier ses dessins dans un magnum opus baptisé Birds of America célébrant les volatiles du Nouveau Monde. Birds of America, c’est aussi le titre du documentaire réalisé par Jacques Lœuille (en salles depuis le 25 mai) qui revient sur les pérégrinations d’Audubon et les confronte aux paysages actuels des États-Unis. Aujourd’hui, le parcours du naturaliste ne serait plus jalonné par des comptoirs de trappeurs et des nids d’aigrettes mais des gazoducs, oléoducs et autres zones d’extractions de matières premières qui ont progressivement chassé les animaux, les populations locales et tout espoir de conservation des berges du Mississippi, rongées par l’érosion. En observant les volatiles qui empruntent le « père des fleuves » comme couloir migratoire, Audubon ressentait-il déjà l’urgence de saisir ce qui pouvait être perdu ? C’est le postulat de Lœuille qui érige le naturaliste en pionnier de l’écologie. Son parcours laisse néanmoins apparaître quelques zones d’ombre. Né en 1785, Audubon traverse l’Atlantique à 18 ans – un voyage entrepris pour échapper aux guerres napoléoniennes et à la conscription en vigueur qui raccourcissaient assez drastiquement l’espérance de vie des engagés. Il est parachuté dans une plantation familiale en Louisiane, territoire qui vient d’être vendu par la France à…