L'augmentation des tensions entre Bruxelles et Pékin met en difficulté le cognac charentais

ECONOMIE

L’augmentation des tensions entre Bruxelles et Pékin met en difficulté le cognac charentais

En tant que victime indirecte d’un conflit ayant pris naissance à des milliers de kilomètres, la Charente se voit obligée de détruire ses vignes. En septembre 2023, la Commission européenne a ouvert une enquête sur les véhicules électriques en provenance de Chine, soupçonnés d’être commercialisés à des prix très bas grâce à des aides injustes délivrées par le gouvernement chinois.

À l’issue de cette enquête, l’Europe a définitivement instauré, le 29 octobre, des droits de douane supplémentaires allant de 18 % à 45 % selon les constructeurs, en plus des 10 % déjà en vigueur. L’initiative, soutenue par la France, a été fermement condamnée par cinq États européens (Allemagne, Hongrie, Malte, Slovaquie, Slovénie), tandis que douze pays, dont l’Espagne et la Suède, se sont abstenus.

Mesure pour mesure. La Chine a réagi en lançant, en janvier 2024, une enquête sur les brandies européens, qui inclut le cognac, l’armagnac et le brandy de Jerez, dont 95 % des expéditions européennes proviennent de France.

« La France est le seul pays européen touché par cette politique, avec des exportations de cognac atteignant 1,1 milliard de dollars en 2023 », précise le Crédit agricole.

Depuis le début d’octobre, Pékin impose donc à ses importateurs de brandies européens un dépôt douanier compris entre 30 et 39 % des montants importés. Ces fonds seront gelés jusqu’à la conclusion de son enquête, prévue pour janvier 2025, et seront débloqués uniquement si la taxe devient définitive.

L’enquête chinoise connaîtra-t-elle le même sort que celle de l’Europe, entraînant la mise en place de surtaxes permanentes ? C’est peu probable, selon Florent Morillon, président du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC), qui rappelle que « le secteur du cognac ne bénéficie d’aucune aide déloyale, ses pratiques respectant parfaitement le droit international ». Quoi qu’il en soit, la taxe temporaire impacte déjà les 283 négociants de la zone d’appellation Cognac.

Le cognac, un enjeu stratégique

La Chine n’a pas agi sans y penser : elle sait que ce secteur repose fortement sur ses ventes à l’international – 98 % du cognac est exporté, d’après le BNIC – et que le marché chinois est crucial pour sa survie.

En 2021, les négociants avaient déjà subi une taxe identique de 25 % imposée par les États-Unis, dans le cadre d’un conflit relatif aux subventions accordées par l’Union européenne à Airbus et par les États-Unis à Boeing.

À l’époque, les négociants avaient été moins touchés car les bouteilles concernées, de qualité supérieure, étaient peu prisées par les consommateurs américains. De plus, ils pouvaient compter sur une demande mondiale en forte hausse post-pandémie, notamment en Asie.

Les bouteilles de prestige dans le viseur de la Chine

Concernant la taxe chinoise, les bouteilles visées sont celles les plus populaires : des cognacs premiums, plus coûteux que ceux destinés à d’autres marchés. En Chine, où le cognac est synonyme de luxe, le coût n’est en effet pas un frein à l’achat. Une étude menée par les économistes Charlotte Emlinger et Viola Lamani a ainsi démontré qu’une hausse de prix n’influençait pas la part de ces cognacs dans les exportations françaises.

De quoi rassurer, en théorie, les maisons de négoce. Toutefois, cette fois-ci, les consommateurs chinois semblent réceptifs au message de représailles politiques émis par Pékin.

« Depuis l’annonce du dépôt, le cognac français n’est plus le bienvenu sur les tables chinoises », raconte le BNIC.

Pour les maisons de cognac, les répercussions de ce boycott varient selon leur dépendance vis-à-vis du marché chinois. Les quatre grands, à savoir Hennessy, Martell, Rémy Cointreau et Courvoisier, qui représentent 90 % des exportations vers la Chine, devraient en principe être temporairement préservés.

« Ce sont leurs filiales en Chine qui doivent acquitter la taxe », souligne le BNIC. Si l’importation devient trop onéreuse, ces maisons évalueront l’intérêt de maintenir leur présence sur le marché. »

Pour l’heure, les maisons de cognac françaises ont ordonné à leurs filiales de continuer d’importer, bien qu’un risque de paiements élevés se profile si les surtaxes se transforment en mesures définitives.

Une approche impensable pour les maisons familiales telles que Hine, Frapin ou Meukow, qui tirent 97 % de leur activité du cognac. En effet, ces entreprises dépendent des importateurs chinois pour que leur cognac soit disponible en rayons.

Or, ces importateurs sont beaucoup plus réticents face à la perspective d’un prélèvement ultérieur des dépôts, et préfèrent donc, pour certains, annuler dès maintenant leurs commandes en France.

Conséquence, les maisons se retrouveront avec un stock invendu, difficile à écouler sur d’autres marchés.

« Chaque type de cognac est adapté à son marché, les préférences des consommateurs américains ne sont pas celles des consommateurs chinois », explique Marie-Laure Coste, secrétaire générale de la maison Meukow.

De plus, « l’inflation et la chute qui s’ensuit du pouvoir d’achat depuis la fin de la pandémie ralentissent la consommation mondiale de tous les spiritueux », a également énoncé François-Gaël Lataste, directeur du BNIC, lors d’une conférence sur l’avenir du secteur organisée par le média Charente Libre.

Un seul mot d’ordre donc : restreindre la production afin d’éviter une surcapacité.

Les viticulteurs contraints de réduire leur production

Cependant, après le regain des expéditions post-Covid, le BNIC avait donné son accord pour la plantation de 3 129 hectares supplémentaires de vignes. En 2023, les récoltes « exceptionnelles » d’ugni blanc, cépage utilisé pour le cognac, avaient permis de produire 12,8 millions d’hectolitres. Que va-t-il arriver à ces bouteilles ? « C’est la question qui taraude tout le secteur », répond le BNIC.

Pour gérer l’excédent de raisins de la dernière vendange, le BNIC propose des « plans d’urgence pour réaffecter les surfaces à d’autres débouchés rentables et pour procéder à une destruction temporaire des vignes, afin de les replanter lors de la reprise des expéditions ».

Le quota de raisin que les viticulteurs peuvent cultiver par hectare a également été abaissé à un niveau historique depuis la crise de 2009. Une décision difficile à accepter pour les viticulteurs, dont les coûts de production n’ont pas diminué.

Des emplois en danger

« Les 4 000 viticulteurs de la région ressentiront la crise, mais à des moments différents », met en garde la viticultrice Mathilde Thorin, qui ne voit d’autre option pour surmonter cette période difficile que de « réduire les investissements, diminuer les charges fixes et reconsidérer les modèles de production ».

Cette consigne est scrupuleusement respectée, puisque les producteurs ajustent déjà leur personnel. Les projets de recrutement saisonniers dans le secteur de Cognac ont chuté de 32 % par rapport à 2023, selon une étude de France travail.

Et cette baisse ne touche pas uniquement les viticulteurs. « Les premiers impacts se font sentir sur les partenaires de la filière, comme les producteurs de bouchons et de bouteilles », s’inquiète Anthony Brun, président de l’Union générale des viticulteurs pour l’AOC Cognac. Le secteur du cognac emploie 14 500 personnes et 72 500 individus en dépendent, des tonneliers aux divers prestataires de services.

La Chine, elle, n’est pas prête de s’arrêter là : elle a indiqué que « les enquêtes sur le porc et ses produits dérivés (notamment les abats) ainsi que sur les produits laitiers étaient toujours en cours », relèvent les économistes du Crédit agricole. Elle n’exclut pas non plus d’augmenter les droits de douane sur les véhicules à moteur thermique de forte cylindrée, ciblant cette fois-ci les fabricants allemands ».

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En Bretagne, un cas de grippe influenza porcin détecté chez un homme

picture alliance via Getty ImagesUn cas de grippe influenza porcin a été détecté chez un homme en Bretagne. (photo d’illustration) BRETAGNE – Un homme a été hospitalisé en raison d’une grippe influenza porcin, a annoncé ce vendredi 10 septembre l’Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne, qui appelle à une “vigilance des professionnels de santé”. “Le Centre national de référence (CNR) des virus des infections respiratoires de l’institut Pasteur a confirmé, le 3 septembre 2021, un cas d’infection humaine par un virus influenza d’origine porcine (H1N2)v”, a indiqué l’ARS dans un communiqué, précisant que l’état clinique du patient était “favorable”. ″À ce stade, il ne peut être confirmé de lien entre l’infection et l’exposition de l’individu à des porcs vivants dans la semaine précédant l’apparition des symptômes. Aucune autre personne symptomatique n’a été détectée dans l’entourage proche du patient”, précise l’ARS. L’agence a toutefois demandé “aux professionnels de santé de la région de réaliser une recherche systématique de virus grippaux chez toute personne en contact avec des porcs” et présentant des symptômes d’infection respiratoire aiguë, comme la fièvre, des maux de gorge, des maux de tête ou de la toux. Des cas généralement bénins Par ailleurs, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a été mandatée pour conduire des investigations épidémiologiques dans l’élevage de porcs supposé à l’origine de la contamination, selon le communiqué qui ne donne pas d’indication géographique sur l’élevage. Quelques cas de transmission de virus influenza à l’homme ont déjà été détectés dans le monde. Ainsi, depuis janvier, environ une dizaine de cas d’infection humaine par des virus A(H3N2)v, A(H1N1)v et A(H1N2)v d’origine porcine ont été ainsi confirmés aux Etats-Unis, au Canada, à Taiwan, au Danemark et en Allemagne, d’après la même source. Les cas humains d’infection par des virus influenza porcins sont généralement bénins, bien que quelques…