À la COP29, le soleil se couche sur le leadership climatique des États-Unis
Juste combien une seconde administration Trump sera mauvaise pour la politique climatique reste à voir, mais les scénarios les plus probables sont tous assez sombres.
Juste combien une seconde administration Trump sera mauvaise pour la politique climatique reste à voir, mais les scénarios les plus probables sont tous assez sombres.
Image : Laura Normand / The Verge Le second mandat de Donald Trump indique des évolutions majeures pour l’IA, la crypto et la politique des véhicules électriques. Quand Donald Trump sera réélu président en janvier 2025, il contrôlera la régulation d’une industrie technologique qui a considérablement évolué depuis le début de son premier mandat en 2017. L’élan initial de l’industrie technologique avec le gouvernement américain s’est estompé, et Trump, avec son successeur Joe Biden, a pris une posture critique vis-à-vis des dirigeants technologiques, bien que pour des raisons divergentes. Les agents antimonopole des deux camps ont initié certaines des premières actions significatives contre les monopoles technologiques depuis plusieurs décennies. À présent, l’industrie technologique a assimilé ces changements. Beaucoup de PDG ont jeté un regard rétrospectif sur les huit dernières années de tensions technologiques et semblent en conclure qu’ils doivent se montrer aussi apolitiques que possible – bien qu’ils soient prêts à faire du lobbying dans l’ombre. Parallèlement, certains parient que se rapprocher de Trump pourrait être avantageux – un risque qui semble porter ses fruits. Le PDG de Meta, Mark Zuckerberg, qui avait été menacé par Trump d’un emprisonnement, a salué l’attitude du président élu suite à une tentative d’assassinat et a maintenu de bonnes relations avec les républicains sur les décisions de modération de contenu de Meta. Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon et propriétaire du Washington Post, a cessé son soutien à Kamala Harris dans son journal. Et bien sûr, le PDG de Tesla et propriétaire de X, Elon Musk, est devenu l’un des principaux partisans de Trump, ayant obtenu la promesse de diriger un “Département de l’Efficacité du Gouvernement” (DOGE). Trump, pour sa part, bénéficiera d’une plus grande autorité que jamais – il a écarté d’anciens soutiens qui prônaient la retenue durant son premier mandat, et des alliés…
Il revient. Quatre ans après son tumultueux retrait de la Maison-Blanche, Donald Trump est devenu le 47e président des Etats-Unis. L’homme d’affaires, qui a su rassembler son électorat tout en grignotant des voix chez sa rivale démocrate Kamala Harris, s’installera au bureau ovale en janvier, bénéficiant d’une victoire indiscutable puisqu’il a remporté à la fois le vote des grands électeurs et le vote populaire, contrairement à son premier mandat.
Malheureusement pour les Etats-Unis et surtout pour le reste du monde, son retour en puissance pourrait s’avérer particulièrement nuisible, avec des mesures fiscales inéquitables, des politiques destructrices pour le climat, une guerre commerciale mondiale et des déstabilisations géopolitiques.
De plus, cette fois-ci, Donald Trump devrait bénéficier des « pleins pouvoirs » : le Sénat est déjà acquis à sa cause, la Chambre des représentants pourrait suivre, et un grand nombre de juges lui sont plus favorables qu’entre 2016 et 2020.
Dans ce contexte, nous avons analysé cinq domaines où le retour de Donald Trump devrait être le plus marquant et préoccupant.
Si Donald Trump met en œuvre son programme économique, le déficit budgétaire sera amené à croître… d’approximativement 8 000 milliards de dollars au cours des dix prochaines années ! C’est en effet l’estimation du Committee for a responsible federal budget, un think tank bi-partisan.
Cette aggravation est principalement due à de vastes réductions d’impôts, dépassant les 10 000 milliards, en faveur des plus riches et des sociétés. Elles seraient légèrement compensées par une diminution de certaines dépenses et des recettes supplémentaires générées par la mise en place de tarifs douaniers. Par conséquent, la dette publique américaine pourrait passer de 100 % du produit intérieur brut (PIB) aujourd’hui à plus de 140 % d’ici 2035.
Premier souci : une telle demande de financement devrait entraîner une hausse des taux d’intérêt dans la décennie à venir. Le taux d’emprunt à 10 ans, actuellement aux alentours de 4,5 %, pourrait être amené à diminuer à court terme grâce à la politique monétaire de la banque centrale, qui est en phase de baisse des taux. Cependant, le besoin massif d’argent de Trump devrait plutôt, toutes choses égales par ailleurs, conduire à une montée des coûts d’emprunt (et donc des taux d’intérêt) à moyen et long terme.
Ce problème interne aux Etats-Unis ne se limitera pas à leurs frontières. La dette américaine agira comme un aspirateur sans précédent de l’épargne mondiale. Alors que le reste du monde est déjà endetté et doit investir massivement dans la transition énergétique, l’innovation, la santé et les retraites, sans oublier la défense face à une Amérique qui se replie, la lutte pour l’épargne mondiale sera acharnée. Cela entraînera des tensions financières régulières.
Ces tensions risquent encore de se transformer en crises bancaires, puisque Donald Trump devrait adopter une politique de déréglementation financière ainsi que de fortes pressions politiques sur la banque centrale. Même un Jamie Dimon, le PDG de J.P. Morgan, qui a longtemps soutenu que de bonnes régulations renforçaient la solidité des bilans bancaires, appelle désormais à une baisse des réglementations.
Nul doute que le Royaume-Uni en profitera pour suivre la même voie afin que la City conserve ses avantages compétitifs. De même, les banques du Vieux continent profiteront de la situation pour demander moins de règles.
Deux scénarios apparaissent désormais possibles. Dans le premier, Donald Trump parvient à appliquer son programme. Les Etats-Unis se trouveraient alors dans une situation semblable aux années 1920 et à la crise de 2007-2008, deux périodes marquées par une triple convergence : des inégalités fortes et croissantes, des banques peu régulées, et au final, une crise financière d’ampleur historique.
Dans le second scénario, les Républicains conservateurs en matière de budget freinent les baisses d’impôts que souhaite Trump (par exemple à hauteur de 5 000 milliards de dollars, comme en 2017).
C’est la tendance ressentie chez les analystes de marchés après l’annonce de la victoire de Donald Trump. Selon un adage américain, il pourrait « aboyer plus fort qu’il ne mord ». Mais quand la première puissance économique mondiale mord, même légèrement, elle a tout de même le potentiel de causer des dommages à tout le monde.
Christian Chavagneux
Il est difficile de reprocher à Donald Trump le manque de clarté de ses intentions. Celui qui prendra ses fonctions en janvier prochain a promis un renforcement significatif de la guerre commerciale. Il souhaite porter les droits de douane à 10 % (contre 3 % actuellement) sur tous les produits importés. La Chine, pour sa part, aura un traitement défavorable avec un taux de 60 %.
L’augmentation des droits de douane sur certains produits n’est pas nouvelle, tant les tensions commerciales sont vives depuis des années. Mais le durcissement du protectionnisme américain promis par Donald Trump est d’un tout autre niveau : la dernière fois qu’une telle hausse des tarifs douaniers a été observée aux Etats-Unis remonte aux années 1920.
Si un taux de 10 % peut sembler modeste, il est en réalité très conséquent, sachant que le droit de douane moyen dans le monde est de 3,9 % et qu’aux Etats-Unis, il est même légèrement inférieur (3 %). L’ampleur de la mesure est d’autant plus importante qu’elle touchera tous les pays du monde et tous les produits.
Si les fabricants étrangers et les distributeurs américains ne modifient pas leurs marges, à court terme, ces hausses de tarifs devraient être répercutées sur le consommateur américain. Mais les conséquences ne se limiteront pas aux Etats-Unis, car ce durcissement du protectionnisme de la part de la première puissance économique mondiale risque de bouleverser les flux commerciaux internationaux.
En ciblant très spécifiquement la Chine, avec un taux de 60 %, les exportations de Pékin vers les Etats-Unis devraient mécaniquement diminuer. Une récente étude du Cepii anticipe une réduction de 80 % des exportations chinoises vers Washington si Donald Trump met en œuvre ses promesses. Les capacités de production chinoises étant telles, ce que Pékin n’exporte plus aux Etats-Unis sera vraisemblablement redirigé ailleurs. À commencer par l’Europe, qui pourrait être inondée de Made in China dans ses magasins.
Justin Delépine
Rebelote ! Donald Trump n’a pas seulement été réélu, il a également l’intention de renforcer les inégalités aux Etats-Unis. Son programme économique prévoit déréglementation et baisses d’impôts, les mêmes politiques ayant contribué à enrichir les plus riches et à appauvrir les moins chanceux depuis les années 1980.
Le Républicain va reconduire les réductions d’impôts instaurées en 2017 et arrivant à expiration l’an prochain. Ces allégements fiscaux aux plus riches et aux entreprises n’ont pas eu l’effet d’un « ruissellement » sur la classe moyenne comme il l’affirmait. Le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités de revenus, a augmenté après la mise en place de ces réductions d’impôts, atteignant son niveau le plus élevé depuis 1967 avec 0,494 en 2021.
Ce n’est pas de nature à préoccuper l’ancien homme d’affaires, qui veut aller encore plus loin. Il envisage ainsi de faire baisser le taux d’imposition des sociétés. Celui-ci, déjà réduit de 35 % à 21 % en 2017, devrait bientôt passer à 15 %. Le Président promet aussi de nouvelles exonérations fiscales sur le revenu. Des mesures qui bénéficieront uniquement à ceux suffisamment riches pour être imposés.
Selon les calculs du think tank Tax Foundation, cette politique fiscale, couplée à l’augmentation des droits de douane qui alourdira le prix des biens importés, réduira le revenu net des 40 % des Américains les plus pauvres d’ici 2034. Ainsi, les 20 % des ménages les plus pauvres verront leur revenu diminuer de 0,6 %, tandis que le deuxième quintile (les ménages se situant entre les 20 % les moins riches et les 60 % les plus riches) connaîtra une baisse de 0,4 %.
Quant aux 20 % les plus riches, ils devraient bénéficier d’une augmentation de 3,1 % de leur revenu après impôts. De quoi exacerber les inégalités déjà profondes qui prévalent dans ce pays.
Juliette Le Chevallier
« One of the greatest scams of all time » (traduction : « une des plus grandes arnaques de tous les temps ») . Voilà comment Donald Trump qualifie le réchauffement climatique. À quel point donc devrions-nous nous inquiéter de ses perspectives en matière climatique ?
À l’international, Donald Trump a déclaré qu’il ferait à nouveau sortir l’Amérique de l’accord de Paris sur le climat. C’est un coup de tonnerre semblable à celui de 2016, mais amplifié, car l’urgence est telle que tout retard dans les politiques de décarbonation représente une véritable bombes climatique.
À court terme, les négociations de la COP 29 qui débutent la semaine prochaine en Azerbaïdjan, déjà mal engagées, sont plus que jamais compromises. Leur principal enjeu sera d’accroître les financements des pays riches en faveur des nations en développement. Mais si l’acteur mondial principal (en termes d’émissions historiques de gaz à effet de serre) se retire, il sera très compliqué de progresser vers un accord.
Sans financements additionnels significatifs, on craint que les pays émergents et en développement n’acceptent pas d’élever leurs engagements climatiques à court terme. Cela sera d’autant moins probable que les pays riches, à commencer par les Etats-Unis, n’intensifient pas leurs efforts pour diminuer leurs propres émissions de gaz à effet de serre.
De surcroît, l’Europe, dont la détermination climatiques a notablement faibli à cause de la montée des droites dure, pourrait être encore moins encline à maintenir son cap si son concurrent américain choisit de faire un pas en arrière. L’élévation des engagements nationaux (et leur mise en œuvre), au Sud comme au Nord, demeure pourtant une condition essentielle pour s’aligner sur l’objectif vital de rester bien en dessous de 2 °C. Pour référence, les politiques en cours conduisent vers un réchauffement global de + 3 °C.
Sur le plan intérieur, le second mandat de Donald Trump devrait avoir un impact climatique et environnemental bien plus désastreux que le premier. Il est difficile de dire si le nouveau Président va annuler – et dans quelle mesure – les subventions massives accordées aux industries vertes sous Joe Biden dans le cadre de l’Inflation Reduction Act. En effet, ces mesures favorisent le « made in America », ce qui réjouit les dirigeants républicains du secteur. Cet héritage pourrait donc demeurer intact.
En revanche, Donald Trump sera en mesure de modifier considérablement les normes environnementales, bien plus facilement que lors de son premier mandat. Cela pourrait accentuer la prospection et la production de combustibles fossiles, la construction automobile (thermique) et les industries polluantes, ou encore faciliter l’exploitation des centrales électriques à charbon et à gaz.
Au cours de ses quatre premières années au pouvoir, il avait œuvré à supprimer une centaine de réglementations environnementales, dont celles limitant les émissions des véhicules et des centrales électriques. Cependant, ses équipes avaient été confrontées à une fonction publique réticente et à des recours devant la justice fédérale, qui ont souvent annulé ses réformes jugées illégales et mal préparées. De plus, ce qui avait été abrogé sous Trump a pu être facilement rétabli et même renforcé sous Biden.
Depuis, les collaborateurs de Donald Trump ont tiré des leçons de leurs erreurs passées. Ils vont procéder à un nettoyage approfondi au sein des administrations, notamment dans la puissante Agence de protection de l’environnement (EPA) et dans les instances de recherche. Ils s’assureront que les réformes futures soient juridiquement solides et difficilement annulables par la suite.
Donald Trump devrait être soutenu par un congrès désormais majoritairement républicain et par les nombreux juges nommés durant son premier mandat, dont trois à la Cour suprême, qui est majoritairement conservatrice.
Antoine de Ravignan
L’Ukraine endure. Dans son message de félicitations à Donald Trump, le président Volodymyr Zelensky a rappelé que son pays fait « d’un soutien fort, continu et bipartisan » dépendre de l’aide des Etats-Unis. Or, celle-ci pourrait diminuer, le camp trumpiste ayant critiqué à plusieurs reprises la politique de livraison d’armes à l’Ukraine initiée par Joe Biden.
Le candidat Trump a promis de mettre fin à la guerre en moins de vingt-quatre heures, sans préciser comment il s’y prendrait. « Il y a beaucoup d’incertitudes sur ce dossier : pourrait-il trouver un accord avec Poutine ? Va-t-il suspendre les livraisons d’armes ? », questionne Adrien Schu, maître de conférences en science politique à l’Université de Bordeaux.
Cependant, le chercheur souligne qu’entre les Républicains modérés et les Démocrates, le Congrès maintiendra toujours une majorité transpartisane en faveur du soutien à l’Ukraine.
« Cette majorité sera-t-elle suffisante pour contraindre l’action présidentielle ? Pour l’instant, nous ne le savons pas », ajoute-t-il.
Concernant le conflit israélo-palestinien, le milliardaire devrait poursuivre la ligne de son prédécesseur, c’est-à-dire un soutien militaire et politique au gouvernement de Benyamin Netanyahou. Ce dernier s’est réjoui sur X (ex-Twitter) : le retour de Trump à la Maison-Blanche « offre un nouveau départ pour l’Amérique et un réengagement puissant en faveur de la grande alliance entre Israël et les Etats-Unis ».
Bibi – surnom du Premier ministre israélien – sait que le prochain Président ne devrait plus dénoncer la « crise humanitaire » (terme utilisé par les démocrates) à Gaza ni inciter verbalement Israël à faire preuve de retenue, comme l’a fait Biden.
« Lors de son premier mandat, Donald Trump avait entouré de Républicains traditionnels issus de l’establishment. Ceux-ci ne partageaient pas forcément la même vision que lui et ont agi comme des contre-pouvoirs internes. Mais il s’est séparé de ces personnes et la loyauté sera le principal critère pour former sa prochaine administration », ajoute Adrien Schu.
En résumé, Trump pourra décider seul de sa politique étrangère qui semble promettre d’être encore moins atlantiste, moins multilatérale, et davantage axée sur le bilatéralisme et la compétition.
Eva Moysan
Les grandes discussions internationales concernant l’environnement suivent la même logique : l’argent est la clé du succès. La 16e conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique (CDB), connue sous le nom de « COP16 biodiversité », en a fait une nouvelle démonstration.
Les 196 pays signataires de cette CDB se sont rassemblés à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 2 novembre, deux ans après la précédente « COP biodiversité » de Montréal, qui avait abouti à la signature de l’accord de Kunming-Montréal, aussi mémorable qu’imparfait.
Mémorable, car ce document offrait à la communauté internationale un nouveau cadre pour freiner le déclin de la biodiversité. En effet, après avoir échoué à atteindre l’ensemble des « objectifs d’Aichi » fixés en 2010 lors de la « COP10 biodiversité », les États parties de la CDB se sont donné, à travers ce nouveau cadre, 23 objectifs à réaliser d’ici 2030. Parmi eux, on trouve la restauration de 30 % des écosystèmes dégradés dans le monde, la protection de 30 % des terres et des mers de la planète, ainsi que la réduction de moitié du danger global associé aux pesticides.
Ce cadre mondial de Kunming-Montréal présente toutefois des lacunes, car il lui fait défaut de deux éléments essentiels, qui étaient au cœur des débats à Cali : un mécanisme de suivi des engagements permettant d’évaluer les progrès de chaque pays vis-à-vis des 23 objectifs ; et un mécanisme garantissant le transfert de financements des pays du Nord vers ceux du Sud pour qu’ils investissent dans la protection de la biodiversité.
Sur ces deux questions cruciales, la COP16 de Cali n’est pas parvenue à un accord. Cet échec souligne que le suivi des engagements nationaux et la question des financements Nord-Sud restent les deux points récurrents problématiques des COP, qu’elles soient axées sur la biodiversité ou le climat.
De cette manière, la 29e « COP climat », qui se déroule du 11 au 22 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan, s’annonce riche en débats difficiles concernant la solidarité Nord-Sud. Dans un contexte où les engagements nationaux sur le climat ne permettent toujours pas de respecter l’accord de Paris (maintenir le réchauffement « nettement » en dessous de 2°C), comme l’a récemment évalué le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).
Ces mêmes problématiques appliquées à la biodiversité se sont également manifestées à Cali. En premier lieu, disposer d’un mécanisme de suivi et d’évaluation des engagements nationaux, pour s’assurer qu’ils soient en phase avec les objectifs mondiaux, est crucial. C’était l’une des priorités clairement exprimées par la France.
« Il est effectivement indispensable de préserver la crédibilité [du cadre mondial pour la biodiversité (CMB) de Kunming-Montréal], qui repose d’une part sur sa capacité à encourager des actions significatives et appropriées pour la biodiversité, et d’autre part sur les résultats concrets issus de l’accumulation de ces actions pour l’amélioration de l’état de la biodiversité », résumait Juliette Landry.
La chercheuse, experte en gouvernance de la biodiversité à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), s’exprimait ainsi dans une note diffusée avant la COP16.
En pratique, le nouveau cadre mondial adopté en 2022 exige que chaque pays soumette ses « stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité » (ou SPANB) destinés à démontrer comment ils atteindront les 23 objectifs d’ici 2030.
Cependant, à l’été 2024, seulement 20 pays avaient publié ces documents, et 63 avaient présenté des engagements partiels. Ce chiffre est largement insuffisant, surtout qu’une analyse du WWF indiquait à l’époque que ces feuilles de route n’étaient pas complètement en accord avec les objectifs globaux du CMB.
Certes, la situation s’est quelque peu améliorée à la fin de la COP : 44 pays avaient rendu leur stratégie nationale et 119 avaient formulé des engagements partiels. Néanmoins, les questions d’ambition et de cohérence demeurent. La COP16 devait notamment convenir d’une « revue mondiale » des engagements nationaux et des moyens mis en œuvre par les États, qui aurait dû être finalisée d’ici la COP17 de 2026 en Arménie. Ce mécanisme reste donc en attente.
La réalisation du CMB dépend également de la capacité des pays du Sud à financer des initiatives pour la biodiversité, ce qui nécessite un mécanisme pour mobiliser les fonds des pays du Nord. Ainsi, la COP16 avait pour mission d’établir une stratégie financière pour combler le déficit de financement en faveur de la biodiversité, évalué à 700 milliards de dollars annuellement.
Pour cela, l’une des 23 cibles du CMB est de mobiliser au moins 200 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour la biodiversité (provenant de « toutes les sources », publiques comme privées), dont 30 milliards de dollars par an de transferts des pays développés vers les pays en développement, avec un palier de 20 milliards de dollars par an d’ici 2025.
Lors de la COP15 de Montréal, un accord avait été réalisé pour créer un fonds à cet effet : le Global Biodiversity Framework Fund (GBFF). Cependant, son lancement est laborieux.
Premièrement, sa dotation est insuffisante, avec seulement 400 millions de dollars collectés, dont 163 millions lors de la COP16 (la France ayant contribué 5 millions). Deuxièmement, les pays du Sud, notamment ceux du groupe des pays africains, soulignent l’accès difficile aux fonds et critiquent sa gouvernance.
L’Afrique du Sud et le Zimbabwe ont donc, au nom des pays en développement, proposé la mise en place d’un nouveau fonds, mais ont été fermement opposés par les pays développés (UE, Suisse, Norvège, Canada, Japon). Ces derniers estiment qu’un nouveau fonds serait une perte de temps et d’énergie qui ne traiterait pas le problème structurel du volume global des financements Nord-Sud.
« Ce signal négatif aura des répercussions sur d’autres négociations environnementales d’ici la fin de l’année (climat, plastiques, désertification), car il met en évidence un profond désaccord sur la faisabilité politique et technique des transferts Nord-Sud d’une manière complètement différente de ce qui a été fait jusqu’à présent », analyse Sébastien Treyer, directeur général de l’Iddri. Une fois de plus, les discussions sont remises à plus tard.
Un seul motif d’espoir concernant le financement : même sans mécanisme multilatéral, d’autres circuits existent et se développent. Selon un rapport de l’OCDE de septembre, les fonds alloués aux pays du Sud pour la biodiversité ont augmenté, passant de 11,1 milliards de dollars en 2021 à 15,4 milliards en 2022, se rapprochant de l’objectif 2025 de 25 milliards par an.
En outre, la COP16 a enregistré plusieurs succès. Tout d’abord, les peuples autochtones, représentant 6,2 % de la population mondiale mais occupant 22 % des terres mondiales abritant plus de 80 % de la biodiversité, seront désormais membres d’un groupe permanent de la CDB.
Une autre victoire : les discussions sur le partage des bénéfices issus de l’utilisation commerciale des séquences génétiques d’animaux ou de plantes. Les grandes entreprises profitant de ces connaissances (dans les domaines pharmaceutique, cosmétique, agro-industriel) devront verser 0,1 % de leurs revenus ou 1 % de leurs bénéfices dans un nouveau « fonds Cali », destiné aux peuples autochtones et aux États d’origine des ressources.
En l’absence d’un cadre global pour gérer les engagements et les financements, ces succès demeurent limités. La représentation permanente des peuples autochtones et les maigres ressources provenant des entreprises exploitant le patrimoine génétique – quelques milliards de dollars par an espérés – ne garantissent en rien d’inverser la tendance à la perte de biodiversité mondiale.
Pour Sébastien Treyer, bien qu’il soit nécessaire d’« arrêter de penser que chaque COP doit aboutir à un accord global, à un deal sur tous les sujets », cette COP16 laisse « une forte impression d’inachevé ».
Au-dessus de mon bureau, je garde un Post-it avec une citation de la pièce : « Le pire n’est pas si long que nous puissions dire ‘C’est le pire.’ »
Comment le refus prolongé du président de se retirer en tant que candidat démocrate a mis en péril ses réalisations politiques – et le pays.
« En 2023, mon revenu est devenu négatif. Aujourd’hui, je repars à la hausse. » Suite à la crise qui a durement affecté les acteurs du bio durant les trois dernières années, Jérôme Caillé, agriculteur dans les Deux-Sèvres, retrouve de l’espoir, tout comme de nombreux de ses collègues.
Établi en 2002 sur une exploitation de 100 hectares dédiée à la grande culture, ce responsable d’exploitation s’est tourné vers le bio en 2011 et a commencé l’année suivante un élevage de volailles pour diversifier ses activités. En 2017, il a investi dans deux nouveaux bâtiments pour l’élevage avicole, encouragé par la forte augmentation de la demande : « Il y avait un manque de volaille bio partout. »
Évidemment, ce n’est pas la fortune assurée. Après avoir réglé ses charges, Jérôme Caillé parvient à tirer un revenu équivalent à 986 euros nets par mois grâce au bio. Mais au moins, son exploitation était fonctionnelle. Cela a duré jusqu’à cette année 2023, où il a subi à la fois la grippe aviaire et la perte de ses clients. Les vides sanitaires de ses poulaillers se sont transformés en absence de commandes.
L’inflation après le Covid et la hausse des prix en début de guerre en Ukraine ont dans un premier temps été bénéfiques. Mais rapidement, les consommateurs, touchés financièrement, ont restreint leurs acquisitions de produits bio, jugés plus coûteux que ceux conventionnels. Alors que le marché français du bio avait doublé entre 2016 et 2020 pour atteindre 13,3 milliards d’euros, sa croissance a été interrompue en 2021 (– 0,5 %), suivie d’un déclin en 2022 (– 3 %) et d’une stagnation en 2023 (0 %).
Dans les grandes et moyennes surfaces (GMS), représentant 50 % du marché, cette situation a incité les responsables à retirer des produits des rayons, en raison de la rentabilité des linéaires, entraînant ainsi une chute des ventes (– 2 % en volume en 2021, – 7 % en 2022, – 13 % en 2023).
Du côté des magasins bio spécialisés, qui représentent 28 % du marché, l’année 2023 a été marquée par 298 fermetures, après 200 en 2022. Seule la vente directe a su tirer son épingle du jeu. Cependant, bien que son poids soit significatif (14 % du marché), sa dynamique ne compense pas les pertes.
Ce choc sur la demande a impacté en amont. Pour les agriculteurs, les pertes ont été évaluées par la profession à environ 300 millions d’euros par an ces deux dernières années, partiellement compensées par 200 millions d’euros d’aides d’urgence octroyées durant la période 2023-2024. Pour la première fois, en raison des cessations d’activité et des reconversions, les surfaces en bio ont diminué en 2023 (– 1,9 %).
Depuis, l’inflation a diminué. Et la demande pour le bio recommence à augmenter. Mais cette reprise d’activité n’est pas uniquement due à cela. Avec la crise, Jérôme Caillé témoigne : « Des groupements de producteurs se sont complètement désinvestis. Cela libère un marché très étroit : environ 2 % de la volaille consommée en France est bio ».
Henri Godron, président de Biocoop et vice-président de Synadis Bio, qui représente la distribution spécialisée, observe une tendance similaire. « Le marché reprend des couleurs. Bien qu’il y ait encore des fermetures de magasins, l’hémorragie semble se ralentir. » Et après deux années difficiles, Biocoop a enregistré une progression de son chiffre d’affaires « de plus de 5 % » durant les trois premiers trimestres. Mais là encore, au-delà du fait que cette croissance débute à un niveau plus bas, « c’est aussi lié à la baisse du bio dans les grandes et moyennes surfaces. Cela a attiré chez nous des clients qui n’y trouvent plus leurs produits ».
Car la grande distribution, qui est le principal moteur de la demande adressée à l’amont, ne semble toujours pas redémarrer.
« Auchan, Intermarché… J’ai rencontré plusieurs distributeurs, tous ont reconnu qu’ils avaient ralenti trop fortement, que des consommateurs s’étaient tournés vers d’autres options, raconte Jérôme Caillé, qui est également président de la commission bio de la Coopération agricole. Ils affirment aujourd’hui vouloir garder de la visibilité dans les rayons. Système U l’a fait, mais les autres réfléchissent encore ». On y verra plus clair d’ici la fin de l’année, lorsque leurs commerciaux auront négocié volumes et prix pour 2025. »
Pour leur part, les entreprises de transformation n’ont pas encore constaté de changements notables. Au contraire, Claire Dimier-Vallet, directrice de Synabio, déplore : « Nos membres ont observé une baisse de 4 % de leur chiffre d’affaires dans les GMS au premier semestre 2024. »
« Les arrêts d’activité ont apporté un répit, résume Sophia Majnoni, déléguée générale de la Fédération nationale d’agriculture biologique – Fnab). Mais je ne constate pas de reprise structurelle, alors que nous n’atteignons qu’un dixième des surfaces en bio. »
Soit très loin des 18 % ciblés dans trois ans, selon l’engagement de la France formalisé dans son Plan stratégique national pour la Politique agricole commune 2023-2027. Et encore plus éloigné des 25 % envisagés au niveau de l’Union européenne d’ici 2030.
Pour y parvenir, des mesures de fond sont nécessaires. D’une part, pour promouvoir la demande, d’autre part, pour garantir des revenus stables aux producteurs. Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio, souligne avec justesse ce premier axe :
« On ne peut pas décider d’imposer 18 % de surfaces en bio. Il faut qu’il y ait derrière 18 % de bio dans les assiettes des Français. Or, cette part a reculé l’an dernier de 6,4 % à 6 %, pendant que les Allemands sont à 9 %, les Suédois ou les Autrichiens à 10 %, les Danois à 12 %… »
Pour réduire cet écart, poursuit Laure Verdeau, il est essentiel de redoubler d’efforts en matière d’information et d’éducation. Il faut expliquer aux Français que le bio est bénéfique pour leur santé et pour l’environnement. Que 70 % du bio est produit en France et que les importations se composent majoritairement de produits exotiques. Que ce n’est pas nécessairement plus cher si l’on combat le gaspillage et diversifie les sources de protéines. Et qu’il existe une différence entre le logo officiel AB et la multitude de labels « verts » qui introduisent la confusion dans les esprits.
La bonne nouvelle est qu’à cette occasion, grâce à des soutiens du secrétariat général à la planification écologique, l’Agence Bio a reçu un budget significatif pour sa campagne de communication « Bio-Réflexe », à hauteur de 15 millions d’euros sur les trois années suivantes.
Cependant, les principaux moyens de promotion institutionnelle proviennent des interprofessions, comme les 20 millions d’euros annuels pour l’interprofession laitière, par exemple. Ces interprofessions, organisées par filières (lait, porc, fruits et légumes, céréales…) où dominent les producteurs conventionnels, ne souhaitent pas discuter de publicités différenciées en faveur du bio.
On touche ici un problème fondamental. Le cadre légal français interdit l’établissement d’une interprofession « bio », sous prétexte que le bio n’est pas considéré comme un produit. Chaque agriculteur bio doit donc verser une cotisation à l’interprofession correspondant à sa filière. Et même si certaines interprofessions s’engagent un peu plus que d’autres, l’investissement en faveur du bio est largement inférieur au volume des cotisations reçues de ces producteurs.
« Au Danemark, l’Etat a contraint les interprofessions de filière à communiquer sur le bio. De plus, les agriculteurs bio ont également obtenu leur interprofession bio, contrairement à ce qui se passe en France, » précise Sophia Majnoni. Cela explique pourquoi dans un supermarché danois, chaque produit a son équivalent bio et que la part de consommation bio y est le double de la nôtre. »
Un autre levier serait, comme beaucoup l’aspirent, d’imposer la loi Egalim, qui stipule que 20 % des repas servis en restauration collective doivent être bio. La moyenne nationale est péniblement de 6 %, et ce uniquement dans les cantines scolaires.
Pourtant, de nombreuses régions dépassent largement ce seuil, atteignant même 100 %, sans augmentation du « coût matière », grâce à une meilleure gestion des gaspillages et une certaine végétalisation des menus. La question est moins celle du budget de fonctionnement que de l’investissement initial en animation et en formation. Diminuer le fonds vert des collectivités locales par rapport aux engagements initiaux n’aidera pas dans cette démarche.
Établir des obligations significatives, notamment pour les grandes surfaces, les interprofessions et les collectivités : le programme Ambition bio 2027 lancé par le ministère de l’Agriculture au printemps dernier se montre hélas peu ambitieux. Et il est regrettable qu’il n’y ait aucune mention du bio par la ministre Annie Genevard lors de son discours de passation ou lors du sommet de l’élevage, comme si cette thématique n’était pas primordiale au regard des enjeux climatiques et de biodiversité.
De plus, développer la demande ne suffira pas si, en contrepartie, les producteurs nationaux ne reçoivent pas un meilleur soutien et une protection face aux fluctuations du marché. Une fois de plus, la question se pose.
« Les acteurs du bio réclament un mécanisme de gestion de crise, comme c’est le cas pour le conventionnel », note Claire Dimier-Vallet.
Étant donné que le bio n’est juridiquement pas reconnu comme une filière, il ne peut pas bénéficier des outils européens pour la régulation des marchés. Les aides d’urgence apportées par la France aux producteurs bio au cours des deux dernières années ont été autorisées à Bruxelles au titre des aides d’État exceptionnelles en lien avec le Covid et la situation en Ukraine, mais pas dans le cadre du règlement sur l’organisation commune des marchés (OCM).
Le gouvernement porte cette demande à l’échelle européenne, mais cela pourrait s’avérer être un long combat : « Nous sommes presque les seuls à solliciter une modification du règlement OCM, car dans la plupart des autres pays européens, le bio ne traverse pas de crise », déclare Sophia Majnoni. Notamment parce qu’ « il » bénéficie d’un soutien très supérieur ».
Pour la déléguée générale de la Fnab, la crise du bio a commencé en 2017, lorsque la France a choisi de supprimer les aides au maintien, contrairement à la plupart de ses voisins :
Alors que les producteurs bio, après leur période de conversion, recevaient environ 120 euros par hectare en aides au maintien plus 80 euros de paiement vert, ils ne bénéficient désormais que d’un « écorégime » de 110 euros/ha. Cela les rapproche des producteurs conventionnels qui perçoivent 80 euros/ha dans le cadre d’un écorégime s’ils sont certifiés « haute valeur environnementale », qui est en réalité à peine contraignant sur le plan écologique.
Dans ce contexte, s’engager dans le bio – et surtout y rester – n’est plus vraiment incitatif. Faire évoluer l’enveloppe des aides attribuées par Bruxelles pour réduire l’argent alloué à l’agriculture destructrice, en faveur d’une agriculture respectueuse de l’eau, des sols, des espèces et de la santé? Cela encouragerait les agriculteurs en grande culture à adopter des pratiques bio et augmenterait significativement le nombre d’hectares concernés. Ce serait dans l’intérêt de la société, mais cela risquerait de contrecarrer les intérêts de acteurs influents.
En avril, la star de House of the Dragon, Abubakar Salim, a sorti Tales of Kenzera : Zau. Il a déjà une idée pour un suivi afro-cyberpunk, il doit juste surmonter les obstacles de financement et les trolls de YouTube pour le réaliser.
De plus en plus communs, de plus en plus intenses, de plus en plus onéreux. Les inondations tragiques dans la région de Valence, en Espagne, ayant causé au moins 217 morts, surviennent après les tempêtes Kirk et Boris en Europe du Nord et Centrale, et après les ouragans Hélène et Milton aux États-Unis (plus de 250 décès).
Les perturbations variées concernant les précipitations et les températures qui se succèdent confirment à quel point un monde s’apprêtant à atteindre 1,5 °C de réchauffement climatique moyen depuis le début de la révolution industrielle – un niveau enregistré en septembre 2024 – est déjà devenu, entre destructions matérielles et pertes agricoles, instable et menaçant.
C’est face à cette réalité que se tiendra, du 11 au 22 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan, la 29e conférence annuelle des États parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), plus connue sous le nom de COP 29.
L’équation que les 197 États parties peinent à résoudre a été signalée dans le rapport publié, à la veille de chaque COP, par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Ce rapport évalue l’écart entre les émissions projetées de gaz à effet de serre et ce qui devrait être réalisé à court terme selon la communauté scientifique pour respecter l’objectif à long terme de l’Accord de Paris : rester « nettement » en dessous de 2 °C de réchauffement d’ici la fin du siècle, et idéalement, stabiliser le climat à + 1,5 °C.
D’après le dernier Emissions Gap Report, pour respecter l’objectif de 1,5 °C, il faudrait réduire les émissions mondiales de 57 gigatonnes (Gt) d’équivalent CO2 en 2023 à 33 Gt en 2030. Près d’une réduction de moitié en sept ans ! Ce n’est pas techniquement et économiquement impossible, souligne le rapport, mais cela nécessiterait une mobilisation énorme.
Cependant, si les États respectent leurs engagements nationaux « non conditionnels » en matière de réduction des émissions, pris depuis 2015 dans le cadre de l’Accord de Paris (appelés Nationally Determined Contributions, ou NDCs), les émissions mondiales seraient réduites à seulement 55 Gt. Et au mieux, à 51 Gt si les pays en développement et émergents mettent également en œuvre leurs engagements « conditionnels ».
La condition essentielle est, en grande partie, que les pays du Nord augmentent leurs transferts financiers vers les pays du Sud pour leur permettre d’améliorer leur ambition climatique.
<pAinsi, dans le scénario le plus optimiste aujourd'hui, la diminution des émissions par rapport au niveau actuel serait de 6 Gt, face à un effort requis de 24 Gt d'ici 2030 pour atteindre l'objectif de 1,5 °C (et encore 16 Gt pour un objectif de 2 °C).
En ce qui concerne les températures, le rapport du PNUE souligne que la tendance actuelle des émissions mondiales entraînerait un réchauffement de + 3,1 °C d’ici la fin du siècle. La mise en œuvre des NDCs inconditionnels et conditionnels mènerait à + 2,6 °C. Un scénario qui reste désastreux.
Il convient de noter, selon le PNUE, que 107 pays représentant 82 % des émissions mondiales ont déjà pris l’engagement d’atteindre le « zéro émission nette » d’ici le milieu du siècle, ce qui conduirait à un réchauffement global de + 1,9 °C. Toutefois, cette promesse à long terme n’a aucun poids sans un engagement crédible à court terme. C’est le maillon manquant des NDCs.
En ce qui concerne la limitation du réchauffement global « nettement » en dessous de 2 °C – ce que l’on appelle l’atténuation, et qui nécessitera également d’importants efforts d’adaptation – le défi des futures négociations climatiques est donc double. D’une part, il faut que les États renforcent leurs engagements à court terme, et d’autre part, qu’ils les mettent vraiment en œuvre, ce qui n’est pas garanti.
La conférence de Paris en 2015 avait déjà reconnu la faiblesse des NDCs en vigueur et inscrit le principe d’une révision quinquennale pour réduire l’écart entre les engagements à court et à long terme. L’an dernier, la COP 28 de Dubaï a précisé que les États parties doivent soumettre leur NDC révisée pour la période 2030-2035 avant le 10 février prochain. L’objectif est qu’à la COP 30 de Belém (Brésil), en novembre 2025, la somme des engagements nationaux soit « compatible avec moins de 2 °C ».
Une condition absolument nécessaire (et aussi insuffisante) pour relever l’ambition mondiale l’année prochaine est d’atteindre un accord entre pays développés et en développement concernant l’aide que les premiers doivent apporter aux seconds pour qu’ils mettent en œuvre des politiques climatiques adéquates. C’est l’enjeu central de la conférence qui débutera la semaine prochaine à Bakou.
Le « Sud global » représente de plus en plus les émissions mondiales (30 % pour la Chine et 8 % pour l’Inde en 2023 contre 11 % pour les États-Unis et 6 % pour l’UE, selon l’Emissions Gap Report), mais la responsabilité historique du Nord reste écrasante : la Chine et l’Inde correspondent respectivement à 12 % et 3 % des émissions de CO2 cumulées depuis 1850, comparativement à 20 % et 12 % pour les États-Unis et l’UE.
Pour les pays en développement, incluant la Chine et d’autres nations avancées, il n’est pas question d’accroître leurs efforts pour réduire leurs émissions tant que le Nord n’augmentera pas ses transferts financiers. C’est également une condition pour restaurer la confiance sérieusement compromise et retrouver une coopération internationale face à la menace climatique universelle.
La promesse faite en 2009 d’atteindre 100 milliards de dollars par an en transferts pour la période 2020-2025 a été tenue avec deux ans de retard. De plus, ce montant n’avait pas été initialement fixé en fonction d’une évaluation des besoins. Il s’agissait plutôt d’un chiffre symbolique pour convaincre les pays du Sud de participer à l’Accord de Paris et à l’établissement d’engagements climatiques par tous, indépendamment de leur niveau de richesse, selon un principe de responsabilité partagée mais différenciée.
C’est pourquoi la COP de 2015 avait stipulé que, « avant 2025 », les États parties devraient établir « un nouvel objectif chiffré collectif à partir d’un niveau de base de 100 milliards de dollars par an, tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement ».
En dix ans, ce sujet n’a toujours pas trouvé de solution et Bakou est le dernier round avant le verdict. Comme l’indique Mark Tuddenham, responsable veille et information climat international au Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), l’instauration d’un nouvel objectif de financement climatique (NCQG selon l’acronyme anglais) est un « sujet de blocage probable ».
Les pays développés et en développement continuent en effet de s’opposer sur presque tous les aspects du dossier, en commençant par le « combien ? »
Selon le rapport de l’économiste britannique Nicholas Stern présenté en 2022, l’objectif de neutralité climatique exigera environ 1 000 milliards de dollars par an des pays développés vers les pays en développement et émergents, excluant la Chine. C’est cet ordre de grandeur que réclament les pays du Sud, soit dix fois plus que ce que les pays riches ont jusqu’à présent timidement accepté.
Les divergences entre le Nord et le Sud demeurent également totales sur les questions « qui paie ? » (inclure ou non les pays émergents dans le financement et considérer ou non les fonds privés), « qui reçoit ? » (limiter ou non le financement aux seuls pays en développement vulnérables), « pour quels objectifs ? » (financer exclusivement les actions d’atténuation et d’adaptation ? Inclure des compensations pour les pertes et dommages liés à des chocs climatiques ?), sans oublier les détails concernant la part de dons et de prêts parmi ces flux financiers ainsi que les règles de transparence.
En dehors des discussions interminables sur le financement entre le Nord et le Sud, Bakou est censé permettre des avancées sur d’autres thématiques, y compris celle des crédits carbone, qui est complètement bloquée. Cependant, le contexte général est très compliqué.
Mark Tuddenham souligne donc l’absence de progrès significatif dans les négociations préparatoires de la COP 29, qui se sont tenues à Bonn en juin dernier, ainsi que les tensions géopolitiques résultant des conflits en Ukraine et à Gaza, l’influence croissante de l’extrême droite, la polarisation du débat politique sur les questions migratoires et des sujets régaliens, sans oublier le retour à des politiques d’austérité budgétaire.
Sans oublier, bien sûr, la probabilité d’une éventuelle victoire de Donald Trump et les conséquences néfastes sur le climat lors de l’élection présidentielle américaine du 5 novembre.
Tandis que notre classe politique s’interroge sur les mesures à prendre pour redresser nos finances publiques, un autre événement va avoir un impact considérable sur notre économie. Au moment où vous parcourez ces lignes, la nation la plus puissante économiquement, les Etats-Unis, est sur le point d’élire un nouveau leader. Enfin, peut-être.
En effet, d’après les récents sondages, le résultat semble prometteur d’incertitudes. Si l’écart est étroit entre les deux candidats, des recomptages prolongés sont à prévoir. Il se pourrait même que certaines circonscriptions ne communiquent pas les résultats pour engendrer le désordre. Il sera crucial de suivre de près qui remportera le Sénat et la Chambre des représentants.
D’autre part, si Donald Trump parvient à la victoire, il faudra composer avec un individu imprévisible. Les témoignages d’anciens conseillers dépeignent un homme souffrant de « troubles cognitifs » et admirateur des autocrates. Dans ce cas, un contre-pouvoir législatif incertain devra être espéré, reposant sur une alliance entre démocrates et républicains modérés.
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Mais même si Trump est défait, la démocratie américaine ne peut pas prétendre disposer des moyens nécessaires pour garantir le respect du vote. Le climat de guerre froide civile qui y règne est le principal souci que font peser les Etats-Unis sur la scène mondiale.
Le second facteur d’incertitude concerne le commerce. Les tendances protectionnistes de Trump (application d’un tarif douanier de 10 voire 20 % sur toutes les importations, et de 60 % pour les produits chinois) inquiètent les libéraux. Toutefois, comme Paul Krugman, nombreux sont les économistes qui jugent que de telles mesures ont des effets économiques limités. Gilles Moëc, le chef économiste d’Axa, résumait récemment le consensus parmi les économistes en affirmant que chaque point de tarif douanier additionnel accroît l’inflation de 0,1 point et réduit la croissance de manière équivalente.
Si Trump fait passer les droits de douane de 3 % à 10 %, cela induirait une inflation supplémentaire de 0,7 point et une diminution de 0,7 point de la croissance. Si, comme cela pourrait être le cas, le Canada et le Mexique sont épargnés, on resterait dans une fourchette de 0,25 point. Selon Hadrien Camatte de Natixis CIB, une telle augmentation des droits de douane aurait des conséquences modestes du côté français, ce que confirment les évaluations des experts du Cepii.
Les 60 % sur les produits chinois suscitent des inquiétudes plus importantes, car ils inciteraient les entreprises de ce pays à intensifier leurs ventes en Europe. C’est ici que se situe le véritable enjeu pour les Européens, selon Gilles Moëc.
Trump fait peu preuve d’empathie, même envers ses alliés économiques. Néanmoins, ne nous illusionnons pas sur une éventuelle Kamala Harris bienveillante. Elle défendra le capitalisme américain avec le sourire, endeuillant les affrontements avec ses partenaires, tout en n’offrant aucun avantage.
Devons-nous donc nous préoccuper de ces tendances protectionnistes ? Si l’histoire peut nous éclairer, rappelons-nous que dans les années 1930, le ralentissement de la croissance et les crises financières ont provoqué une chute des échanges, et non l’inverse.
Les enjeux se révèlent en réalité davantage financiers que commerciaux. Quel que soit le nouveau président de la Maison Blanche, les calculs du Committee for a responsible federal budget, un think tank indépendant, indiquent qu’avec le programme de la démocrate Kamala Harris, la dette publique américaine devrait grimper de 4 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Pour Trump, ce total serait de 8 000 milliards.
Autant dire que les Etats-Unis continueront à exercer leur fonction de bouffée aspirante d’épargne mondiale ces prochaines années. À une époque où tous les grands pays devront accroître leurs dépenses pour faire face au vieillissement de la population, à l’innovation technologique et à la transition écologique, la compétition pour l’épargne mondiale ne pourra que s’intensifier et entraîner une hausse généralisée des taux d’intérêt.
Cette lutte financière est d’autant plus probable que si Trump est réélu, il plaidera en même temps pour une déréglementation financière (ainsi que dans d’autres secteurs tels que l’environnement), que les acteurs européens, notamment les banques, chercheront à exploiter pour revendiquer des normes moins strictes dans leurs pays d’origine.
En résumé, les Etats-Unis ne semblent pas envisager de jouer le rôle d’un leader financier aimable. Surtout avec un Donald Trump qui rendrait le monde plus conflictuel, plus instable, plus pollué et plus coûteux.
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