Henri Girard, l’assureur qui tuait avec des champignons
Henri Girard a une épaisse moustache brune, le port altier et l’assurance d’un officier de l’armée. En ce printemps 1918, il aurait pu être à la tête d’un régiment sur le front de l’Aisne. Il serait alors sur le point d’essuyer la violente grêle d’obus toxiques que l’artillerie austro-allemande va faire pleuvoir sur les Poilus, prologue du Friedensturm, l’offensive ordonnée par le général Ludendorff qui doit mettre un terme au conflit. Girard aime maîtriser la situation. Il a passé la Première Guerre mondiale loin du front, mobilisé et incorporé dans le service automobile du camp de Paris. Le 30 avril, il n’est pas dans les tranchées de la Marne mais dans le boudoir de son domicile du faubourg Saint-Denis. Il s’apprête à prendre l’apéritif avec Jeanne Drouhin, une des femmes qui partagent sa vie, et ne sait pas que sa carrière criminelle touche à sa fin. À 43 ans, Henri Girard se prétend encore courtier en assurance. Il n’a pourtant du métier que le bagou et le train de vie. En amour comme en affaires, ce séducteur impénitent charme, convainc et captive ses interlocuteurs. Il est de la race des aigrefins. Un con man qui entretient plusieurs ménages – certaines de ses conquêtes ont divorcé pour convoler avec lui – et pense avoir perfectionné une méthode infaillible pour couvrir ses dépenses d’apparat ; faire établir des polices d’assurance sur la vie à ses futures victimes (le plus souvent à leur insu) et se désigner comme bénéficiaire après la mort des contractants. Ces derniers ont ensuite le bon goût de succomber mystérieusement peu après, soit de la fièvre typhoïde, soit d’un empoisonnement consécutif à l’absorption de champignons vénéneux. Ce 30 avril 1918, Girard et sa complice attendent la visite de Mme Monin, jeune veuve rencontrée quelques mois plus tôt dans un restaurant populaire…