Ouf… Enfin une date de lancement pour Apple Intelligence en français

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Ouf… Enfin une date de lancement pour Apple Intelligence en français

Annoncé le 10 juin lors de la WWDC 2024, Apple a lancé sa solution d’intelligence artificielle il y a quelques semaines. Cependant, seule une sélection d’appareils Apple bénéficie de l’Apple Intelligence, notamment l’iPad 18.1, l’iOS 18.1 et le macOS 15.1. De plus, l’accès à l’Apple Intelligence est limité pour la plupart des pays européens, ce qui signifie qu’elle n’est pas disponible en français.

Concernant les autres fonctionnalités de l’Apple Intelligence, telles que Image Playground, Genmoji, et l’intégration de ChatGPT avec Siri, elles sont d’ores et déjà accessibles aux bêta-testeurs, sous réserve de disposer de l’iOS 18.2, du macOS 15.2 et de l’iPadOS 18.2.

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L’Apple Intelligence est là. Mais quelques ajustements sont nécessaires pour en profiter

Lundi dernier, Apple a présenté toutes les nouvelles fonctionnalités de l’Apple Intelligence.

Ces fonctionnalités incluent des outils pour résumer des notifications, rédiger des textes et retoucher des photos

Cependant, ne sautez pas de joie tout de suite ! Cela ne signifie pas que vous y aurez accès immédiatement.

Avant d’y accéder, certains réglages sont indispensables. En particulier, il faut activer ChatGPT dans Siri, ce que je me suis donné la peine de vous expliquer dans ce mini-guide.

En ce qui concerne Siri, une version revue, plus précise et performante, devrait être lancée d’ici 2025.

En outre, l’Apple Intelligence est également accessible sur l’iPhone 15 Pro et l’iPhone 16. Si vous possédez un MacBook, il est nécessaire qu’il soit équipé d’une puce M1 ou d’une version plus récente.

Quand l’Apple Intelligence en français sera-t-elle lancée ?

D’après le site spécialisé GSMArena, Apple prévoit un déploiement progressif de son intelligence artificielle dans plusieurs régions anglophones.

Une première phase est prévue pour décembre, englobant l’Australie, le Canada, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud et le Royaume-Uni.

La deuxième étape, qui devrait démarrer en avril 2025, entraînera une élargissement linguistique significatif de l’Apple Intelligence.

Cela signifie que l’assistance IA d’Apple sera accessible dans une douzaine de langues. Cela inclut le chinois, différentes variantes de l’anglais (Inde, Singapour), et le français, sans oublier l’allemand, l’italien, le japonais, le coréen, le portugais, l’espagnol, et le vietnamien.

<pCela dit, la version française de l’Apple Intelligence n’arrivera qu’à partir d’avril de l’année prochaine.

Alors soyez patient. En attendant, vous pouvez déjà vérifier si votre appareil est compatible avec l’Apple Intelligence en suivant ce lien.

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Le Parlement européen souhaite demander 232 899 euros à Marine Le Pen.

CULTURE

À Montpellier, les actes violents de l’extrême droite sont jugés.

Montpellier (34), 1er juin 2024, 22h30 – Malik (1) se promène paisiblement lors de la fête des fanfares. Cet événement annuel, qui se déroule dans le quartier des Beaux-Arts, est en pleine effervescence depuis plusieurs heures. Tout à coup, une petite dizaine d’hommes, souvent masqués, fait irruption. La suite, il la relatera dans Mediapart quelques jours plus tard :

« Quelqu’un m’a saisi par l’épaule et m’a asséné un violent coup au visage. »

Bilan : une dent endommagée et 42 jours d’ITT. Dans sa plainte, il prétend avoir identifié deux militants d’extrême droite, dont Ongwé L. G. Un témoin, qui a tenté d’intervenir durant l’altercation, a corroboré sa présence. Et le voilà, ce 31 octobre, sur le banc des accusés, mortifié dans une veste de costume bleu marine. Ce jeune homme de 24 ans est membre du Bloc montpelliérain, un groupe qui aspire, depuis le début de l’année, à organiser une mouvance nationaliste-révolutionnaire – des néofascistes – à Montpellier. Il y a un mois, ce groupe a diffusé une vidéo sur les réseaux sociaux – retirée 24 heures après, mais que StreetPress a pu examiner – illustrée par des extraits d’articles de presse relatant l’agression de Malik. Cela semble s’apparenter à une revendication de l’exaction, qui prend une dimension politique pour la victime en raison de son engagement syndical.

À la barre, Ongwé L. G. se défend tant bien que mal, mais souvent de manière incohérente. Bien qu’il reconnaisse avoir été présent sur le lieu de l’agression, il conteste toute implication. Il aurait été convié par un ami rencontré « par le sport » à « se joindre à un groupe d’ultra-droite lors de cette soirée ». Un ami qui l’aurait « perdu de vue » au moment de l’agression. « J’ai été écarté par ce groupe en raison de mon identité », déclare même le jeune homme métisse, qui ne se serait pas senti « à l’aise » avec eux. Une déclaration étrange, car Ongwé L. G. a échangé et quitté l’audience en compagnie de Martial Roudier, un identitaire particulièrement violent de la Ligue du Midi – il a purgé une peine de prison après avoir poignardé un antifasciste mineur. Le procureur n’est pas dupe :

« Si vous en avez été écarté, cela signifie que vous avez fait partie de ce groupe à un moment donné, non ? »

« Montpellier, c’est l’Allemagne »

Né en janvier dernier sur les cendres de Jeunesse-Saint-Roch, – groupe dont Ongwé L. G. était déjà membre –, le Bloc montpelliérain se fixe pour objectif de structurer une mouvance nationaliste-révolutionnaire à Montpellier. Un phénomène relativement récent dans le panorama des groupuscules d’extrême droite locaux, longtemps dominé par les identitaires de la Ligue du Midi, vieillissante à cause de l’âge de ses membres.

Alors que Jeunesse Saint-Roch se réfère à un mélange de royalisme et de nazisme, de catholicisme traditionnel et de paganisme, la ligne idéologique du Bloc se veut plus unifiée : en témoigne les conférences portant sur « les bases du nationalisme-révolutionnaire » ou « l’anticapitalisme national » que le groupe organise dans des établissements publics. Rapidement, des stickers « Montpellier, c’est l’Allemagne », ornés d’un char Panzer « Tigre » de l’armée nazie, commencent à se disséminer dans l’espace public.

Les membres ont vite commencé à se manifester dans les rues : le 26 janvier dernier, pendant une mobilisation d’agriculteurs mécontents, Dorian M. enfile sa cagoule en plein milieu d’un groupe s’efforçant de chasser un militant communiste du cortège. Suite au désistement des victimes, il a été relaxé ce 30 octobre pour ces actes de violence. Ce même Dorian M. a également procédé à des intimidations envers les journalistes Samuel Clauzier et Ricardo Parreira durant la manifestation. Dans des images dévoilées par Le Poing, média indépendant montpelliérain, muni de gants renforcés, il se fait entendre asséner :

« En réalité, ici, ce sont les blancs. »

À ses côtés, Ongwé L. G. parle des « Français de souche ».

Célébration néofasciste et alliance contre les drags-queens

Le 3 mars, le canal Telegram Ouest Casual met en ligne une vidéo en provenance de Montpellier montrant un jeune homme portant un t-shirt « Action antifasciste Marseille » se faire agresser par des hommes masqués. La vidéo est accompagnée de leur célèbre slogan : « Montpellier, c’est l’Allemagne ». Entre deux entraînements de boxe avec des membres d’Active Club, un autre groupe d’extrême droite violent, les militants du Bloc ont participé à la manifestation parisienne du C9M, où se rassemblent tous les néofascistes de France. Ils ont également concentré leurs attaques sur une autre cible centrale de leur mouvance : les artistes drags. En juin 2024, le Bloc montpelliérain et la Ligue du Midi ont, par exemple, incité leurs abonnés sur les réseaux à faire des « réservations » pour une lecture pour enfants animée par des drags-queens à la librairie Sauramps lors du mois des Fiertés. Face aux menaces et à la vague de haine en ligne, la librairie a dû abandonner l’événement.

À LIRE AUSSI : « Ici c’est comme l’Allemagne nazie » : un homme roué de coups par des militants d’extrême droite à Mâcon

Mais à l’audience, en écoutant maître Mathieu Sassi, l’avocat d’Ongwé L.G., on apprend que c’est bien son client qui serait victime « d’une campagne de diffamation orchestrée par l’extrême gauche locale ». Il a réclamé l’acquittement du militant d’extrême droite ainsi qu’un complément d’information sur l’enquête. Le procureur, quant à lui, a demandé 12 mois de prison avec sursis, cinq ans d’inéligibilité, une interdiction de port d’arme et un an d’interdiction d’accès au centre-ville de Montpellier. Le jugement sera prononcé le 7 novembre.

(1) Le prénom a été modifié.

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Les grands noms de l'équipement électrique se voient infliger une pénalité de 470 millions d'euros.

INVESTIGATIONS

Les grands noms de l’équipement électrique se voient infliger une pénalité de 470 millions d’euros.

C’est une agréable nouvelle pour le premier ministre Michel Barnier, qui recherche des milliards d’euros pour tenter de finaliser le budget de l’État. Le Trésor public va effectivement recevoir 470 millions d’euros grâce aux sanctions imposées mercredi par l’Autorité de la concurrence à quatre géants français du matériel électrique (Schneider, Legrand, Sonepar et Rexel), pour « entente verticale » sur les tarifs.

Le contre-budget du NFP surpasserait le budget de Barnier en matière de réduction du déficit.

ECONOMIE

Le contre-budget du NFP surpasserait le budget de Barnier en matière de réduction du déficit.

Selon les dernières estimations de croissance fournies par les économistes de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), il est prévu que la croissance française en 2025 pourrait être réduite de moitié si le budget soumis par le gouvernement Barnier était adopté tel quel.

Plus spécifiquement, leurs analyses révèlent un impact récessif de 0,8 point de PIB, ce qui est proche de la prévision de 0,6 point de PIB (Produit intérieur brut) que j’ai récemment discutée ici. Cette contraction de l’économie pourrait également entraîner la perte de 130 000 emplois, selon la même estimation. La décision de diminuer les dépenses publiques tout en augmentant les impôts a donc un coût social significatif.

Sur les plateaux de télévision et dans les journaux, les intervenants affirment sans relâche que nous n’avons pas d’autre choix : notre pays est surendetté, il faut réduire le déficit à tout prix. Même lorsque l’on établit que la dégradation budgétaire est en grande partie causée par la chute des prélèvements obligatoires depuis 2017 ? Oui, nous n’aurions pas d’alternative !

Mettre en doute cette affirmation est extrêmement difficile, voire inaudible : on passe pour un·e idéologue ou une personne déconnectée de la réalité. Comme toujours, quand un récit est aussi bien établi, il est important de le tester : existe-t-il une option moins douloureuse et plus crédible ?

C’est précisément ce que soutient le Nouveau front populaire (NFP), qui a présenté sa propre stratégie budgétaire le 9 octobre 2024. Quelles sont les différences avec celle du gouvernement Barnier ? Aurait-elle des conséquences sociales et économiques distinctes ?

Différence de philosophie

Tout comme le gouvernement, le NFP prévoit d’augmenter de nouvelles recettes. Mais dans une mesure plus importante, avec un montant estimé à 49 milliards d’euros, contre 30 pour le Projet de loi de finances (PLF) 2025. Au-delà des chiffres, leurs approches divergent.

La principale différence réside dans l’utilisation des recettes : « Grâce aux mesures fiscales [proposées], notre pays pourrait réduire le déficit tout en augmentant immédiatement les investissements dans les services publics et les secteurs d’avenir », indique le document.

Le NFP alloue donc une partie des 49 milliards pour réduire le déficit budgétaire et le reste pour financer des dépenses publiques qualifiées d’avenir. L’approche est très différente de celle du gouvernement Barnier, qui se concentre uniquement sur la réduction du déficit, entraînant des effets récessifs notables (la moitié de la croissance). À l’inverse, le budget alternatif du NFP prévoit une augmentation des dépenses publiques. Comment cela pourrait-il réduire le déficit public ? Est-ce viable ?

Pour y répondre, je vais adopter la même méthodologie qu’auparavant, fondée sur les multiplicateurs budgétaires de chaque mesure envisagée. Le tableau ci-dessous présente les mesures du budget alternatif NFP et les traduit en impulsions budgétaires.

Les lecteur·trices intéressé·es trouveront des détails sur les mesures fiscales dans le document du NFP, mais pour cet exercice, nous pouvons retenir trois grandes sources de recettes fiscales.

Il y a d’abord la suppression des exonérations de cotisations sociales (pour les salaires dépassant deux fois le Smic) et d’une partie du crédit d’impôt recherche (CIR). Ce bloc rapporterait 11 milliards d’euros par an. Ensuite, plusieurs taxes sur le capital (ISF vert, suppression du prélèvement forfaitaire unique (PFU), taxation de l’héritage et des superprofits) généreraient 29,5 milliards d’euros par an. Enfin, un dernier groupe comprenant la réforme de la taxe sur les transactions financières, la taxe solidarité avion et la fiscalité des collectivités locales, rapporterait 8,5 milliards d’euros chaque année. Au total, les recettes supplémentaires sont donc chiffrées à 49 milliards d’euros. Combien seront consacrés à réduire le déficit et combien à augmenter les dépenses publiques ?

Étant donné que le communiqué du NFP ne fournit pas de détails, nous pouvons nous baser sur les nouvelles règles européennes qui exigent une réduction annuelle du déficit de 0,6 point de PIB, soit 18 milliards d’euros. Il resterait donc 31 milliards d’euros (soit un point de PIB) pour les dépenses d’avenir.

Pour simuler les effets d’une telle impulsion, tout comme précédemment, j’utilise les multiplicateurs budgétaires et fiscaux issus du modèle Mésange développé par l’Insee et le Trésor (Bardaji et al. 2017), que je complète avec un multiplicateur provenant du modèle de l’OFCE (impôt sur les sociétés). Ces informations sont présentées ci-dessous.

Les deux colonnes montrent les effets pour 2025 et 2026. Comme auparavant, il est intéressant de noter que les effets croissent avec le temps, car l’ajustement de la demande se fait progressivement.

Selon le modèle, les effets continuent d’augmenter même pendant cinq ans, mais comme auparavant, je ne présente les simulations que pour les deux premières années, compte tenu de l’incertitude politique actuelle. Toutefois, même si les valeurs des multiplicateurs restent les mêmes, leur impact variera car les dépenses augmentent au lieu de diminuer. C’est ce que révèlent les résultats ci-dessous.

Les dépenses publiques proposées par le NFP génèrent 0,78 point de PIB d’activité supplémentaire en 2025 et 1,06 point de PIB en 2026. Ce surplus d’activité est toutefois atténué par les effets récessifs des prélèvements obligatoires, qui s’élèvent à 0,66 point de PIB au total (la somme des effets de chaque impôt supplémentaire). Notons que l’effet le plus coûteux se rapporte à la réforme de la fiscalité du patrimoine, qui « coûte » au total 0,44 point de PIB.

Cependant, les effets récessifs sont inférieurs aux gains d’activité, ce qui produit un effet total agrégé positif dès la première année : une légère augmentation du PIB de 0,21 point, soit 6 milliards d’euros par rapport aux prévisions actuelles. Ce surplus d’activité engendre un peu plus de 3 milliards de recettes supplémentaires.

Un autre budget est possible, et il s’avérerait plus efficace

Ainsi, entre les 18 milliards d’euros de recettes directement allouées à la réduction du déficit et les 3 milliards de recettes supplémentaires liées à l’augmentation de l’activité, le déficit diminue de 21 milliards d’euros en 2025.

En 2026, sans autre impulsion budgétaire, le déficit est réduit de 6 milliards (0,21 point de PIB), ce qui indique qu’un nouvel effort de 12 milliards d’euros sera nécessaire pour atteindre l’objectif annuel.

La simulation montre donc qu’avec cette stratégie budgétaire, l’effort à fournir en 2026 est bien inférieur à celui de 2025. Ce résultat est opposé aux implications macroéconomiques du PLF 2025, qui exige un effort budgétaire annuel croissant à cause des effets récessifs des coupes de dépenses publiques.

En conclusion, le programme du Nouveau Front populaire propose une stratégie budgétaire qui augmente les dépenses publiques, stimule l’activité économique et permet de dégager des recettes supplémentaires.

À quoi affecter ces nouvelles dépenses ? Le document du NFP suggère des investissements dans la transition écologique et les services publics. Cela peut se justifier en effet, car dans le cadre de la crise écologique, chaque euro dépensé aujourd’hui diminue les dépenses de réparation demain. De plus, la croissance générée est a priori moins carbonée.

Il existe donc une alternative politique à celle proposée par le gouvernement Barnier. Et elle pourrait aboutir à de meilleurs résultats pour la France.

Les Français disposés à s'acquitter de davantage d'impôts et 3 autres infographies à ne pas manquer

ECONOMIE

Les Français disposés à s’acquitter de davantage d’impôts et 3 autres infographies à ne pas manquer

Chaque semaine, Alternatives Economiques sélectionne quatre graphiques qui offrent un éclairage distinct sur l’actualité.

Dans ce nouveau graphorama : les Français sont disposés à accepter des impôts plus élevés ; les voix comptent différemment à l’élection présidentielle américaine ; les banques françaises n’ont pas réduit leur taille depuis la crise financière ; en Norvège, l’augmentation de l’impôt sur la fortune n’a pas poussé les riches à quitter le pays.

1/ Les Français seraient ouverts à l’idée de payer plus d’impôts, même pour des raisons écologiques

Les Français sont-ils épuisés par la pression fiscale ? Refusent-ils absolument de contribuer davantage par le biais d’impôts pour leurs services publics et l’environnement ? Publiée juste avant le début du débat budgétaire, l’enquête annuelle de l’Ademe sur la fiscalité écologique révèle une opinion différente de celle relayée par certains médias et la droite parlementaire.

En janvier 2023, 53 % des Français excluaient l’idée de payer plus d’impôts pour n’importe quelle politique publique, mais ce refus a reculé à 44 % en janvier 2024, d’après l’étude. La santé reste leur préoccupation principale, suivie de l’éducation et des personnes âgées.

Bien qu’une majorité évalue négativement toute hausse de la fiscalité environnementale, cette enquête, comme les précédentes, démontre que tout dépend de la façon dont cela est mis en œuvre. Pour financer la transition climatique, seuls 35 % des Français seraient en faveur d’une augmentation progressive de l’impôt sur le revenu, mais 68 % soutiennent une hausse des impôts sur le patrimoine des 10 % de la population les plus riches.

Qu’en est-il de la taxe carbone ? « Près de la moitié des personnes initialement opposées à une fiscalité sur les carburants pourraient changer d’avis selon l’usage des recettes, principalement sous forme de redistribution monétaire, que ce soit en faveur des ménages modestes et moyens ou par une réduction d’autres impôts profitant à tous », indique Patrick Jolivet, directeur « Transition Juste » à l’Ademe. Au total, dans ces conditions, 57 % de la population pourrait envisager une hausse de la fiscalité sur les carburants pour lutter contre le changement climatique. » À bon entendeur…

Antoine de Ravignan

2/ Le déséquilibre de pouvoir des petits États lors de l’élection présidentielle américaine

« Une homme, une voix. » La mise en pratique de ce magnifique principe démocratique est particulièrement distinctive aux États-Unis. À quelques jours de l’élection présidentielle, l’accent est mis sur quelques États décisifs, où les résultats détermineront la victoire de Kamala Harris ou de Donald Trump. Dans le système américain, les électeurs n’élisent pas directement leur candidat à la présidentielle, comme c’est le cas en France, mais choisissent des grands électeurs qui sont ensuite responsables de voter pour le ticket présidentiel (composé d’un président et d’un vice-président).

Chaque État se voit attribuer un certain nombre de grands électeurs, qui sont tous donnés au candidat en tête (sauf pour le Maine et le Nebraska). Ce système de « winner takes all » (le gagnant rafle tout) concentre les efforts de campagne des candidats sur un petit nombre d’États où les résultats sont indécis. Ce sont les fameux « swing states », représentés en blanc sur le graphique.

Dans ce cadre, la distribution des grands électeurs désavantage les États les plus densément peuplés au profit des moins peuplés. Par exemple, le Texas détient 40 grands électeurs pour une population de 30,5 millions d’habitants, représentant donc plus de 760 000 personnes par voix pour le collège électoral. À l’inverse, le Wyoming, avec ses 580 000 habitants, dispose de trois grands électeurs (le nombre minimum), chaque électeur représentant seulement 195 000 personnes.

Un candidat peut donc l’emporter en étant élu par le collège électoral tout en perdant le vote populaire, comme cela s’est produit en 2016 avec l’élection de Donald Trump contre Hillary Clinton. Cette année, Kamala Harris mène dans les sondages nationaux, mais elle est en compétition serrée avec Donald Trump dans les projections de collège électoral.

Eva Moysan

3/ Les banques françaises n’ont pas diminué depuis la crise financière

À la fin de l’année 2023, le volume total des activités du système bancaire français était de 9 289 milliards d’euros, selon le rapport statistique annuel sur la banque et l’assurance 2023 publié par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Cela reste équivalent à 3,3 fois le PIB français, contre 4,1 fois à son maximum en 2008, juste avant la crise financière.

Malgré une baisse, l’importance du secteur bancaire français demeure considérable. Cela se manifeste par le fait que la France est l’unique pays avec quatre banques considérées comme systémiques. Ces institutions sont dites systémiques parce que leurs défaillances pourraient déclencher une crise nationale, européenne ou mondiale. Sur tous les établissements surveillés étroitement par le Mécanisme de surveillance unique (le régulateur européen), 35,1 % sont basés en France, loin devant l’Allemagne (18,5 %) et l’Espagne (14,2 %).

Les banques françaises génèrent des bénéfices comme des commerçants. Elles achètent sur un marché de gros à court terme (les dépôts représentant 68 % de leurs ressources), qu’elles prêtent au détail sur le moyen ou le long terme (les prêts à l’économie représentant 57 % de leur activité). La différence entre les intérêts perçus et versés leur a rapporté l’an dernier 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires (soit 43,5 % du total), auxquels s’ajoutent des commissions de 60 milliards pour l’ensemble de leurs opérations. Néanmoins, le secteur bancaire français reste peu profitable : le rendement des capitaux propres s’élevait à 5,9 % en 2023.

Christian Chavagneux

4/ En Norvège, l’augmentation de l’ISF n’a pas fait fuir les riches

Les contribuables les plus riches quittent-ils leur pays quand l’imposition de leurs richesses augmente ? Plusieurs exemples tirés des pays scandinaves montrent que non. La Norvège a, par exemple, relevé son taux d’imposition sur la fortune en 2022 : il est passé de 1 à 1,1 % pour les ménages possédant un patrimoine supérieur à 20 millions de couronnes norvégiennes (1,8 million de dollars).

Après cela, certains contribuables ont effectivement décidé de quitter la Norvège, mais cela a eu un impact limité : leur patrimoine total s’élevant à 4,3 milliards de dollars n’a pas empêché une hausse des recettes de l’impôt sur la fortune. Des économistes ont récemment conduit une étude similaire concernant la Suède, qui avait introduit un impôt sur la fortune en 1911 et l’a supprimé en 2007.

Une fois leur impôt réduit, les 2 % de Suédois les plus riches ont-ils moins souvent quitté leur pays comparativement à la période de 1999 à 2006 ? La réponse est clairement négative : la suppression de l’ISF a eu « des effets remarquablement limités » sur les flux migratoires des personnes soumises à cette taxe, remarquent les économistes. Cet argument, souvent avancé par les opposants à l’impôt sur la fortune, est affaibli.

Aude Martin

Le recyclage représente l'avenir de l'industrie, pourtant cet avenir reste imprévisible.

ECONOMIE

Le recyclage représente l’avenir de l’industrie, pourtant cet avenir reste imprévisible.

Lorsqu’il s’agit de parler du tri des déchets en France, certaines opinions reviennent fréquemment : « Cela n’a aucune utilité », « Tout finit mélangé », « C’est envoyé et enfoui ailleurs »… En 2022, 59 % de nos compatriotes estimait que le recyclage était « un geste minime sans impact écologique véritable ».

Cependant, selon les industriels, le tri représenterait le « premier acte éco-responsable », et le recyclage un secteur industriel en plein essor. Les quantités recyclées augmentent en effet de manière continue et alimentent une industrie en expansion.

L’entreprise américaine Eastman développe en Normandie ce qu’elle appelle « la plus grande usine de recyclage de plastique au monde », capable de traiter 160 000 tonnes de déchets polyester chaque année. Située au bord de la Seine à quelques dizaines de kilomètres du Havre, à proximité d’importants axes de transport, elle pourra recevoir les déchets des grandes métropoles européennes.

Ce projet, qui s’élève à 2 milliards d’euros, attire l’attention de LVMH, Estée Lauder, L’Oréal ou Danone, qui cherchent à se procurer du plastique recyclé. TotalEnergies a, de son côté, investi 500 millions d’euros dans la transformation de sa raffinerie de Grandpuits (Seine-et-Marne) pour produire du biocarburant et du plastique recyclé en collaboration avec Paprec et l’espagnol Plastic Energy.

Suez est également de la partie, s’associant avec le canadien Loop Industries pour investir 250 millions d’euros dans une usine de recyclage de polytéréphtalate d’éthylène (PET) en Moselle. Ce plastique, l’un des plus courants, est fabriqué à partir de pétrole et fait l’objet d’investissements visant à améliorer ses capacités de recyclage.

On peut également mentionner la société française Axens et le japonais Toray, qui ont pour projet de construire une usine dans l’Ain pour recycler 30 000 tonnes de PET par an. Quel est donc ce secteur, présenté comme respectueux de l’environnement, vers lequel se dirigent nos déchets ?

Un domaine porté par des objectifs de recyclage

Ce secteur économique a acquis une certaine ampleur. L’industrie du recyclage emploie 34 400 personnes en France et a généré en 2022 un chiffre d’affaires de 11,6 milliards d’euros, soit une augmentation de 7,7 % par rapport à l’année précédente, grâce à la vente de 39,8 millions de tonnes de matières premières issues du recyclage.

La Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (Federec) regroupe 1 200 membres, dont deux tiers sont des PME et TPE. S’ajoutent à cela des start-up et des bureaux d’études.

« Les entreprises de ce secteur sont généralement des PME dispersées sur tout le territoire, précise Raphaël Guastavi, directeur adjoint à la direction économie circulaire de l’Agence de la transition écologique (Ademe). Lorsqu’elles croissent, elles sont souvent acquises par de grands groupes comme Veolia ou Suez, qui les transforment en filiales. »

Ce développement est principalement dû aux objectifs publics d’augmentation du recyclage. Sur le plan national, l’État a mis en place une stratégie de réduction, de recyclage et de réutilisation des déchets à travers la loi AGEC et la loi Climat-résilience.

Celles-ci prévoient notamment une réduction de 20 % des emballages plastiques à usage unique d’ici 2025 et un taux de collecte de 90 % pour les bouteilles plastiques destinées aux boissons d’ici 2029. Pour accompagner le déchet dans sa transformation en ressource, l’Union européenne a également établi des objectifs de taux de recyclage.

Pour concrétiser ces ambitions, l’État impose aux producteurs de mettre en place des filières REP – pour responsabilité élargie des producteurs – et définit des objectifs à respecter.

Ce système repose sur le principe du pollueur-payeur. En pratique, les producteurs de déchets versent une contribution financière à des entités appelées éco-organismes qui organisent le tri, la collecte et le traitement en collaboration avec les collectivités locales ou des entreprises privées. En d’autres termes : les producteurs doivent gérer la fin de vie de leurs matériaux.

C’est par exemple le cas de Citeo, l’éco-organisme chargé des déchets de papier et des emballages ménagers, dont le conseil d’administration comprend des dirigeants de Carrefour, Heineken, Danone, Henkel, etc. Alimenté chaque année à hauteur de 800 millions d’euros par des industriels, Citeo « finance 73 % des coûts bruts de référence associés aux opérations de collecte, tri et traitement des emballages ménagers ».

À l’heure actuelle, 23 filières REP existent en France et constituent donc cette industrie du recyclage. Les entreprises sont tenues par la loi de verser une contribution à une REP dès qu’elles fabriquent ou distribuent un produit concerné.

Un taux d’incorporation très variable

En plus du tri des déchets, la seconde source de revenu et d’activité est la transformation d’une partie des volumes récupérés en matière première de recyclage (MPR), qui sera ensuite réutilisée dans la fabrication d’un objet.

L’enjeu réside dans l’augmentation du taux d’incorporation, c’est-à-dire la proportion de MPR dans la matière totale utilisée par les industriels. En France, selon les flux, ce taux varie considérablement, principalement en raison des fluctuations de la demande pour ces MPR par rapport aux matières vierges.

La faible incorporation peut également être attribuée à la qualité du tri ou aux difficultés à séparer les flux de déchets. C’est particulièrement vrai pour les papiers graphiques, utilisés pour les prospectus, la presse ou l’édition, pour lesquels les centres de tri ont du mal à atteindre des normes de qualité.

Le plastique illustre bien les diverses difficultés auxquelles sont confrontées les filières de recyclage. Bien que son taux d’incorporation ait doublé entre 2018 et 2020, il demeure faible, en grande partie en raison de la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine : cela a forcé les industriels à répercuter les coûts de collecte et de traitement sur les prix des MPR.

« Le coût de la résine de plastique recyclé a doublé en un an en 2021 à cause de l’augmentation des prix de l’énergie, perdant ainsi sa compétitivité par rapport aux résines vierges », constate Christophe Viant, président de Federec Plastiques.

Au premier semestre 2023, c’est l’effondrement du prix du baril de pétrole qui a réduit la demande en MPR car, mécaniquement, les matières vierges deviennent moins chères. « Sans débouchés fiables et constants, les opérateurs sont incapables d’écouler leurs stocks de matières et doivent ralentir la collecte des déchets en amont ainsi que leur valorisation », ajoute Christophe Viant.

Enfin, le cadre réglementaire concernant les plastiques destinés à l’usage alimentaire est très strict et renforce les exigences des industriels sur la qualité de la MPR. Par exemple, le polystyrène provenant des pots de yaourt n’est pas autorisé à revenir dans le circuit des emballages alimentaires et est désormais transformé en pots de fleurs ou en cintres.

Cependant, cette situation pourrait évoluer grâce aux innovations technologiques et à une réglementation imposant aux industriels des taux minimums d’incorporation. Les premières obligations à cet égard devraient entrer en vigueur le 1er janvier prochain.

Des investissements notables pour un secteur industriel prometteur

Actuellement, seules les résines de PET transparent utilisées pour les bouteilles d’eau peuvent être réintégrées dans le circuit alimentaire. « Certaines résines n’ont pas encore de filière de recyclage pour usage alimentaire comme le polystyrène des pots de yaourt, les emballages composites ou le PET opaque contenant des additifs », rappelle Raphaël Guastavi.

Entre 2020 et 2022, l’État a ainsi affecté 226 millions d’euros de subventions dans le cadre de France Relance à de nouvelles solutions technologiques. Parmi celles-ci, le recyclage chimique se révèle particulièrement prometteur. Son principe consiste à modifier la structure des matériaux par des réactions qui séparent tous ses composants.

Désormais prête pour l’industrialisation, cette solution propose une alternative au recyclage mécanique, lequel ne peut que broyer certains types de plastique déjà purifiés. L’organisation Plastic Europe estime que 7,2 milliards d’euros d’investissements sont annoncés en Europe d’ici 2030 dans cette technologie.

Cependant, cette technologie fait débat. Au-delà des préoccupations soulevées par l’Agence européenne des produits chimiques concernant la fiabilité sanitaire, Polyvia (Union des transformateurs de polymères) soulève aussi des interrogations :

« Si ces technologies sont à présent développées pour traiter des déchets plastiques difficiles ou impossibles à recycler par une méthode mécanique, quel sera le véritable avenir de leurs approvisionnements ? Les réglementations adoptées ou envisagées aux quatre coins du monde visent en effet à éliminer de tels déchets. Vers quelles destinations – et surtout vers quels types de déchets plastiques – les acteurs du recyclage chimique se tourneront-ils à l’avenir ? »

Le développement de cette industrie fait face à un dilemme persistant : pour construire d’importantes capacités de recyclage, il faut continuer à générer un volume de déchets… « Y aura-t-il suffisamment de déchets plastiques pour alimenter toute la chaîne de recyclage, qu’elle soit mécanique ou chimique, dans quelques décennies ? », s’interroge Polyvia.

Cependant, cette inquiétude doit être nuancée, car selon les prévisions de Plastic Europe, la production de plastique devrait tripler d’ici 2050. Mais Christophe Viant estime que si toutes les mesures de prévention sont appliquées, ce volume ne sera « que » doublé :

« Il reste encore des gisements à exploiter. La question pour les entreprises est de savoir s’il est économiquement viable de collecter tous ces volumes supplémentaires. Le recyclage chimique ne pourra véritablement se développer que si les entreprises sécurisent leurs stocks et que le marché offre des débouchés pour les matériaux recyclés. »

Des matériaux à enjeux stratégiques

En réalité, les industriels ainsi que les pouvoirs publics investissent massivement dans le recyclage, et la valeur des déchets est en constante progression. En 2021, la balance commerciale française du secteur, c’est-à-dire la différence entre les exportations et importations de déchets et de MPR, a enregistré un excédent de 4,9 milliards d’euros.

Alors que le volume des exportations doublait entre 1999 et 2021, leur valeur marchande a été multipliée par 5, indiquant qu’un même déchet a désormais plus de valeur. 84 % de ces échanges se font entre pays européens, et devraient encore augmenter avec la création de nouvelles capacités de recyclage et le refus de certains pays asiatiques de recevoir des déchets plastiques.

Au-delà de leur valeur économique, certains déchets sont devenus de véritables ressources stratégiques. Le Plan de relance prévoit ainsi, concernant les métaux critiques, un volet sur le recyclage des batteries au lithium et des déchets électroniques.

Avec ses nombreux projets industriels, le recyclage pourrait incarner l’exemple parfait de la « croissance verte » prônée par le président Emmanuel Macron.

« Le problème de la réindustrialisation réside dans le fait que l’industrie manufacturière n’existe plus en France, tempère toutefois Manuel Burnand, directeur général de la Federec. Le prix de l’énergie, le coût de la main-d’œuvre, ainsi que les contraintes réglementaires et environnementales demeurent des obstacles à la relocalisation des industries. »

« Le monde du recyclage est en équilibre entre l’amont qui permet de capter un déchet correctement trié et un marché en aval qui le réintègre », conclut Jean-Marc Boursier. Extraire et fabriquer en France en assumant les coûts sociaux et environnementaux, voilà un enjeu qui dépasse le simple cadre de l’industrie du recyclage.

Protectionnisme : entre Trump et Harris, davantage de subtilités que de réelles distinctions

ECONOMIE

Protectionnisme : entre Trump et Harris, davantage de subtilités que de réelles distinctions

Les troubles liés au commerce international vont-ils s’intensifier suite à l’élection présidentielle américaine du 5 novembre prochain ? Donald Trump annonce pour sa part une intensification de la guerre commerciale. Le candidat républicain envisage d’augmenter de 10 points de pourcentage les tarifs douaniers sur tous les produits importés, et de 60 points pour ceux en provenance de Chine.

Cette hausse est significative, sachant que le droit de douane moyen mondial s’établit à 3,9 %. Aux États-Unis, il est même légèrement inférieur, à 3 %. Si le candidat l’emporte, ce durcissement du protectionnisme américain modifierait considérablement les échanges et l’équilibre du commerce international.

Est-ce un point de divergence majeur entre Kamala Harris et Donald Trump ? La candidate démocrate est relativement discrète sur ce sujet et suit globalement les traces de Joe Biden. Durant son mandat, celui-ci n’a guère dévié de l’héritage laissé par Donald Trump, qui avait lancé une guerre commerciale dès 2017, en particulier avec la Chine.

En augmentant les droits de douane sur divers produits stratégiques, le candidat républicain visait à la fois à contrer les déséquilibres commerciaux mondiaux et à réduire le déficit commercial des États-Unis, qui dépendent fortement de l’étranger pour l’approvisionnement en biens.

Il cherchait aussi à réindustrialiser le pays après une période où la part de l’industrie dans l’économie américaine a chuté de 21 % du PIB en 1980 à 10 % aujourd’hui.

« La désindustrialisation des États-Unis résulte en partie des stratégies des entreprises nationales qui, dès les années 1980, ont développé des chaînes de valeur mondiales, en divisant leur processus de production en plusieurs étapes et en externalisant les étapes moins rentables, ce qui a finalement permis d’augmenter la rentabilité des entreprises américaines axées sur l’innovation, » précise Benjamin Bürbaumer, économiste à Sciences Po Bordeaux.

Après son élection, Joe Biden a maintenu les droits de douane élevés par son prédécesseur et a même introduit des augmentations sur certains produits tels que les voitures électriques, l’acier et l’aluminium.

Freiner le rattrapage de la Chine

Cette continuité en matière de protectionnisme américain provient de la redéfinition des rapports de force entre les grandes puissances économiques mondiales. La part de la Chine dans les exportations mondiales n’a cessé d’augmenter depuis le début des années 2000, et ce pays a comblé (ou s’apprête à le faire) son retard technologique dans plusieurs secteurs.

En approchant de la pointe de l’innovation, la Chine menace désormais les fondements de la suprématie américaine, incitant Washington à tenter de conserver un écart.

« Les mesures protectionnistes ne limitent pas seulement la circulation du commerce mondial. C’est une façon pour les États-Unis d’intervenir de manière extraterritoriale dans la production chinoise pour tenter de garder durablement la Chine dans une position de retard sur le plan technologique, » analyse Benjamin Bürbaumer.

Car la guerre commerciale est principalement technologique. Donald Trump avait ouvert ce front en 2019 en tentant d’interdire toute collaboration ou commande des opérateurs de télécommunications américains avec Huawei, dans le but d’empêcher la domination de la société chinoise en matière de technologies 5G.

Joe Biden a poursuivi cette tendance en limitant fortement les partenariats des entreprises américaines avec des sociétés chinoises dans les domaines de l’intelligence artificielle et de l’informatique quantique, ainsi que leurs investissements dans ces entreprises.

S’il existe une continuité dans la politique menée par les deux présidents, Joe Biden a toutefois ajouté un aspect de politique industrielle qui faisait défaut dans la stratégie de son prédécesseur. Cette approche s’est concrétisée à travers le Chips Act de 2022, qui vise à stimuler la production de semi-conducteurs aux États-Unis, et l’Inflation Reduction Act (IRA), adopté la même année, combinant des subventions pour les industries américaines de la transition énergétique et des aides à l’achat assorties de conditions de production locale.

Le démocrate n’a donc pas uniquement agi sur le plan fiscal, mais a aussi cherché à orienter et à dynamiser les investissements vers des secteurs jugés stratégiques. Avec un certain recul, quels sont les résultats du protectionnisme américain, notamment l’augmentation des droits de douane ?

Un échec pour la balance commerciale

À court terme, cette politique entraîne une hausse des prix si le distributeur et le fabricant étranger ne modifient pas leurs marges. Les ménages américains ont donc supporté une grande partie du coût de cette politique. Concernant les déséquilibres commerciaux que Donald Trump souhaitait corriger, on peut observer une dissociation des économies américaine et chinoise.

« Il y a eu une baisse significative de la part de la Chine dans les importations des États-Unis, » précise Sébastien Jean, économiste au Cnam. « Celle-ci est passée de 27 % à 14 %. »

Cela a des répercussions pour le reste du monde. En effet, ce que la Chine n’exporte plus vers les États-Unis, elle l’envoie ailleurs, notamment vers l’Europe. Une intensification de la guerre commerciale en cas de victoire de Donald Trump pourrait exacerber ces impacts.

En ciblant tous les produits et pays, une simple hausse de 10 % sur l’ensemble des pays représenterait une augmentation des taxes de plus de 300 milliards de dollars par an. Comparativement, l’ensemble des mesures commerciales entreprises durant son premier mandat a engendré une hausse de seulement 84 milliards de dollars.

Si le découplage entre la Chine et les États-Unis devrait s’accentuer, Sébastien Jean souligne qu’il est en partie factice :

« Les importations en provenance de Chine ont effectivement diminué, mais comme il n’y a pas eu de réduction du déficit commercial, cela signifie que ce que les États-Unis n’importent plus de la Chine, ils l’importent d’autres pays. Les pays qui ont le plus augmenté leurs exportations vers les États-Unis sont le Vietnam et le Mexique, et eux-mêmes ont largement accru leurs importations en provenance de Chine. »

En d’autres termes, les entreprises chinoises ont en partie contourné les restrictions imposées par les États-Unis en s’installant dans des pays voisins.

Quant au déficit commercial des États-Unis, la guerre commerciale s’avère donc être un échec. Le solde entre les exportations et les importations a même continué de s’aggraver, atteignant en 2023 le seuil symbolique de 1 000 milliards de dollars.

De quoi placer en péril la première économie mondiale ? Paradoxalement, non. C’est l’un des privilèges du dollar, qui permet de soutenir les déficits.

« Quand un pays a un déficit de cette ampleur, cela signifie qu’il dépense plus que ses revenus et qu’il s’endette auprès de l’étranger, » résume Sébastien Jean. « Dans tout autre pays, cela conduirait à une crise, mais grâce au rôle du dollar dans le système financier international, les États-Unis n’ont jamais de difficulté à trouver des prêteurs. »

Les technologies, cœur de la guerre commerciale

Sur le plan industriel, « l’impact des politiques de Joe Biden reste difficile à évaluer, » poursuit l’économiste. « On constate une forte augmentation des investissements et des dépenses de construction dans le secteur manufacturier, mais pas encore d’effet sur la production. »

Cependant, ces politiques marquent une inflexion « grâce à leur orientation claire du capital vers tout ce qui concerne l’électronique, l’informatique et les industries vertes – batteries, énergies renouvelables, etc. », ajoute Sarah Guillou, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Dans ce dernier domaine, « l’industrie américaine accusait un important retard. »

Cette faiblesse des États-Unis dans le secteur manufacturier est en partie le résultat de leur force dans le numérique.

« Les facteurs de production (travail, capital) sont limités dans une économie. Pendant des décennies, les États-Unis ont orienté le capital vers le secteur numérique, avec succès, » explique Sarah Guillou. « Cette allocation du capital s’est faite au détriment de l’industrie, mais pas de la croissance. Grâce à ces investissements dans les technologies numériques, les États-Unis disposent aujourd’hui d’une industrie parmi les plus puissantes au monde. »

« La recherche et développement (R&D) permet une appropriation démesurée de la valeur ajoutée du produit fini, » ajoute Benjamin Bürbaumer. « C’est donc le monopole sur la propriété intellectuelle qui constitue la source des revenus des entreprises américaines. »

Le cas d’Apple illustre bien cette dynamique : l’entreprise conçoit des téléphones et délègue leur fabrication, mais c’est elle qui se réserve in fine la majorité des revenus générés par la vente d’un iPhone, au détriment des sociétés qui fabriquent les différents composants ou de celles qui les assemblent. Nvidia, Qualcomm, Broadcom, pour ne citer que quelques autres géants américains des technologies, tirent également leurs profits de leur monopole intellectuel.

« Si la Chine réussit à rivaliser avec la capacité d’innovation des entreprises américaines, le modèle de ces entreprises est menacé, » constate Benjamin Bürbaumer.

Ainsi, qu’importe qui l’emportera lors de l’élection aux États-Unis : les forces qui ont conduit le pays vers une politique protectionniste continueront d’exister. D’une part, Kamala Harris n’envisage pas une diminution des tensions commerciales. D’autre part, Donald Trump promet d’accroître considérablement le niveau de confrontation.

Aucune des deux parties, démocrates ou républicains, n’a contribué à relancer l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui est en stagnation depuis des années, symbolisant un multilatéralisme censé veiller à une résolution collective des conflits.

Comment les centres de rétention ont évolué en dispositif de sécurité pour l’État

INVESTIGATIONS

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Le tournant a probablement été marqué au lendemain du décès tragique de Lola, une jeune fille de seulement 12 ans, assassinée par une citoyenne algérienne le 14 octobre 2022 à Paris. À ce moment-là, un acronyme a commencé à circuler rapidement sur les plateaux de télévision et dans les pages des grands journaux nationaux : OQTF, signifiant « Obligation de quitter le territoire français ». La criminelle de la fillette faisait l’objet de cette mesure d’expulsion, permettant à l’État d’éloigner les étrangers qui, d’après ses critères, n’ont pas vocation à s’établir sur le sol français.