Lorsque les coopératives soutiennent le développement des zones rurales
Gibles, une petite commune de 580 habitants dans le département de Saône-et-Loire, a failli perdre sa dernière boutique, la boulangerie-épicerie située sur la place du marché que ses propriétaires désiraient céder depuis dix-sept ans. Les habitants de ce village de Bourgogne-Franche-Comté auraient alors été contraints de prendre la voiture et de parcourir au moins dix minutes pour se ravitailler.
Cependant, le commerce a trouvé des nouveaux propriétaires et a rouvert ses portes en juin dernier après plusieurs mois de travaux. Chez Cocotte propose désormais un pain principalement élaboré avec des farines anciennes, locales et biologiques, ainsi que des produits d’épicerie majoritairement issus de l’agriculture biologique. Le projet n’aurait pas pu se concrétiser sans l’intervention de Villages vivants, une coopérative immobilière rurale et solidaire.
Cette dernière, dont la mission est de faciliter l’implantation de commerces et de lieux de convivialité dans les villages, a en effet acquis les murs et le fonds de commerce pour les louer à ses repreneurs qui n’avaient pas les moyens de cette acquisition. Le coût de cet achat : 80 000 euros, auxquels s’ajoutent 265 000 euros de travaux.
Un bâtiment à Meximieux dans l’Ain pour une association de citoyens autour d’un projet d’alimentation durable, une ressourcerie en Lozère pour réparer des objets… Depuis sa création en 2018, Villages vivants a acquis 24 lieux pour y implanter des activités à fort impact social.
Le loyer payé par les initiateurs de projet est « calculé pour être soutenable », précise Anne-Sophie Daudon, responsable de l’accompagnement des projets ESS de Villages vivants. De plus, durant la première année, ils n’ont souvent pas de loyer à régler.
Villages vivants est une société coopérative d’intérêt collectif (Scic) qui regroupe dans son sociétariat des citoyens, des collectivités et des locataires. Elle emploie maintenant quinze salariés, qui sont urbanistes, architectes ou issus du secteur du bâtiment. Depuis ses débuts, la Scic a levé plus de 2,5 millions d’euros auprès de fonds d’investissement éthiques, de l’État, de la Banque des territoires, de fondations, etc.
Projets immobiliers en Occitanie
En Occitanie, la Scic Bien commun travaille également à la revitalisation des villages et des petites villes. À Cazes-Mondenard, commune de 1 195 habitants du Tarn-et-Garonne en manque cruel de petits logements pour personnes à revenus modestes, elle porte par exemple le projet de rénovation de la maison Mazet. Celui-ci proposera à partir de l’automne 2025 huit appartements à prix abordables destinés aux jeunes et aux seniors autonomes. Au rez-de-chaussée, le bâtiment abritera une épicerie multiservices.
Établie l’année dernière, la Scic fonctionne comme une foncière : elle acquiert et rénove de manière écologique des bâtiments en dégradés au cœur des bourgs pour les louer à des tarifs abordables sous forme de logements et de locaux d’activité. Mais elle agit également comme bureau d’études, mettant des ingénieurs à la disposition des collectivités locales, réalisant des diagnostics territoriaux, et travaillant sur la mixité des usages ainsi que sur la faisabilité architecturale, juridique et financière de leurs projets de réhabilitation de leur patrimoine.
Les huit salariés de la coopérative font partie de son sociétariat, aux côtés de financeurs comme France active et de collectivités comme la commune de Cazes-Mondenard.
Outre les subventions des collectivités, la Scic a levé des fonds via la plateforme citoyenne lita.co, où les épargnants investissent leur argent pendant plusieurs années en sachant qu’il sera dirigé vers des projets engagés.
Un tiers lieu dans les Ardennes
A Poix-Terron, petite commune des Ardennes comptant près de 900 habitants, un tiers lieu devrait voir le jour en 2025 dans une ancienne halle de marchandises de la SNCF. La locomotive occupera un espace d’environ 400 m2 pour 9 000 m2 de zone extérieure. On y trouvera des espaces de biodiversité, une voie verte, une ressourcerie, des jardins partagés… ainsi que des activités axées sur la formation, l’emploi, l’alimentation et le développement durable.
En attendant, un espace de préfiguration de 100 m2 est accessible au public, proposant déjà un fab lab, des lieux de restauration, de formation, de conférences, des animations culturelles locales, un club photo… Environ 300 personnes par mois viennent le découvrir.
Pour le porteur du projet, la Fédération des familles rurales des Ardennes, qui gère de nombreuses crèches et centres de loisirs, il s’agit d’explorer de « nouvelles formes de lien social », explique Thibault Pay, directeur de l’association Pix’in-La locomotive, qui supervise le tiers lieu. Cette dernière, qui compte trois salariés, bénéficie du soutien de l’État, de la région et de fondations privées. Toutefois, c’est la commune de Poix-Terron qui finance les travaux et a déjà engagé 2 millions d’euros pour la réhabilitation du site.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Le débat « Les campagnes sont-elles vraiment abandonnées par l’État ? », le vendredi 29 novembre à 14 h 30 aux Journées de l’économie autrement, à Dijon. Voir le programme complet de cet événement organisé par Alternatives Économiques.