L'établissement scolaire souffrant de l'évaluationnite

ECONOMIE

L’établissement scolaire souffrant de l’évaluationnite

L’évaluation représente un aspect fondamental de l’enseignement. C’est un moyen pour les éducateurs d’ajuster et de réguler leur pratique, et c’est un feed-back essentiel tant pour eux que pour leurs élèves.

Cependant, une forme spéciale d’évaluation a pris une ampleur considérable ces dernières années : les évaluations nationales. Initiées en CE2 en 1989 et élargies à partir de la rentrée 2018, elles ont continué à se développer et impliquent désormais les niveaux de CP, CE1, CE2, CM1, CM2, 6e, 4e, 2nde et la première année de CAP.

Ainsi, 2024 sera une année record pour l’Education nationale en matière d’évaluations ! Plus de 6 millions d’élèves ont effectué des tests standardisés au début de l’année scolaire. Quel est l’objectif de cette évaluation inutile ? Quels sont les rôles de ces tests et quels sont les effets indésirables que critiquent les syndicats d’enseignants qui s’y opposent ? Que révèle cette évaluation incessante sur l’évolution de l’école et de la profession enseignante ?

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Considérons le cas du CP. Selon les informations fournies sur le site du ministère, en septembre, les élèves ont passé trois tests de dix minutes en français, et deux de onze minutes en mathématiques. Ensuite, à la fin janvier, en français, il y aura deux sessions d’évaluation de dix minutes et deux épreuves individuelles d’une minute chacune (si vous avez 25 élèves, il faudra s’organiser pour occuper les autres en attendant !). Enfin, en mathématiques, un test de huit minutes et un autre de treize minutes.

Il faut envisager les élèves de CP, qui n’ont eu en septembre qu’une seule semaine de cours depuis la rentrée : ils ont changé d’établissement, de rythme, sont assis plus longtemps qu’en maternelle, ont leur cartable et leurs affaires à gérer… et ils se retrouvent déjà en situation d’évaluation.

Des évaluations dissociées des apprentissages

Ce que la présentation officielle omet de mentionner, c’est le temps d’explication nécessaire pour des élèves un peu stressés et désorientés, les soucis d’organisation matérielle, le simulacre du chronométrage… Après la passation, il y a également la saisie des résultats par l’enseignant (il serait intéressant de discuter des applications et logiciels utilisés dans l’Education nationale et de l’obsolescence du matériel…), sans oublier leur traitement ultérieur.

Ce mélange entraîne le stress des examens, la surcharge de travail des enseignants et la perte de temps qui nuit aux apprentissages. En effet, ces tests sont principalement effectués au début de l’année, période où les élèves commencent à établir quelques repères et habitudes de travail… qu’ils perdent en raison de ces évaluations gourmandes en temps et déstabilisantes.

Nombreux sont les enseignants qui déplorent la perte du plaisir d’apprendre et de la motivation sous la pression de la performance et des risques d’échec. Il est important de noter que ces évaluations sont critiquées depuis leur introduction par les enseignants, car elles ne reflètent pas ce qui se passe en classe.

Souvent, des connaissances non encore abordées sont évaluées. Ces examens imposent des standards aux niveaux de classe, alors que l’éducation est organisée par cycles, qui englobent plusieurs niveaux (CP/CE1/CE2 pour le cycle 2, CM1/CM2/6e pour le cycle 3), permettant normalement des apprentissages prolongés.

« Peser un cochon ne l’a jamais fait grossir », selon un proverbe rural. Le temps consacré à ces tests, qui ne sont pas en lien avec le travail des enseignants, ne contribue que très peu à la remédiation et encore moins aux apprentissages. Ces activités envahissent le temps sans réelle efficacité pédagogique.

Rappelons que l’évaluation en soi n’est pas problématique. Tous les enseignants testent leurs élèves et proposent des évaluations diagnostiques (avant les apprentissages), formatives (pendant) et sommatives (après). Tous cherchent à déterminer le niveau des enfants qui leur sont confiés. Mais pas de cette manière !

Qui est évalué : les élèves ou les enseignants ?

Alors, quelles sont réellement les fonctions de ces évaluations nationales ? Pour répondre à cette question, il est essentiel de remonter à leur origine. Historiquement, il y a toujours eu des dispositifs pour évaluer la performance du système éducatif. Toutefois, pour cela, il n’est pas nécessaire de faire passer des tests à tous les élèves, un échantillon pourrait suffire (comme pour Pisa).

Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education de 2017 à 2021, a eu une influence significative dans l’adoption généralisée des évaluations. Elles se sont intensifiées avec l’expérimentation des dédoublements dans les classes de CP et CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP).

Le ministre considérait qu’il était nécessaire que ces dispositifs soient mesurables. « Il doit y avoir une hausse des évaluations, non pas pour le plaisir d’évaluer, mais parce que c’est un levier indiscutable d’amélioration », affirmait-il en 2018.

Cependant, bien qu’elles soient présentées comme un outil d’évaluation des politiques publiques, elles fonctionnent avant tout comme un outil de pilotage. Au final, elles servent également et surtout à évaluer et contrôler les enseignants.

Comme nous l’avons constaté, cela entraîne effectivement une certaine standardisation des pratiques des enseignants. C’est l’évaluation (l’aval) qui conditionne l’approche pédagogique (l’amont). C’est ce qu’on appelle le « teaching to test ». Si l’on se concentre uniquement sur les « fondamentaux », on risque de n’enseigner que ces éléments.

Ce pilotage et cette normalisation se manifestent tant au primaire qu’au secondaire. Et, au collège, ils se combinent avec une dynamique de sélection, illustrée par les fameux « groupes de niveaux ».

D’une certaine manière, nous assistons à une dépossession du métier d’enseignant qui remet en question la liberté pédagogique. L’école ne doit ni devenir ni être une institution avec des pratiques uniformisées, éloignées des besoins des élèves.

Quantophrénie

Au-delà des évaluations nationales, l’Education nationale souffre d’un mal qui touche de nombreux autres organismes et services publics : la quantophrénie. Ce terme spécifique, introduit par le sociologue américain Pitrim Sorokin, désigne « la maladie qui vous pousse à tout mesurer et à tout quantifier ».

Le sociologue Vincent de Gaulejac l’évoque pour parler de « l’idéologie managériale » dans son ouvrage La Société malade de la gestion. Cela rejoint l’affirmation du célèbre auteur de management Peter Drucker, qui disait que « vous ne pouvez pas gérer ce que vous ne pouvez pas mesurer » : là où le qualitatif serait nécessairement subjectif, le quantitatif offrirait l’objectivité.

Les directeurs d’école et les personnels de direction des établissements secondaires peuvent en témoigner. Une partie de leur travail consiste à compléter des tableaux Excel pour le niveau supérieur.

Les évaluations nationales ne sont qu’une extension de la mesure aux enseignants et aux élèves, illustrant une idéologie managériale appliquée aux services publics. Mais peut-on réduire l’acte éducatif à des tests standardisés et des statistiques ? Bien qu’il soit essentiel d’évaluer, laissons aux enseignants le soin de le faire à leur rythme et selon leur méthode ! C’est leur profession et leur expertise.

Crise agricole : "Pas de crainte, la passion prime avant tout" avouent des étudiants du lycée agricole Bonne-Terre de Pézenas

HERAULT NEWS

Crise agricole : “Pas de crainte, la passion prime avant tout” avouent des étudiants du lycée agricole...

Depuis environ dix ans en France, la mal-être dans le secteur agricole est fortement médiatisé et pourtant, des jeunes continuent de s’engager chaque année dans ce domaine, même si leur nombre a diminué depuis 2019. Certains souhaitent reprendre l’exploitation familiale, tandis que d’autres partent de zéro. La seule motivation pour leur parcours scolaire est la passion du métier, malgré la crise que vivent les professionnels.

Qui sont ces jeunes ? Quelle vision ont-ils de la crise agricole ? C’est ce qu’a souhaité découvrir France Bleu Hérault, alors que les agriculteurs prévoient à nouveau de se mobiliser en début de semaine prochaine, particulièrement à Montpellier et à la frontière espagnole. Les professionnels désirent faire entendre leur voix alors que le G20 s’ouvre au Brésil.

Nous avons visité le lycée agricole Bonne-Terre de Pézenas, un établissement privé qui accueille 400 élèves et offre des formations agricoles et viticoles dès la classe de quatrième jusqu’au BTS, ainsi que des cursus en service à la personne et commercialisation. Un quart de ces élèves suit des formations agricoles.

“La crise agricole, sans crainte”

De nombreux jeunes tendent à se diriger vers des secteurs qu’ils jugent plus modernes, avec de meilleures conditions de travail et une rémunération supérieure. Ceux qui choisissent l’agriculture sont avant tout des passionnés, comme Eliot et Baptiste. Ces deux amis, âgés de 20 et 21 ans, adorent le rugby et le bon vin. L’agriculture est leur passion commune. “La crise agricole, sans crainte”, affirment-ils, étudiants en BTS viticulture-œnologie à Pézenas.

Baptiste, étudiant en alternance, part de rien : une mère qui travaille dans le secteur social à Béziers et un père décédé. Son grand-père était viticulteur à Pouzolles, ce qui lui a donné envie de suivre ses traces. Eliot, quant à lui, est immergé dans la viticulture depuis son enfance. Il se prépare à reprendre l’exploitation de son père à Mont-Blanc lorsque le moment sera venu. Son grand-père était également agriculteur.

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Une baisse de 50% des inscriptions en bac pro gestion exploitation viti-vinicole

Les inscriptions à ces formations ont tendance à diminuer ces dernières années, selon Christophe Lavit, le chef d’établissement : “Auparavant, nous avions autant d’élèves de familles d’agriculteurs que de jeunes sans lien. Aujourd’hui, la proportion de la seconde catégorie a augmenté, tandis que celle de la première a baissé. Nous avons plus d’élèves non issus du secteur agricole. Je pense que c’est parce que les parents vivant de l’agriculture peuvent décourager leurs enfants d’emprunter cette voie, car ils vivent les difficultés du métier au quotidien.

Ces dernières années, nous avons également constaté une chute de l’ordre de 50% des inscriptions, en particulier en bac pro de gestion de l’exploitation vitivinicole, poursuit-il. Est-ce en lien avec la crise ? Probablement, mais cela pourrait également dissuader les élèves d’opter pour ces formations.

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D’après un sondage réalisé à la fin de 2023 par Ipsos, 48% des agriculteurs expriment un pessimisme quant à l’avenir de l’agriculture et de leur exploitation pour la prochaine décennie. La concurrence internationale est leur principale préoccupation. Les contraintes réglementaires représentent le principal frein à la sérénité.

“Avec des moyens et de la volonté, nous pouvons réussir”

“Mon père, qui est vigneron, m’a transmis sa passion“, raconte André, 15 ans, fils de viticulteur à Montbazin, élève en classe de sciences et technologies de l’agronomie. “Le lien avec la nature et l’environnement, je réalise que le vin se venda mal, c’est la raison pour laquelle nous nous rebellons, organisons des grèves, etc. C’est compliqué, mais j’ai confiance en notre capacité à surmonter ces défis.”

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Selon la Mutualité Sociale Agricole (MSA), l’âge moyen des agriculteurs est de 51 ans en France. Seulement 7% des chefs d’exploitation ont moins de 35 ans. L’absence d’engagement de la part des jeunes pourrait évidemment compromettre l’avenir du secteur agricole.

Louane, 16 ans, a pris la décision de s’orienter vers l’élevage. Elle fait partie de ceux qui commencent de rien. “J’ai un lien particulier avec les animaux. Je ne peux pas vraiment l’expliquer. Mais c’est ce que je désire faire. Lorsque j’ai découvert qu’il existait un CAP, je n’ai pas hésité. Mes parents m’ont soutenue, ils disent que “tant que tu fais ce qui te plaît, c’est ce qui importe”. Ils étaient ravis de constater que j’étais la seule fille de la famille à choisir cette voie.”

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Le travail dans l’agriculture est souvent perçu comme difficile, mal rémunéré, et peu attrayant : 85% des Français estiment que les agriculteurs ne sont pas suffisamment payés.

Aujourd’hui, le nombre d’agriculteurs est bien inférieur à celui de 2010, et ils sont en moyenne beaucoup plus âgés. Environ 50% des exploitations devront changer de main d’ici 2026, à condition de trouver des repreneurs.

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Lycée agricole privé Bonne Terre à Pézenas
Lycée agricole privé Bonne Terre à Pézenas © Radio France
Stéfane Pocher