Les bourgeois, leurs valets, leurs bouffons
Alors que l’affaire Chalençon a fait grand bruit, nous verrons avec le Stagirite que cette affaire exceptionnelle permet un coup de projecteur sur quelque chose de parfaitement ordinaire : les connivences entre les univers médiatiques et politiques, et enfin l’intérêt qu’ont les classes dominantes à rejoindre ces réseaux. On en parle dans ce nouveau numéro d’On sort les dossiers. Qui aurait cru, il y a une semaine, en plein débats délétères sur “l’islamogauchisme” ou les réunions non mixtes, qu’un sosie de Polnareff complètement allumé allait retourner l’agenda médiatique ? Dans un passage d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs, Marcel Proust décrit la salle à manger du Grand Hôtel d’une station balnéaire. Illuminée en pleine nuit, elle devenait “comme un immense et merveilleux aquarium devant la paroi de verre duquel la population ouvrière de Balbec, les pêcheurs et aussi les familles de petits bourgeois, invisibles dans l’ombre, s’écrasaient au vitrage pour apercevoir, lentement balancée dans des remous d’or, la vie luxueuse de ces gens, aussi extraordinaire pour les pauvres que celle de poissons et de mollusques étranges”. En plein troisième confinement, alors que les amendes pleuvent sur les citoyens qui font un petit écart, on découvre derrière les parois de verre de nos écrans ces restaurants clandestins où se rencontrent des nantis autour de dîners hors de prix au mépris des règles sanitaires communes. Après le reportage d’M6, les internautes ont rapidement identifié l’inénarrable Pierre-Jean Chalençon, collectionneur fantasque fan de Napoléon qui s’est fait un nom dans le monde des ventes aux enchères, star de l’émission “Affaire conclue”, et propriétaire du Palais Vivienne. Voulant banaliser les évènements qu’il a lui-même organisés ou ceux de son acolyte Christophe Leroy, notre Pierre-Jean national a donc réussi l’exploit de provoquer une bérézina médiatique du gouvernement en lancant la rumeur sur la présence de ministres. …