Un adolescent de 19 ans kidnappé à Peret, ensuite retenu captive et soumis à des tortures avec des cigarettes à Clermont-l'Hérault.

HERAULT NEWS

Un adolescent de 19 ans kidnappé à Peret, ensuite retenu captive et soumis à des tortures avec des cigarettes à...

Le 4 novembre 2024, les gendarmes de la compagnie de Lodève, dans l’Hérault, ont interpellé six hommes âgés de 21 à 34 ans. Ces suspects sont concernés par l’enlèvement, la séquestration et la violence infligée à un jeune de 19 ans durant la nuit du 11 au 12 septembre dernier.

Le responsable de cet enlèvement, résidant à Clermont-l’Hérault, était convaincu que la victime avait un lien avec le vol de 20.000 euros de drogues commis à son domicile cet été (ou en relation avec la personne réellement responsable).

Les agresseurs avaient localisé leur proie sur les réseaux sociaux

La victime revendait sur Snapchat, des cigarettes de contrebande achetées en Espagne, ainsi que des drogues correspondant à celles volées. Ses ravisseurs se faisaient passer pour des acheteurs. Le jeune homme, trompé, accepte un rendez-vous à la sortie de son lotissement situé dans la commune de Peret (à 15 km au sud de Clermont-L’Hérault).

Les ravisseurs se présentent à lui comme étant de la DZ mafia, un cartel de drogue originaire des quartiers nord de Marseille, impliqué dans des meurtres et des enlèvements, avec un contexte de trafic de stupéfiants. Leur intention était de l’emmener dans la ZUP de Nîmes pour le mettre à mort, d’après ses dires.

Le jeune homme a ensuite été déshabillé, frappé à coups de poings et de pieds après avoir été confronté à deux gros chiens hostiles. Ces agresseurs présumés avaient pour objectif de le faire céder. Ils n’hésiteront pas à le brûler avec des cigarettes pour l’inciter à parler.

D’après la victime, ses bourreaux étaient masqués et portaient des gants

La victime, qui a subi cinq jours d’ITT, a été piégée dans une véritable embuscade. Ce jeune paysagiste a été retenu en otage de 20h00 à 02h00 du matin. Ne fournissant aucune réponse à ses ravisseurs, il a finalement été laissé en pleine nuit, en pleine nature, à mi-chemin entre Peret et Clermont-l’Hérault. Il a fini par marcher jusqu’à chez ses parents avant de déposer une plainte.

Des témoins de l’enlèvement avaient déjà donné l’alerte. Le numéro de la plaque d’immatriculation des suspects avait été noté. Lors des perquisitions début novembre, un revolver a été trouvé, ainsi qu’un grand nombre de munitions, un point américain, une machette, des gants en cuir, 2.000 euros en espèces, ainsi que des stupéfiants.

La victime relate avoir été menacée avec une arme à feu

Les suspects ont été présentés en comparution immédiate le 13 novembre 2024. Toutefois, trois d’entre eux ont sollicité un délai pour préparer leur défense. En attendant leur procès pour enlèvement et séquestration, prévu pour début 2025, ils ont été placés en détention provisoire.

En libérant leur victime, ces derniers ne s’attendaient probablement pas à ce qu’elle porte plainte. Et si elle n’était pas celle qu’ils croyaient ? Selon nos informations, les prévenus reconnaissent au moins avoir été informés de cette séquestration, mais nient y avoir pris part.

Ils risquent jusqu’à 10 ans d’emprisonnement.

  • Si vous êtes témoin d’un événement dans l’ouest héraultais ou l’arrière-pays héraultais, n’hésitez pas à passer l’information en appelant le 04.67.06.65.42
Le cinéma du Média #7. Bienvenue à l’hôpital californien

CULTURE

Le cinéma du Média #7. Bienvenue à l’hôpital californien

Dans la troisième saison de la série américaine The Wire, un policier de Baltimore, à l’approche de sa retraite, choisit de convertir des bâtiments abandonnés en une zone où le trafic de drogues serait contrôlé. L’objectif est de diminuer la violence, la criminalité, et les maladies… Cependant, le policier – l’inoubliable « Bunny » Culvin – n’a informé personne que cette initiative est illégale et qu’elle se terminera dès qu’elle sera exposée. Pourtant, les résultats obtenus surpassent largement ceux de nombreuses années de « guerre contre la drogue ». Dans la saison 3 de la série française Hippocrate, un ancien médecin devenu réalisateur entreprend une démarche similaire. Face à l’état apocalyptique de notre système hospitalier, Thomas Lilti imagine que quelques soignants pourraient rouvrir, sous l’internat de l’hôpital de la région parisienne, des chambres désaffectées pour accueillir des patients que l’on s’obstine là-haut à ne pas vouloir, ou plutôt à ne plus pouvoir, recevoir et soigner. Là encore, il s’agit d’une tentative de sauver un système en crise à travers une opération secrète ; les frontières entre légalité et obligation morale se brouillent ; le risque de découverte, de dénonciation et de renvoi, voire pire, est bien présent. Dans The Wire, la zone est nommée Hamsterdam, en allusion à la capitale néerlandaise où certaines drogues sont bien connues pour y être en vente libre. Dans Hippocrate, elle est désignée sous le nom d’Hôpital California. Cela fait écho à la chanson « California Dreamin’ » – c’est un rêve, ou peut-être un cauchemar – mais aussi à « Hotel California », le célèbre tube des Eagles, où il est question d’un endroit d’où il est impossible de s’échapper. Que se passe-t-il lorsque les espaces clos deviennent des passoires, les professions se transforment en système D et les sous-sols se métamorphosent en mouroirs ? Quand des secteurs entiers de la société se…

Le parlementaire Kerbrat, le narcotrafic et les fonds publics : chroniques d'une chute vertigineuse.

INVESTIGATIONS

Le parlementaire Kerbrat, le narcotrafic et les fonds publics : chroniques d’une chute vertigineuse.

Le député de La France insoumise (LFI) Andy Kerbrat, interpellé par les forces de l’ordre le 17 octobre à Paris alors qu’il était en train d’acquérir des substances illicites, aurait utilisé son compte AFM (avance de frais de mandat), financé chaque mois par l’Assemblée nationale, pour soutenir sa consommation, selon une investigation de Mediapart.

Huit kilogrammes de stupéfiants interceptés dans un logement du cœur de Montpellier.

HERAULT NEWS

Huit kilogrammes de stupéfiants interceptés dans un logement du cœur de Montpellier.

Huit kilos de cannabis et de cocaïne ont été saisis au cœur de Montpellier. Des agents du groupe de sécurité de proximité (GSP) ont été intrigués par des mouvements suspects à l’entrée d’un bâtiment situé rue de la Valfère, dans l’Écusson à Montpellier.

Après avoir interpellé un premier individu de 25 ans qui a reconnu être consommateur, ils ont réussi à arrêter deux autres hommes, le plus jeune, âgé de 21 ans, étant le frère du premier. Il a révélé qu’il travaillait comme livreur. Un autre homme, de 23 ans, a déclaré n’être qu’une “nourrice“.

Une perquisition effectuée dans son appartement a permis de mettre au jour cinq kilos de marijuana, 2,7 kilos de résine de cannabis, 75 grammes de cocaïne, 1.300 euros en espèces, ainsi que du matériel de conditionnement de drogues destiné à la vente. On y a également trouvé 25 cartouches de 9 mm, mais aucune arme.

Les trois individus ont été placés en garde à vue.

Deux policiers ont ouvert le feu à Béziers : "Tous les maires craignent de connaître un drame" déclare Robert Ménard

HERAULT NEWS

Deux policiers ont ouvert le feu à Béziers : “Tous les maires craignent de connaître un drame” déclare...

Il est fréquent que les forces de police nationales et locales de Béziers se voient confrontées à des conducteurs indisciplinés lors de contrôles routiers. Ce phénomène de refus d’obtempérer s’intensifie, ce qui exaspère Robert Ménard. En France, un incident de ce type se produit en moyenne toutes les 20 minutes. Des chauffards sont prêts à tout pour éviter un contrôle de gendarmerie ou fuir les policiers. Les répercussions de ces comportements irréfléchis peuvent être catastrophiques : certains aboutissent à des accidents tragiques, parfois mortels pour les conducteurs ou pour des innocents.

Au cours d’une période d’un mois et demi, les agents de police du commissariat de Béziers ont utilisé leur arme à deux reprises. Dans un des deux incidents, la mise en danger d’autrui est confirmée, puisqu’un véhicule a délibérément percuté un policier à Villeneuve-lès-Béziers, le samedi 9 novembre.

Les forces de l’ordre intervenaient suite à un rassemblement illégal de véhicules dans la zone de la Méridienne. Le conducteur, originaire de Bessan, comparaît ce mercredi devant le tribunal judiciaire de Béziers pour des chefs d’accusation de refus d’obtempérer et mise en danger d’un policier, dégradation d’un véhicule de police, récidive de conduite sous l’emprise de l’alcool et absence d’assurance.

Concernant l’autre cas, une enquête de l’IGPN est en cours suite à une course-poursuite à travers la ville, qui s’est conclue dans le quartier de la Devèze. Le conducteur a été condamné à quatre années de prison ferme.

Le 12/11/2024 Encore un refus d’obtempérer, la police ouvre le feu pour la deuxième fois à Béziers sur un chauffard


Robert Ménard exprime des critiques sévères envers ces chauffards qui prennent des risques inconsidérés, exposant parfois leurs passagers à des dangers. Drogue, alcool, absence de permis ou d’assurance… pourquoi sont-ils prêts à prendre tous ces risques ?

Dans une interview accordée à France Bleu Hérault, le maire et président de l’agglomération de Béziers appelle à une plus grande fermeté vis-à-vis de ces automobilistes qui mettent en danger leurs vies pour tenter de fuir un contrôle.

“Il y a un sentiment d’impunité parmi toute cette racaille, mais pas seulement” – Robert Ménard

Le politicien apporte également son soutien aux policiers : “Je comprends totalement la situation dans laquelle ils se trouvent”.

Le week-end dernier, une unité de sa police municipale a également été confrontée à un refus d’obtempérer. Un scootériste dans le secteur de la Devèze a, selon nos sources, bénéficié de l’aide d’une fourgonnette. Ce véhicule s’est interposé sur la route des policiers municipaux, permettant au conducteur du scooter de s’échapper.

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Le 07/11/2024 Un policier ouvre le feu après une course-poursuite, une vidéo le met en difficulté, la police des polices saisie


Des interventions prudentes par crainte de débordements ?

“Il existe un déséquilibre d’impunité parmi cette racaille, et ce n’est pas uniquement eux : de nos jours, on a l’impression que le policier ne va pas vous poursuivre. Et c’est vrai qu’un policier a reçu tant de recommandations, ‘il ne faut pas faire cela, évitez ce risque, vous ne pouvez pas agir de cette manière’, qu’il est quelque peu paralysé”.

“Je compatis avec les policiers. Certains pourraient les écraser, pour le dire simplement, car c’est exactement de cela qu’il s’agit. Aujourd’hui, nous faisons face à un état où, dans de nombreux cas, la victime, c’est celui qui a été percuté par la police, et non les policiers eux-mêmes, comme si la première responsabilité incombait toujours au policier. Enfin, que faites-vous lorsque vous êtes au volant ? Un policier vous fait signe, vous vous arrêtez”.

  • Votre Police Municipale a elle aussi été confrontée ce week-end à un refus d’obtempérer

‘Oui, mais ils craignent pour leurs réactions. Ils viennent me voir et me disent, ‘Monsieur le Maire, si jamais nous le poursuivons et que cela ne se termine pas bien, qui sera blâmé ? Ce sera le conducteur qui a refusé d’obtempérer ou moi qui ai seulement fait mon devoir de policier ?’ Les gens sont paralysés, pourtant ma police municipale persiste à agir, tout comme la police nationale. J’aimerais que vous soyez un instant à leur place. Spontanément, ils seront d’emblée en cause, en disant ‘il faut que vous prouviez que vous n’avez pas commis d’erreurs’. Et bien sûr, cela refroidit les ardeurs, et indubitablement, c’est une incitation pour ceux qui pensent ‘je peux en tirer avantage'”.

  • Craignez-vous à Béziers qu’un drame similaire à celui de Nahel en 2023 à Nanterre se reproduise ?

“Ce n’est pas uniquement moi. Tous les maires craignent de vivre une tragédie telle que celle-ci. Nous y réfléchissons tous. Si la situation dégénère, que dira-t-on ? Accusera-t-on la petite racaille, le petit délinquant qui a ignoré les ordres des policiers ou remettra-t-on en question les actions du policier en disant ‘vous n’auriez pas dû procéder ainsi ?’ Est-il vraiment judicieux de poursuivre un individu qui vient de vous faire un geste obscène et continue son chemin ? Tout le monde est effectivement paralysé. Et je vous le dis en toute franchise, lorsqu’ils me posent cette question, je me montre prudent dans mes réponses. Je ne leur dis pas, ‘ne laissez passer aucune infraction, j’ai confiance en vous’, car cela les place dans une position délicate. Je ne souhaite pas les exposer à des risques inutiles. Et cela, le délinquant en face, il en est conscient.”

  • Que devrait-on faire actuellement pour juguler ces délits ?

“Je n’en ai pas la moindre idée. Si je le savais, ce serait une véritable opportunité. Ce que je peux affirmer, c’est que, généralement, ceux qui se comportent ainsi ont débuté par de petits larcins. Si vous purgez deux mois de prison pour un refus d’obtempérer, et que c’est votre première infraction, vous êtes persuadé de ne pas purger de peine.

En France, si vous êtes condamné à moins d’un an de prison, vous n’irez jamais derrière les barreaux. Prenons l’exemple des Pays-Bas : vous purgez deux mois de prison, vous faites bien vos deux mois, même si c’est votre première condamnation. Peut-être que cela aurait un effet dissuasif. Je ne prétends pas que cela résoudra tous les problèmes, mais commençons par ce changement et voyons si cela peut fonctionner”.

Le 08/11/2024 Sans permis depuis plus de 20 ans, un Agathois s’enfuit à un contrôle et termine dans le fossé avec son fils et sa femme


L'échec prévisible de la politique anti-drogue de Bruno Retailleau

ECONOMIE

L’échec prévisible de la politique anti-drogue de Bruno Retailleau

En cas d’échec, il ne faut surtout pas se remettre en cause. C’est l’attitude téméraire du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, concernant la lutte contre le trafic de drogue. Ou plutôt contre la drogue, car il semble faire peu de distinction.

Après plusieurs règlements de comptes et faits de violence mortels liés au narcotrafic, le ministre a annoncé un « plan d’action » qui intensifie la politique répressive de la France concernant les stupéfiants.

Lors de son déplacement à Marseille le 8 novembre, Bruno Retailleau a déclaré son intention de mettre en place des « interdictions de paraître » pour les dealeurs dans les zones où ils opèrent et souhaite leur couper leurs aides sociales.

Il désire également « donner au préfet le pouvoir de fermer des établissements de blanchiment » d’argent lié à la drogue. Et, comme si cela ne suffisait pas, « il faut que le délinquant qui trafique puisse être expulsé de son logement », a insisté l’ancien sénateur de droite.

La série des propositions, énoncée aux côtés du ministre de la Justice Didier Migaud, paraît tout aussi longue qu’incantatoire. En ce milieu de novembre, il est difficile de savoir ce qui pourra être concrétisé et ce qui relève de la communication politique destinée aux médias. Une partie de ces suggestions devrait figurer dans un projet de loi qui sera soumis au Parlement au début de l’année 2025.

Avant Bruno Retailleau, Gérald Darmanin avait mené une « guerre contre la drogue » (ses propres mots) sans relâche, à travers des « actions coups de poing », suivies d’opérations « place nette », qui sont devenues « place nette XXL », en avril 2024.

Ces opérations mobilisent des dizaines de policiers et d’agents de la police judiciaire pendant des heures, voire des jours. Pourtant, avec des résultats plutôt maigres au regard des ressources allouées : quelques kilos de drogue, des milliers d’euros en cash, et parfois quelques armes à feu.

« Ces opérations médiatiques s’inscrivent dans une logique à court terme, au détriment de la lutte contre les réseaux de narcotrafic élaborés qui nécessitent des mois d’investigation », dénonce Nelly Bertrand, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature.

Le coût de la répression augmente…

En poursuivant l’œuvre de son prédécesseur, Bruno Retailleau continue une surenchère sécuritaire qui pèse sur les finances publiques sans engendrer les effets positifs attendus, à savoir la baisse des trafics et de la consommation.

Ainsi, depuis 2009, le budget annuel consacré à la répression des utilisateurs et des trafiquants de drogue est passé d’un demi-milliard à près de 2 milliards d’euros en 2024, d’après l’annexe du projet de loi de finances (PLF) dédiée à la politique antidrogue.

« Cependant, les crédits accordés aux forces de l’ordre [mentionnés dans les annexes du PLF, NDLR] sont généralement en coût moyen et souvent évalués de manière approximative. Ils n’intègrent pas l’ensemble de l’activité policière dédiée aux stupéfiants », analyse Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé à l’université de Montpellier, et expert des politiques publiques relatives aux drogues.

De plus, ce montant n’inclut pas « les primes ni les indemnités spécifiques, pour les interventions nocturnes par exemple », ce qui signifie que la politique de répression coûte, selon lui, bien au-delà de 2 milliards d’euros à l’État.

Ces ressources conséquentes financent une législation d’exception, avec des méthodes d’enquête très intrusives, par exemple en utilisant, pour intercepter les communications téléphoniques, des dispositifs puissants tels que les IMSI-catchers, souvent accusés de porter atteinte à la vie privée.

L’introduction de l’amende forfaitaire délictuelle en septembre 2020 a provoqué une explosion du nombre de personnes mises en cause pour usage de stupéfiants à partir de l’année suivante.

« Cela revient à sanctionner environ un joint sur 2 500,  a calculé Yann Bisiou, qui rappelle que la majorité des amendes concernent les consommateurs de cannabis. Ainsi, il n’y a pas de dimension pédagogique, le fumeur ressent de l’injustice en constatant que d’autres ont pu consommer sans être pénalisés. »

Dans cette quête de résultats, le taux de recouvrement des amendes forfaitaires est peu reluisant. Seules 35 % sont réglées, a reconnu Emmanuel Macron, président de la République, en juin 2023. Qu’en a déduit Bruno Retailleau ? Qu’il fallait accroître leur délivrance et alourdir les sanctions contre les consommateurs.

… la consommation aussi

Le futur projet de loi viendrait s’ajouter à une déjà longue liste de textes antidrogue. Yann Bisiou a compté pas moins de 21 lois et ordonnances adoptées sur ce sujet depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017.

« Cette inflation législative, qui sert principalement à la communication gouvernementale, est souvent contre-productive. Chaque nouvelle loi exige un temps d’adaptation et, par conséquent, renforce l’engorgement des tribunaux », signale Nelly Bertrand, du Syndicat de la magistrature.

En outre, la surenchère répressive n’a pas occasionné de baisse significative de la consommation. La France figure systématiquement parmi les pays européens les plus consommateurs de cannabis, quels que soient les critères utilisés.

D’après les dernières informations de l’EMCDDA (Centre européen de surveillance des drogues et de la toxicomanie), la France présente la plus forte prévalence de consommation de marijuana en Europe durant l’année passée.

« L’objectif de la pénalisation des drogues est d’amenuiser, voire d’éliminer l’usage. Or, le chercheur Alex Stevens a démontré qu’il n’existe pas de corrélation entre le modèle politique choisi concernant la gestion des drogues (pénalisation, dépénalisation ou légalisation) et le taux de consommation », explique Marie Jauffret-Roustide, sociologue à l’Inserm.

Pour la directrice du programme Drogues, sciences sociales et sociétés de l’EHESS, « ce sont plutôt les facteurs culturels ou d’accessibilité qui jouent un rôle majeur ».

Ainsi, bien que nombreux soient les Français à consommer du cannabis, leur usage de cocaïne, de nouvelles substances psychoactives ou d’héroïne reste inférieur à celui du Royaume-Uni ou de certains pays scandinaves. Le niveau de consommation ne constitue donc pas un indicateur pertinent pour évaluer une politique de gestion des stupéfiants, estime Yann Bisiou :

« Les critères à considérer sont le prix et la qualité. Dans un marché illégal, plus un produit est pur, plus il est accessible : il n’est pas nécessaire de le couper. Cela s’applique également si le prix est bas. »

Les données du ministère de l’Intérieur mettent justement en lumière que les principales drogues saisies (cannabis, cocaïne, amphétamine, héroïne) sont de plus en plus pures, à l’exception d’une seule, l’ecstasy, dont la teneur moyenne en principe actif diminue depuis 2015.

Parallèlement, leur prix au détail est demeuré stable depuis 2018, malgré l’inflation. Ce qui prouve que ces drogues sont de plus en plus accessibles et que les trafiquants n’éprouvent aucune difficulté à alimenter le marché.

Prohibition contre prévention

De surcroît, la politique de prohibition en France, qui pénalise principalement les consommateurs, est largement discriminatoire. Le Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD) souligne ainsi que les individus en situation de grande précarité ont 3,3 fois plus de chance d’être emprisonnés pour des infractions à la législation sur les stupéfiants.

Les jeunes hommes racisés sont surreprésentés parmi les individus incriminés pour infractions relatives aux stupéfiants, conséquence directe de la concentration des interpellations et des arrestations sur cette population, décalée par rapport à la répartition démographique des consommateurs, affirme le CNPD.

« Il y a une confusion entre la lutte contre la drogue et la lutte contre les consommateurs de drogues. La politique de prohibition stigmatise ces derniers, les éloigne des systèmes de soins et nuit à l’élaboration de programmes de prévention », déplore Catherine Delorme, présidente de Fédération Addiction, qui fait partie du CNPD.

La répression est particulièrement nuisible en prison. Selon les données du ministère de la Justice, plus de 13 % des détenus le sont pour des infractions liées aux stupéfiants, en faisant la troisième cause d’incarcération, après les violences et les vols. Pourtant, la prison est un lieu où la consommation de drogues est plus répandue qu’en milieu ouvert, en particulier le cannabis, comme le constatent de nombreuses études.

« S’il existe une tolérance dans beaucoup d’établissements pénitentiaires face à la consommation de drogues, pour maintenir un environnement carcéral calme, la répression limite les opportunités d’accompagnement en cas d’addiction et de politiques de réduction des risques. Les usagers préfèrent se cacher, conscients qu’ils s’exposent à des sanctions disciplinaires ou pénales », décrit Prune Missoffe, responsable des analyses de la section française de l’Organisation internationale des prisons.

« Une politique efficace sur les drogues doit pouvoir prévenir les usages parmi les populations les plus vulnérables, notamment les jeunes, et réduire les risques pour ceux qui consomment déjà », estime Marie Jauffret-Roustide. Pour y parvenir, il est primordial d’investir financièrement dans des programmes de prévention, de soin et de réduction des risques.

« En revanche, dans les pays où la consommation de drogues est pénalisée, les initiatives de prévention et de soin sont moins efficaces. Les consommateurs se sentent plus stigmatisés et moins légitimes pour en parler ou demander de l’aide », souligne la sociologue.

Constatant cette réalité, le Collectif pour une nouvelle politique des drogues a appelé en novembre 2023 à la dépénalisation de la consommation. « Une première réponse nécessaire, urgente et simple, écrit le CNPD, sans préjuger d’autres débats, comme celui sur la légalisation du cannabis ».

A l’heure où la dépénalisation est soutenue même par le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, les gouvernements macronistes persistent dans une politique ultra-répressive, qui rappelle les années 1970 et l’échec. Malheureusement pour les victimes du narcotrafic, la position idéologique du nouvel exécutif est vouée à produire les mêmes résultats.

Cet article est une version mise à jour du premier article de notre série publiée en juillet 2024 « Face à la drogue, la France coincée dans ses contradictions ».