The Northeast Is Becoming Fire Country
Les cartes des récents incendies dans la région ressemblent à celles de la Californie en août, avec des centaines de points rouges.
Les cartes des récents incendies dans la région ressemblent à celles de la Californie en août, avec des centaines de points rouges.
Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a, une fois de plus, établi un rapport très positif concernant la session 2024 de Parcoursup. Sur son site, le ministère se réjouit de « des améliorations tangibles qui répondent aux attentes des lycéens ».
En effet, 86,7 % des 945 500 candidats ont obtenu au moins une proposition d’admission dans l’une des formations pour lesquelles ils avaient exprimé des vœux sur la plateforme. De plus, 650 000 d’entre eux ont accepté une proposition d’admission, représentant 79,2 % de ceux ayant reçu une offre. Globalement, Le Monde a estimé que 68,8 % des inscrits sur la plateforme, toutes catégories confondues, se sont engagés dans un cursus qu’ils désiraient.
Cependant, on peut également noter l’aspect négatif des chiffres, qui sont en déclin par rapport à 2023, où ils étaient de 87,8 % et 69,5 % respectivement.
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Le ministère indique également que le nombre de formations disponibles sur la plateforme est en hausse. Cela a été constaté chaque année depuis son lancement en 2018, mais cette hausse est principalement due aux établissements privés, sous ou hors contrat. Ainsi, le nombre de formations proposées par l’enseignement privé a presque doublé entre 2020 et 2024 (4 992 en 2020, contre 9 298 en 2023, soit une augmentation de 86,3 %), tandis que l’offre de l’enseignement public n’a progressé que de 15,3 % durant la même période (11 998 en 2020, contre 13 829 en 2023).
Un autre chiffre communiqué par le ministère est également frappant : malgré les avancées annoncées, 83 % des candidats trouvent la procédure stressante, tout comme l’année précédente et celle d’avant (d’après une étude d’opinion menée par l’institut de sondage CSA auprès des lycéens inscrits sur Parcoursup).
Le bilan du ministère met en avant un site d’entraînement créé pour la première fois cette année, afin d’aider les candidats « à mieux comprendre le fonctionnement de Parcoursup ». 82 % des élèves utilisateurs estiment que ce site « les a rassurés sur le fonctionnement de la phase d’admission de Parcoursup », de sorte que le ministère a annoncé que cet outil « sera promu auprès des élèves pour réduire le stress et les angoisses liés à la procédure ».
Ainsi, la réponse au stress causé par la procédure – reconnue par le ministère de l’Enseignement supérieur, qui ne peut guère faire autrement – n’est pas de réformer cette dernière pour l’améliorer et la rendre moins angoissante, mais plutôt de développer un site pour « préparer » les candidats à utiliser la plateforme.
<pCependant, Parcoursup a été instauré en janvier 2018 pour remplacer la procédure APB, qui nécessitait un tirage au sort afin de départager les candidats trop nombreux dans certaines filières (comme la psychologie ou la licence STAPS), ce qui semblait injuste et peu prévisible pour eux. Il ne fait aucun doute que la création de places à l’université dans ces filières aurait été moins stressante, mais cela n’était peut-être pas l'objectif…
En réalité, il n’y a pas eu de création de postes : l’augmentation du nombre de vacataires dans l’enseignement supérieur est très marquée, puisqu’ils constituent désormais plus de la moitié des enseignants dans le supérieur (plus de 60 % en 2021-2022, soit une hausse de 30 % en 7 ans), selon un rapport du collectif Nos services publics.
De plus, Parcoursup ne permettant pas de hiérarchiser ses vœux, il est difficile de savoir si les étudiants sont finalement inscrits dans une filière qui correspond à leur véritable souhait, ou à un choix par défaut, étant donné qu’ils sont encouragés à formuler dix vœux, qui ne sont pas tous leur première préférence. Et les données chiffrées du ministère ne font évidemment pas la distinction entre premier et deuxième (ou troisième, quatrième, voire dixième) choix.
Serait-il possible qu’il y ait un lien avec l’augmentation cette année (+ 3,7 %) du nombre d’étudiants déjà inscrits qui « rejouent » sur Parcoursup pour se réorienter ? Selon le ministère, il s’agit principalement de « “vœux de précaution” […] en attendant les résultats de leur première année dans la formation qu’ils suivent déjà », rapporte Le Monde.
Quoi qu’il en soit, la fin du lycée, avec le choix des spécialités, et l’entrée dans l’enseignement supérieur deviennent un moment de grande tension pour les futurs adultes, et Parcoursup y joue un rôle déterminant. C’est vraiment regrettable, car un stress réduit lors de la transition entre le secondaire et l’université pourrait, éventuellement, contribuer à atténuer le mal-être et le sentiment de solitude croissants chez les jeunes.
Les jeunes de 18 à 24 ans sont 62 % à se sentir souvent seuls, bien plus que la moyenne des Français (44 %), selon une étude de l’Ifop publiée en janvier 2024. De plus, 90 % de cette tranche d’âge affirme ressentir divers impacts sur leur santé mentale (pleurs, épisodes de stress, troubles du sommeil, états dépressifs et pensées suicidaires).
SOS amitié a également publié en mai un baromètre sur le mal-être qui souligne que le sentiment de solitude figure parmi les raisons des appels des jeunes (de plus en plus jeunes), ainsi que « l’anxiété face à l’avenir ». Certes, le changement climatique et les conflits en cours sont une grande partie du problème, mais il est légitime de s’interroger sur les conséquences d’une entrée dans l’âge adulte marquée par une orientation contraignante et stressante…
La majorité des études sur le mal-être et la santé mentale des jeunes rapportent un tournant avec la pandémie de Covid-19 et le confinement. La création de Parcoursup deux ans plus tôt a sans doute été un facteur préjudiciable.
Dana White, le PDG de l’Ultimate Fighting Championship, a aidé Trump à atteindre les jeunes électeurs masculins. Maintenant, White dit qu’il en a fini avec la politique : “Je ne veux rien avoir à faire avec cette merde.”
“No Other Land” et “Union” sont des films que Hollywood et l’Amérique corporative ne veulent pas que vous voyiez.
Tribunal de Bobigny (93), 7 novembre 2024 – « Je suis un citoyen français. J’ai des droits. J’ai cru que j’allais mourir. » La juge achève la lecture de la lettre à haute voix puis porte son regard sur la salle d’audience. En face d’elle, Aziz E. demeure silencieux. Ce qu’il avait à exposer, il l’a consigné dans un signalement adressé à l’inspection générale de la police nationale (IGPN) il y a plusieurs années. Il y relate les abus qu’il a subis de la part de deux agents de la BAC de Seine-Saint-Denis, le 26 avril 2020, au commissariat d’Aubervilliers. À ce moment-là, le confinement dû à la pandémie de covid-19 est en vigueur et Aziz enregistre un contrôle lorsque les policiers l’arrêtent pour l’obliger à effacer les images. Il est conduit au poste pour vérification d’identité, où il accuse le chauffeur de lui avoir « tasé les parties intimes » dans le véhicule, avant de le malmener dans un couloir du commissariat. « Mon téléphone se trouve au commissariat si vous souhaitez des preuves », a-t-il noté dans la lettre, soigneusement lue par la magistrate.
Cependant, parmi l’ensemble des violences rapportées, seuls trois gestes sont retenus dans l’enquête, capturés par les caméras de surveillance à l’intérieur du poste. Comme le rappelle le procureur lors de l’audience, concernant les violences policières :
« Ce qui n’est pas filmé n’apparaît pas dans le dossier. »
Et peu importe que, lors de son audition à l’IGPN, Aziz E., âgé de 25 ans au moment des faits, ait décrit une longue série de coups, d’injures et de références à sa foi de la part des agents, depuis son arrestation jusqu’à ce qu’il cède à déverrouiller son téléphone pour faire disparaître la vidéo. Les photographies de ses blessures, jointes à son signalement, montrent des marques de piqûres sur la jambe et aux parties génitales attribuées au taser, ainsi que de nombreuses rougeurs « compatibles avec des traces de coups », selon le procureur.
Le rapport d’analyse des vidéos n’impute à Thomas B. qu’un coup de genou alors qu’il tirait « avec vigueur » le jeune homme, qui ne « résiste pas », du véhicule vers l’entrée du commissariat. À la barre, cet homme de 31 ans, désormais muté à la police de secours, défend l’emploi de la force « strictement nécessaire » pour conduire l’interpellé et conteste avoir porté un coup. Le jeune aurait, selon lui, simplement « perdu l’équilibre ». Il confesse en revanche un croche-pied, également filmé, alors qu’Aziz E. s’apprête à sortir du commissariat, qualifiant cela de « geste regrettable ».
S’agissant de Vincent R., il est accusé d’avoir, peu avant, armé le poing en direction d’Aziz E., dos au mur et « déboussolé » dans l’entrée du commissariat, pendant que les autres agents inspectent son téléphone. L’homme, d’une stature athlétique, ne comprend « plus pourquoi il a agi ainsi ». Comme son collègue, il admet avoir commis « un geste regrettable durant une période gênante », sans y voir pour autant une forme de violence. Sa défense est hésitante :
« Je ne connais pas le code pénal sur le bout des doigts. »
À la barre, quatre ans après les événements, la victime, un peu frêle, semble désorientée. Aziz E. a du mal à suivre les questions du tribunal. Son avocate, Maître Déborah Zubillaga, décrit son client comme une victime « particulièrement traumatisée », s’étonnant qu’il n’ait pas fait examiner ses blessures par un médecin légiste par « méfiance à l’égard de tout service collaborant avec la police ».
Comme c’est souvent le cas dans les affaires de violences collectives, les avocats de la défense ainsi que ceux de la partie civile critiquent également la portée restrictive de l’enquête. « À aucun moment, il n’a été demandé d’identifier les policiers ayant pu interagir avec lui », dénonce l’avocat de Thomas B., Maître Martin Dier, soulignant qu’aucune photo n’a été présentée à la victime. L’avocate d’Aziz E. se désole surtout du « refus des agents de témoigner contre leurs collègues ». « C’est tout un service qui se protège les uns les autres », ajoute-t-elle. L’ensemble des violences avait d’ailleurs été nié par les deux agents face aux enquêteurs, jusqu’à ce que les images leur soient montrées.
Le procureur, de son côté, défend dans son réquisitoire le « bon travail » des enquêteurs sur « un dossier ancien », ainsi que la décision du parquet d’écarter des poursuites l’intégralité de la scène de l’interpellation et du véhicule de police. Car sans l’activation des caméras piéton, pour elle :
« C’est parole contre parole, nous ne saurons jamais ce qu’il s’est réellement produit. »
Les véritables motivations derrière le transport d’Aziz E. au commissariat soulèvent également des questions. Car, bien que tous les policiers affirment avoir cherché à effectuer une vérification d’identité – laquelle permet de retenir une personne pendant quatre heures – celle-ci n’a finalement jamais eu lieu. Pour les agents, c’est parce qu’Aziz E. leur aurait, juste devant la cellule, montré sa carte sur son téléphone.
Ce serait d’ailleurs pour consulter sa carte que les quatre policiers auraient manipulé le téléphone à l’accueil. Une version répétée par Vincent R., qui avait pourtant admis lors de son audition avoir supprimé la vidéo « de peur qu’elle ne circule sur les réseaux sociaux ou ne tombe entre de mauvaises mains ». Cela a agacé la juge : « Nous sommes des professionnels après tout. » « Nous n’avons pas besoin de quatre personnes pour contrôler une carte d’identité », renchérit plus tard le procureur, qui rappelle aux policiers que le fait d’être filmé peut être « très désagréable, mais c’est néanmoins légal ». Mais ces actes, eux aussi, ne sont pas poursuivis. Maître Déborah Zubillaga, l’avocate d’Aziz E., dénonce quant à elle un « prétexte fallacieux » et envisage d’initier une nouvelle procédure pour « détention arbitraire ».
Pour les trois gestes poursuivis, le procureur requiert six mois d’emprisonnement avec sursis contre Thomas B, accompagnés d’une interdiction de port d’arme pendant cinq ans. Concernant son collègue Vincent R, la magistrate demande trois mois avec sursis. Le jugement est attendu le 5 décembre.
Image : The Verge ; Photo de Rebecca Sapp / Getty Images pour l’Académie des Grammy Awards Réinitialiser le roster de membres, diffuser le spectacle en ligne — est-ce suffisant à l’ère de l’IA ? Aujourd’hui, je dialogue avec Harvey Mason Jr. Il est à la tête de l’Académie des Grammy Awards, une organisation à but non lucratif qui coordonne les Grammy Awards — les distinctions les plus reconnues dans le domaine musical — et administre la fondation MusiCares, qui soutient les artistes en difficulté. Harvey est une personne captivante — en tant que musicien et producteur, il a collaboré avec des artistes comme Destiny’s Child, Britney Spears, Michael Jackson, Girls’ Generation, entre autres, et a également produit des bandes-son de films tels que Pitch Perfect et Straight Outta Compton. Harvey a eu un emploi du temps chargé depuis qu’il a pris son poste de PDG de l’Académie des Grammy Awards en janvier 2020 — son prédécesseur ayant été évincé seulement cinq mois après son arrivée en raison de divers scandales. Les Grammy Awards — tout comme les Emmy et les Oscars — ont été confrontés à un examen minutieux des inégalités raciales et de genre dans la répartition des prix. En outre, l’industrie musicale a connu un coup d’arrêt complet pendant la pandémie de covid-19, avec l’annulation des concerts en direct et des remises de prix, rendant MusiCares plus nécessaire que jamais. Harvey a donc été très occupé ces dernières années. Actuellement, le secteur musical est en plein essor, avec quelques-unes des plus grandes tournées de l’histoire et une nouvelle génération d’artistes émergents. Les nominations pour les Grammy Awards de 2025 viennent d’être révélées, et vous pouvez constater que des artistes tels que Chappell Roan et Sabrina Carpenter figurent dans la liste pour l’Album de l’année aux côtés de…
Dans un entrepôt de Londres résonnant de musique dance et de bandes sonores de films, Jadé Fadojutimi peint des toiles exubérantes toute la nuit.
Lackawanna County était autrefois un bastion démocrate. En 2024, c’est un champ de bataille fortement contesté, où les enjeux vont bien au-delà de la politique.
Roubaix, Nord (59) – Cela fait déjà deux ans que les machines de l’entrepôt de la marque de vêtements Camaïeu, située sur l’avenue Jules Brame, ne résonnent plus. La vaste allée de platanes, autrefois empruntée par les ouvriers pour se rendre au parking, est aujourd’hui oubliée et encombrée de déchets emportés par le vent. Les stocks et les murs ont été cédés à bas prix aux opportunistes tandis que « les employés se retrouvent en difficulté », déplore Sophie (1), les yeux plissés par le vent. Elle a consacré plus de trois ans de sa vie à cette usine textile, recevant la marchandise avant de l’expédier vers les magasins à travers la France. Mais le fleuron roubaisien de la mode féminine, qu’elle a tant chérie, est désormais disparu:
« Ce ne sont pas seulement 2.600 employés qu’ils ont licenciés, mais aussi toutes leurs familles. »
Derrière elle, son compagnon Christophe (1) l’écoute sans l’interrompre. « Pourquoi ressasser le passé ? Mon destin est déjà scellé », semble indiquer son visage triste. Le quinquagénaire laisse sa femme narrer à sa place son parcours en tant qu’employé logistique dans le quartier des Trois-Ponts à Roubaix, son licenciement inattendu en septembre 2022 et, depuis, les multiples rendez-vous à France Travail, où se multiplient les entretiens d’embauche infructueux :
« Nous sommes désormais deux au chômage. Ils ont plongé mon mari dans la galère et nos enfants aussi. »
Les heures de gloire des usines textiles de Roubaix semblent révolues. La Redoute, les 3 Suisses, Damart, et Phildar font partie de ces marques de prêt-à-porter emblématiques de la région. Aujourd’hui, les célèbres « mille cheminées » des manufactures ne fument plus et les enseignes en lettres capitales disparaissent peu à peu des façades de briques rouges. La liquidation judiciaire de Camaïeu marque la fin d’une ère. Les ouvrières – pour la plupart des femmes attirées par cette marque qui leur ressemblait – estiment que cette chute a été précipitée par les manigances irresponsables d’un seul actionnaire : Michel Ohayon, l’ex-propriétaire de l’enseigne, classé 104ème fortune de France en 2022. « Nous étions ses petits playmobils. Le jour où il ne souhaitait plus jouer, il s’est débarrassé de nous pour passer à une autre marque », s’insurge Cathy (1), l’une des leaders de la contestation qui a amené le milliardaire devant les prud’hommes.
La liquidation judiciaire de Camaïeu marque la fin d’une ère. /
Crédits : Archives municipales de Roubaix
« J’espère que chacun d’entre nous réussira à retrouver un travail dans lequel il se sentira bien. Car pour nous, la retraite, ce n’est pas encore pour maintenant », écrit une ancienne employée dans le groupe Facebook « des anciens de Camaïeu ». Ce groupe réunit environ 800 salariés nostalgiques. Depuis la fermeture, les messages de soutien affluent, accompagnés d’offres d’emploi et de conseils juridiques dénichés sur Internet. Cathy a quant à elle transformé son appartement en permanence administrative pour ses collègues aux prises avec les nombreuses démarches suite à leurs licenciements : demandes d’aides au reclassement, inscriptions aux formations et contrats de sécurisation professionnelle, calcul des indemnités… « Pour ma part, je me suis vite relevée. J’avais l’intérim dans le sang. Mais les plus expérimentés ont eu plus de mal à tourner la page », explique la syndicaliste de 40 ans, tirant distraitement sur sa cigarette électronique :
« Certains avaient 30 ans de boîte et ne savaient plus comment rédiger un CV ou une lettre de motivation. »
Aujourd’hui, les célèbres « mille cheminées » des manufactures ne fument plus et les lettres capitales des enseignes ont disparu des façades de briques rouges. /
Crédits : Archives municipales de Roubaix
Cette solidarité a débuté bien plus tôt, se remémore Louisa, une autre ancienne de l’usine Camaïeu. « Nous avons tenu deux mois ensemble devant le siège après l’annonce de la liquidation en 2022. Ceux qui se sont retrouvés seuls chez eux ont sombré dans la dépression. » La sexagénaire a été licenciée après 28 années de service. « Un soir, un ancien collègue m’a même appelés pour dire qu’il envisageait de mettre fin à ses jours », s’émeut-elle.
Plus de la moitié des ouvriers licenciés en 2022 n’auraient pas retrouvé d’emploi. /
Crédits : Captures d’écran de vidéos de l’INA
Un plan de sauvegarde de l’emploi a été mis en place lors de la fermeture de l’enseigne. Une procédure légale, à la charge des mandataires judiciaires, pour éviter de laisser des centaines d’ouvriers sur le carreau. « Dans ce plan, ils souhaitaient absolument me former aux métiers de l’aide à domicile ou de la main-d’œuvre. Ils ne pensaient pas un instant que je pourrais vouloir faire autre chose », se souvient Louisa avec amertume, qui a finalement réussi à obtenir une formation dans le domaine administratif. « Les postes pour le reclassement étaient situés à Toulouse (31), Bordeaux (33), Paris (75) ou Lyon (69) », ajoute Cathy, qui a rejeté les diverses offres qu’elle considère déconnectées de la réalité :
« On nous a demandé de tout quitter pour devenir femmes de ménage ou serveuses dans les hôtels d’Ohayon. »
Elle a finalement décroché un emploi de caissière dans la grande distribution de la ville. Selon la syndicaliste, plus de la moitié des employés licenciés en 2022 n’ont pas retrouvé d’emploi depuis.
Cela fait déjà deux ans que les machines de l’entrepôt de la marque de vêtements Camaïeu ne résonnent plus. /
Crédits : Captures d’écran de vidéos de l’INA
1993. Louisa enchaîne plusieurs petits boulots précaires lorsque son grand-frère lui suggère de tenter sa chance chez Camaïeu. Née en 1984, l’entreprise locale est alors en pleine expansion. « La marque ouvrait sans cesse de nouveaux magasins et jouissait d’une excellente réputation. J’habitais à proximité de l’entreprise, c’était idéal », se remémore l’ancienne employée. Embauchée dès son premier entretien, elle garde de sa carrière les plus beaux souvenirs :
« Nous étions tous solidaires et sur un même pied d’égalité. Quand de nouvelles personnes arrivaient, nous faisions tout pour les accueillir. »
Jean-Pierre Torck, PDG de l’époque, mise sur le circuit court pour contrer les délocalisations, devenues monnaie courante dans le domaine textile. Il résume sa stratégie avec la formule « 80 % de la production dans un périmètre de 300 km autour de Roubaix » – soutenu par les subventions de la municipalité et de la préfecture du Nord. L’homme d’affaires fonde Camaïeu avec trois autres dirigeants de l’empire Mulliez, une famille influente dans le Nord qui possédait déjà plus d’une centaine de magasins Auchan à l’époque. Les quatre jeunes entrepreneurs des années suivant la récession souhaitaient également profiter de la success-story roubaisienne et entendaient « relancer une nouvelle industrie textile » en s’adressant aux femmes de la classe moyenne. Une collection tendance mais accessible, promettant à la clientèle de se vêtir de la tête aux pieds. « Le vrai bonheur est fait de petits bonheurs », résume leur slogan.
En 2008, la marque ouvre 116 nouveaux magasins et enregistre un chiffre d’affaire de 709 millions d’euros. /
Crédits : Captures d’écran de vidéos de l’INA
Le concept fonctionne et Camaïeu connaît son heure de gloire. Rien qu’en 2008, la marque ouvre 116 nouveaux magasins et affiche un chiffre d’affaires de 709 millions d’euros. C’est durant cette période de succès que Cathy rejoint avec fierté la « famille Camaïeu », devenue une icône du prêt-à-porter féminin en Europe. Après un divorce difficile et de nombreuses missions intérimaires, elle signe son premier CDI en tant qu’employée logistique. Avec les 200 salariés de Roubaix, elle est chargée de réceptionner les marchandises, d’emballer les vêtements, de les étiqueter, avant de les envoyer aux magasins. « Je ne souhaitais pas porter des charges jusqu’à ma retraite, mais j’ai rapidement compris que mon poste n’était pas figé. Il n’y avait aucune limite si l’on souhaitait s’investir », se souvient-elle, charmée par cette organisation du travail fondée sur la participation des ouvriers.
Jean-Pierre Torck a fondé Camaïeu avec trois autres cadres de l’empire Mulliez. /
Crédits : Archives municipales de Roubaix
Le début du nouveau millénaire coïncide avec la montée de l’e-commerce. Les dirigeants manquent le coche et le marché est grignoté par Primark, Zalando et d’autres précurseurs de la vente en ligne. Camaïeu accumule les dettes aussi vite que les conditions de travail de ses employés se détériorent. « Lors de chaque réunion mensuelle, nous étions traités comme des lapins de six semaines : un directeur nous assénait des informations tirées du JT pour expliquer les soucis de l’entreprise, avant de nous rassurer », s’énerve encore Cathy :
« Nous aurions pu sauver notre peau en cherchant du travail ailleurs. Mais ils nous ont laissés poireauter jusqu’à la dernière minute. »
En 2012, une grève éclate au siège de Roubaix. Les employés logistiques, souvent obligés de recourir aux compléments RSA pour atteindre le SMIC, exigent une augmentation de salaire. Ils sont soutenus par Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon, qui dénonce alors « des prédateurs qui s’enrichissent au détriment de la misère des autres ». Le député fait référence aux 23 millions d’euros de stock-options attribuées en 2008 à l’ancien PDG sortant, Jean-François Duprez. Les salariés obtiennent enfin satisfaction, mais les exigences de rendement demeurent croissantes et la gestion devient agressive. Cathy évoque « des méthodes militaires » :
« Alors, nous mettions ces managers aux machines, les laissions patauger et nous leur demandions : “Alors, c’est qui les patrons maintenant ?” Les terminators, c’est nous qui les avons mis à genoux. »
La combattante se souvient des noms donnés aux anciennes machines de l’entrepôt : Océane, Corail, Calypso, Atlantis… Elle avait même la responsabilité de leur entretien parfois. Pour réaliser des économies, les budgets de maintenance avaient été supprimés…
Le début du nouveau millénaire correspond à l’essor du e-commerce. Les dirigeants voient leur marché grignoté par la vente en ligne. Camaïeu s’endette, les conditions de travail des ouvriers se détériorent. /
Crédits : Captures d’écran de vidéos de l’INA et archives municipales de Roubaix.
2016, Camaïeu cumule une dette d’un milliard d’euros. En 2018, l’entreprise est mise sous sauvegarde par le tribunal du commerce et un mandataire judiciaire est désigné. L’entreprise parvient tout de même à tenir le coup, et les actionnaires continuent à investir, parfois de manière hasardeuse. Camaïeu maintient son image face aux tempêtes : elle est élue en 2017 et 2018 « enseigne de vêtements préférée des Françaises », puis « meilleure chaîne de magasins de la catégorie Mode Femmes ». Les ouvriers de Roubaix refusent de croire en l’effondrement et s’accrochent. « Personne ne s’imaginait que cela puisse vraiment se produire. Jusqu’au bout, les collègues étaient dans le déni », se désole Louisa.
Née en 1984, l’entreprise Camaïeu est à ses débuts en plein essor. /
En mai 2020, Camaïeu est placé en redressement judiciaire : 450 employés sont licenciés, parfois privés d’indemnités pendant plusieurs mois. Au tribunal du commerce, le patron Ohayon se manifeste. Il assure qu’il embauchera tous les salariés et investira 84 millions d’euros pour sauver l’enseigne. Le juge le sélectionne pour le rachat. Un nouvel espoir germe chez les ouvriers. « Au début, nous souhaitions lui accorder notre confiance, il avait mille projets. Et puis, nous avons commencé à ressentir que quelque chose n’allait pas », se remémore Cathy. Louisa ajoute :
« Dès la première réunion, il nous assénait de grands discours. Nous le surnommions : “La vérité si je mens”. »
Le prêt de l’État qu’Ohayon espérait pour relancer l’activité lui est refusé, et les factures continuent à s’accumuler. L’entreprise tente un ultime coup de com’ début 2022 avec une campagne en ligne représentant des femmes victimes de violences conjugales. Accusée de « glamouriser les violences », le bad buzz est immédiat.
La pandémie de Covid-19 aggrave la situation, comme partout ailleurs : jugés comme secteur non essentiel, les 511 magasins du réseau ferment durant le premier confinement. Cependant, les ouvriers de Roubaix ne cessent de lutter, raconte Cathy :
« Dès que nous avons eu la permission de reprendre le travail sur une base volontaire pendant le confinement, nous sommes retournés à l’entrepôt avec des visières et des masques. Nous faisions des journées de 10 heures non-stop. Nous ne voulions pas couler ! »
De son côté, Thierry Siwik, délégué CGT de Camaïeu, tente de solliciter de l’aide auprès du ministre du Travail de l’époque, Roland Lescure. En vain. « Nous avons même présenté un projet de sauvetage de la société avec de nouveaux fonds. Nous avons mis 30 millions sur la table qui auraient pu préserver 1.800 emplois. Ils ont refusé d’en entendre parler », soupire le syndicaliste, qui dénonce une « faillite orchestrée par les actionnaires ». Le 28 septembre 2022, l’alarme retentit. Ohayon fait son apparition au tribunal du commerce avec un plan de continuité bâclé sur une feuille A4. L’entreprise est placée en liquidation judiciaire et les 2.600 employés sont licenciés sur le champ. « On nous a laissé une demi-heure pour vider nos vestiaires. Je n’oublierai jamais les cris de désespoir de mes collègues », s’attriste Louisa.
Le patron Sébastien Bismuth a acquis la marque pour une bouchée de pain. 11 nouveaux magasins consacrés aux collections femmes ouvrent sous une nouvelle identité : « Be Camaïeu ». /
Crédits : Archives municipales de Roubaix et Jeremie Rochas
« Camaïeu va rouvrir ses portes. Un symbole de la France, quoi ! Ils visent à devenir une marque cool, créative, inclusive et surtout moderne », s’enthousiasme Léna Situation dans une vidéo sponsorisée. L’influenceuse aux 4,7 millions d’abonnés sur Instagram a été engagée par le groupe Célio, tout récent propriétaire de Camaïeu, pour annoncer la résurrection de la marque. Le patron Sébastien Bismuth a acquis la marque à bas prix, récupérant les murs et tout le reste. 11 nouveaux magasins dédiés aux collections féminines ouvrent sous une nouvelle identité : « Be Camaïeu ». Mais les centaines d’ouvrières remerciées en 2022 ne font pas partie de l’aventure. Bien que quelques postes aient été proposés dans le nouveau magasin du centre commercial de Lille (59) inauguré fin août, les recruteurs ont rapidement été recalés. « Camaïeu est mort en 2022 avec ses 2.600 salariés, laissez-nous tranquilles », rugit Cathy :
«Aujourd’hui, aucune d’entre nous ne souhaite postuler. Ce sont les valeurs de Camaïeu qui nous attiraient et elles ont disparu. »
Des ouvrières licenciées de Camaïeu racontent la lente mort de la marque, jusqu’à sa résurrection sous la bannière de Célio… sans elles. /
Les anciennes ouvrières ont intenté plusieurs recours aux Prud’hommes pour licenciement abusif. Au tribunal de Roubaix, un petit groupe d’anciens salariés de l’entrepôt est rassemblé derrière Maître Fiodor Rilov, avocat renommé des laissés-pour-compte par les multinationales. Fidèle à son poste, il fait résonner sa voix rauque dans la petite salle d’audience des Prud’hommes :
« Nous sommes là pour faire payer les responsables de cette catastrophe sociale ! »
En février dernier, Cathy et Louisa ont également déposé plainte contre Michel Ohayon pour « abus de biens sociaux », avec 200 autres anciens employés de Camaïeu. Le propriétaire de la holding Financière immobilière bordelaise, qui regroupe plus de 150 sociétés, est accusé d’« un certain nombre d’opérations opaques, anormales et injustifiées » et d’« agissements fautifs », considérés comme « la cause première et déterminante de la faillite de l’entreprise ». En septembre 2021, un trou de 26 millions d’euros dans les comptes de la société avait été mis au jour. « Nous avons compris qu’il utilisait notre travail pour régler les factures de ses autres sociétés pendant que nous travaillions d’arrache-pied pour sauver la boîte », fulmine Cathy. Contactée par StreetPress, la société de Michel Ohayon n’a pas répondu à nos questions. Elle lutte néanmoins pour faire renvoyer l’affaire. Une situation éprouvante pour les ouvrières. Mais Cathy, pleine de détermination, ne compte rien laisser passer :
« Même si ça dure 15 ans, je serai toujours présente. Et si nous perdons, nous lui aurons au moins fait payer les frais d’avocats. »
Les anciennes ouvrières ont engagé plusieurs recours aux Prud’hommes pour licenciement abusif. /
Crédits : Archives municipales de Roubaix
Les prénoms ont été modifiés.
Illustration de Une de Timothée Moreau.
Dans le Georgia, Barack Obama a parlé de caractère, et dans le Michigan, Michelle Obama a rappelé aux électeurs les enjeux pour la vie des femmes.
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