Le cinéma du Média #4. La volonté de Guiraudie
Un film remarquable est-il simplement un film qui a presque été, si ce n’est mauvais ou raté, du moins étrange ? La sensation de sa grandeur n’est-elle pas celle d’une étrangeté devenue évidence ? Une perception d’un monde improbable et pourtant indiscutable ? Un univers qui n’existe pas mais qui, durant deux heures, se transforme en ce qui est unique, notre monde en somme ? Les protagonistes du dernier long-métrage d’Alain Guiraudie sont peu nombreux. Les décors, eux, sont ceux d’un hameau du Gard, comprenant une maison, une ferme, une église et une forêt : rien de bien extraordinaire. La dramaturgie est sommaire : chaque fois que Jérémy, de retour à Saint-Martial pour les funérailles de son ancien patron, sort se promener, il croise une connaissance. Sans explication aucune : chacun apparaît simplement au détour d’un bois, au bord d’un lit ou à la croisée d’une route. On pourrait presque croire que l’on assiste à une comédie de boulevard, les sous-bois et les automobilistes remplaçant juste les placards. Les mêmes scènes se reproduisent, autour d’une table pour l’apéritif ou dans les bois pour la récolte des cèpes. À l’identique ou presque. Lorsqu’un corps disparait, l’enquête policière se déroule avec apathie et même complaisance : à la place de la police, n’importe quel observateur aurait rapidement identifié le coupable. Les dialogues oscillent entre sagesse rurale et réflexions métaphysiques. C’est que l’un des personnages est prêtre, mais d’une manière étrange : demandant à ce qu’on le confesse – au lieu de l’inverse – et tenant des discours excentriques sur le besoin de la violence dans ce monde. La cause guiraudienne a toujours tourné autour du désir. Elle l’est plus que jamais dans Miséricorde. La liberté de Guiraudie, bien sûr, qui depuis un quart de siècle a habitué son public à emprunter des chemins peu conventionnels. Des chemins cinématographiques mais aussi littéraires,…