Avec le prêtre japonais qui refuse de quitter une zone radioactive
« Commençons », me dit Nobuhiko Ise en entamant un rythme rapide sur son taiko, un tambour japonais. Il m’explique que c’est pour appeler les kamis et ainsi marquer le début du rituel de prière Shinto, la religion indigène du Japon. Nous sommes assis tous les deux dans le Tsushima Inari Jinja, un sanctuaire comme il en existe beaucoup dans ce pays. Un shimenawa effiloché, la corde tressée distinctive utilisée pour délimiter les lieux saints shintoïstes, est suspendu au-dessus de l’entrée. À l’intérieur du sanctuaire, Ise, 91 ans, vêtu d’un chapeau traditionnel et d’une veste en soie colorée portée par-dessus une robe blanche, pose les baguettes du tambour et s’assoit sur un tatami face à l’autel. Il entame alors des chants : Sous le ciel céleste, que tous les gens, partout dans le monde, puissent trouver calme, paix, et vivre sans rencontrer malheur ni catastrophe… C’est le genre de prière que l’on peut entendre dans n’importe quel sanctuaire shintoïste, n’importe où au Japon. Mais ici, nous ne sommes pas n’importe où. Tsushima Inari Jinja se trouve dans une « hot zone », un endroit fortement contaminée par les retombées radioactives de la catastrophe qui a touché la centrale nucléaire de Fukushima en 2011. Ce sanctuaire, autrefois point d’ancrage spirituel de tout un village, fait aujourd’hui partie d’une ville fantôme. De temps à autre, celle-ci compte un habitant : Ise. L’homme y passe pour une courte durée, juste le temps d’accomplir ses fonctions. Il faudra ensuite revenir en terrain sûr à l’extérieur de la zone. « Je suis un prêtre shinto. Prendre soin du sanctuaire, le nettoyer et accomplir les rituels, c’est mon travail. C’est mon devoir de garder mon sanctuaire vivant. » Mais pourquoi un prêtre continue-t-il à s’occuper d’un sanctuaire où personne ne vient et où personne ne peut venir ? Lorsque je l’ai contacté pour…