À Paimpol, un accès aux services publics devenu plus complexe
Killian est en avance. Ce mercredi, il a rendez-vous avec son conseiller France travail, qui assure une permanence dans l’espace France services, installé au rez-de-chaussée de la mairie de Paimpol. Cette fois, c’est tout près de chez lui. Cependant, comme il suit un « parcours emploi santé », il doit également se rendre une fois par mois à Lannion, à 45 minutes en voiture, pour rencontrer le psychologue du travail. Quant aux entretiens collectifs, ils ont lieu à l’agence la plus proche, située à Guingamp, à une demi-heure de route.
« C’est un peu compliqué, surtout que je ne conduis pas. Je fais tout à pied, en transports en commun ou bien ma mère m’emmène, si elle est disponible », explique le jeune homme.
A Paimpol, une petite ville de 7 200 habitants située à la pointe des Côtes-d’Armor, le bureau dédié aux demandeurs d’emploi a fermé il y a des années, remplacé par une permanence hebdomadaire. Ce n’est pas le seul service public à avoir réduit ses activités : La Poste ne compte désormais qu’une seule agence fonctionnant à plein régime, les villages alentour n’ayant plus qu’une agence communale.
La greffière qui gérait notamment les dossiers de tutelle est partie en retraite, et tout a été transféré à Saint-Brieuc. Le Centre des finances publiques a également été fermé en 2021 ; il comptait alors une vingtaine d’agents, remplacés aujourd’hui par seulement deux jours et demi de permanence à France services chaque semaine. Sans oublier la fermeture de deux classes dans l’école publique lors des deux dernières rentrées scolaires.
L’hôpital « démantelé »
L’hôpital a été « démantelé », selon les mots de la maire socialiste Fanny Chappé : la maternité a cessé ses activités en 2003, le bloc opératoire en 2010… Les urgences ont à plusieurs reprises risqué la fermeture, et les régulations qui frappent souvent les établissements voisins depuis l’année dernière font redouter un sort similaire à moyen terme.
Cela s’ajoute à la suspension des accouchements depuis avril 2023 à la maternité de Guingamp, vers laquelle de nombreuses femmes de Paimpol s’étaient tournées. Désormais, elles doivent parcourir 45 minutes en voiture jusqu’à Lannion ou Saint-Brieuc. « Les maternités deviennent surchargées, ça déshumanise », déplore Yves Ballini, président du comité de soutien à l’hôpital de Paimpol.
Concernant la chirurgie, « aujourd’hui, une fracture au bras, ce n’est plus considérée comme une urgence vitale. Donc, s’il n’y a pas de place au bloc à Saint-Brieuc, vous pouvez rester deux ou trois jours ici sous antidouleurs avant d’être transféré. Avant, vous étiez pris en charge dans la journée », raconte Céline Le Doré, de la section CGT de l’hôpital.
« Il y a deux ans, j’ai dû me battre parce qu’il n’y avait plus de radiologue pour réaliser les échographies et les mammographies. On n’a jamais l’esprit tranquille, surtout concernant la santé », confie une nouvelle fois Fanny Chappé. Elle raconte aussi devoir « sans cesse se battre pour maintenir des permanences, de la Caisse d’allocations familiales, de France travail… La numérisation peut être un atout pour certains, mais d’autres ont besoin d’un contact humain », insiste-t-elle.
Une population vieillissante
Ces fermetures de services publics entraînent également « le départ d’actifs et de familles, alors qu’on essaye justement de les retenir, de proposer des logements pour eux… Cela va à l’encontre de tout ce qu’on met en œuvre », regrette la maire.
Après la suppression du centre des impôts, elle a dû ouvrir un France services, financé à hauteur de 30 000 euros par l’Etat, alors que son coût total s’élève à 170 000 euros. Très apprécié, ce dispositif est même « victime de son succès », selon Hélène, l’une des conseillères. Pour elle, le principal atout, en dehors du lien humain, réside dans la facilité d’accès :
« Ici, la mobilité, c’est un vrai problème. Certains n’ont pas le permis, et la population vieillit [20 % des habitants ont plus de 75 ans, la moitié plus de 60, NDLR]. Quand on leur demande d’aller à Guingamp pour une démarche, on les perd. »
Retrouvez ici notre dossier : « Manuel de défense des services publics »