“Romance familiale : John Singer Sargent et les Wertheimers,” Critique
Asher Wertheimer était un tycoon juif qui a demandé à John Singer Sargent de le peindre. Les résultats sont étranges, glissants—et certaines des meilleures œuvres de l’artiste.
Asher Wertheimer était un tycoon juif qui a demandé à John Singer Sargent de le peindre. Les résultats sont étranges, glissants—et certaines des meilleures œuvres de l’artiste.
“C’est de la maltraitance“, s’insurge Nassima, qui travaille comme accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH) depuis 15 ans. Bien qu’elle soit passionnée par son travail, elle se sent néanmoins épuisée, tout comme une vingtaine d’autres AESH et enseignants rassemblés devant le rectorat de l’académie de Montpellier, ce mercredi 20 novembre. Ils exigent un statut de fonctionnaire, le recrutement urgent d’au moins 200 AESH supplémentaires ainsi qu’une augmentation de leur rémunération.
Le récit de leur quotidien est difficile à entendre. Nassima relate qu’elle a récemment dû déplacer un élève gravement handicapé, sur le sol, sous le regard de tous. Elle n’a plus l’impression de prendre soin de ces enfants de manière digne. “Parfois, ils font des crises, nous lancent des objets, nous crachent dessus, nous insultent“, décrit Nassima. Des situations stressantes qu’elle arrive à comprendre. “Ils sont frustrés, tout comme nous, certains n’ont même pas de notions de langage, donc ils s’expriment par la violence“, souligne l’AESH.
Ce personnel se plaint également de l’organisation de leurs missions. Depuis quelques années, avec la mise en place des PIAL (pôles inclusifs d’accompagnements localisés), les emplois du temps peuvent changer soudainement. Ces modifications compliquent la vie d’enfants qui ont besoin de stabilité. Anita, AESH depuis près de 10 ans, déclare : “Nous arrivons dans des classes où nous ne connaissons personne, avec des enfants dont nous ignorons tout, même leur handicap, et le fonctionnement de l’enseignant“. De plus, elle explique qu’elle doit laisser les élèves qu’elle accompagne depuis plusieurs mois. “C’est compliqué, car un lien de confiance pédagogique se crée, et des émotions nous lient aussi. Nous les aimons et ils nous aiment“, insiste-t-elle.
Parmi les 2.500 AESH de l’Hérault, la majorité sont des femmes, mais quelques hommes exercent également ce métier. Jamel, en poste depuis 2009, est tout aussi engagé dans son travail mais souligne la faiblesse des salaires de ses collègues. “Je suis en 30 heures, donc je parviens à toucher un SMIC, mais la plupart ne dépassent pas les 1.000 euros par mois“, précise-t-il.
Pour toutes ces raisons, les syndicats FO et le SNALC demandent un recrutement urgent d’au moins 200 AESH. Ils souhaitent obtenir un statut de fonctionnaire, non seulement pour échapper à la précarité, mais aussi pour attirer de nouveaux profils. Ils désirent être reconnus et ne plus être “considérés comme des serpillières“.
Après avoir chanté sous les fenêtres du rectorat la “chanson des AESH en colère”, ces deux syndicats ont été reçus par des représentants de la DASEN de l’académie de Montpellier.
chanson “aesh en colère”
En France, on estime à 12 millions le nombre de personnes affectées par la précarité énergétique. L’année passée, en 2023, d’après le Médiateur de l’énergie, 30 % des foyers ont signalé avoir ressenti le froid chez eux pendant au moins 24 heures.
Nous aborderons ce matin la question de la précarité énergétique avec Lucie Mendes, responsable du développement chez Energies Solidaires, un fonds de dotation qui soutient des associations dans leur combat contre la précarité énergétique.
Il est regrettable que certaines réalités persistent. D’après une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) réalisée au milieu de l’année 2023, 16 % des Français ne consomment pas une alimentation suffisante, tandis que 45 % mangent suffisamment mais sans toujours pouvoir accéder aux aliments désirés.
Les conséquences de l’inflation sur ces manques sont significatives, comme le montre les statistiques des Restos du cœur : en 2022-2023, 18 % de personnes supplémentaires y ont reçu de l’aide par rapport à l’année précédente.
Les banques alimentaires se trouvent en première ligne. L’un de leurs principaux défis est d’augmenter l’approvisionnement en fruits et légumes. Bien qu’elles soient limitées par la composition des stocks invendus de la grande distribution qui leur sont destinés et la logistique plus contraignante des produits frais par rapport aux produits secs, elles bénéficient de l’aide d’organisations de l’économie sociale et solidaire qui se sont engagées à fournir des aliments de qualité aux plus défavorisés.
C’est le cas de Solaal, une association qui regroupe onze antennes régionales (seule la région Nouvelle-Aquitaine est absente) et a été créée en 2013 pour lutter contre la précarité alimentaire et les pertes agricoles. L’association collecte les fruits et légumes auprès des producteurs « lorsqu’ils rencontrent temporairement des difficultés pour vendre leur production », souligne Angélique Delahaye, sa présidente.
Solaal s’occupe ensuite d’organiser le don dans son intégralité, du retrait à l’exploitation jusqu’au transport vers l’association d’aide alimentaire concernée (Restos du cœur, réseau d’épiceries solidaires, Secours populaire, etc.). En dix ans, 35 000 tonnes ont été sauvé de la benne, correspondant à 70 millions de repas.
Depuis quelques années, des récoltes sont également effectuées lors d’opérations de « glanage solidaire » pour des producteurs n’ayant pas pu tout cueillir, pour des raisons techniques ou de calibre. C’est une occasion de créer un lien entre les glaneurs bénévoles – des jeunes du milieu agricole ou des bénéficiaires de l’aide alimentaire – et les agriculteurs.
Ne générant jusqu’à présent aucun chiffre d’affaires, la structure, qui emploie six salariés à l’échelle nationale et quatorze dans ses antennes, dépend des subventions publiques et du mécénat privé.
Elle explore de nouveaux champs d’activité, en offrant la possibilité aux producteurs de vendre certains de leurs produits « à un prix qu’ils déterminent et que nous ne négocions pas », insiste Angélique Delahaye. Une petite part des revenus revient à Solaal, ce qui permet de maintenir la gratuité de la gestion des dons.
De leur côté, les associations d’aide alimentaire achètent les produits grâce aux aides nationales du fonds « Mieux manger pour tous », instauré en 2023 pour améliorer la qualité nutritionnelle des denrées alimentaires d’aide.
A Romans-sur-Isère (26), la conserverie mobile et solidaire, réactivée en 2023 par une nouvelle équipe, a deux ambitions : sensibiliser à la cuisine locale et de saison, ainsi qu’à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Pour cela, elle propose des animations dans des maisons de quartier, des centres sociaux ou selon les demandes de la communauté d’agglomération, ainsi que des ateliers de cuisine ou de préparation de conserves en bocaux.
Ce volet « animation » de La conserverie, constituée en société coopérative d’intérêt collectif (Scic) qui implique dans sa gouvernance les salariés, les maisons de quartier et les bénéficiaires, est associé à une activité de préparation de bocaux pour éviter le gaspillage de productions agricoles. Le tout s’effectue grâce à un camion équipé d’un autoclave capable de réaliser 200 bocaux simultanément.
Une fois les bocaux confectionnés et la prestation rémunérée par les agriculteurs utilisant le camion – ils sont actuellement une dizaine à l’utiliser régulièrement – c’est à eux de gérer leur circuit de distribution : paniers pour des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), marchés, vente directe, etc.
Cependant, une partie de la production de La conserverie est dédiée aux plus démunis.
« Nous menons des opérations de glanage solidaire avec des bénévoles, puis un processus de transformation collective en bocaux, qui sont ensuite distribués aux associations d’aide alimentaire », décrit Célia Schwaederlé, responsable de l’animation-formation de la structure.
Le but est d’étendre la production. « Nous réalisons des économies d’échelle avec les bocaux : plus nous en produisons, plus les coûts diminuent », admet Célia Schwaederlé. En attendant, c’est en grande partie grâce à l’animation que les trois mi-temps des salariées de La conserverie sont financés, soutenus en outre par des subventions publiques.
A Nantes (44), la branche locale de l’association nationale Vrac s’adresse, quant à elle, aux résidents des quartiers prioritaires de la ville et des logements sociaux, à qui elle propose de faire des achats en vrac, principalement de produits bio. Elle dispose d’environ soixante produits, parmi lesquels des œufs, du fromage, du café, des pâtes, des haricots rouges et, récemment, une offre ponctuelle de fruits et légumes.
Vrac Nantes, avec ses quatre salariés à temps plein, dessert près de 800 foyers sur sept quartiers et collabore avec une vingtaine de producteurs.
« Lorsque nous devons choisir entre le bio et le local, nous privilégions le bio, car l’impact écologique des pratiques agricoles est plus déterminant que celui du transport », explique Guillaume Hernandez, responsable de Vrac Nantes. « Les producteurs qui nous ont rejoints au départ étaient plutôt motivés par un engagement militant pour rendre le bio accessible. Aujourd’hui, nous leur offrons un véritable débouché ! »
L’association fait appel à des dégustations pour se faire connaître auprès des habitants, par le biais de travailleurs sociaux, d’autres partenaires du quartier ou de bailleurs.
Pour les consommateurs, « nous sommes 30 à 40 % moins chers que les enseignes bio. Une boîte de six œufs bio et locaux coûte entre 1,10 € et 2,20 € », donne-t-il en exemple. Le prix constitue également le principal attrait pour les habitants.
« Au départ, lorsque l’on évoque le bio, les habitants sont réticents, pensant que cela est réservé aux ménages aisés en centre-ville », précise-t-il. « Des rencontres avec les producteurs, organisées plusieurs fois par an, permettent à certains de changer d’avis, en découvrant ce que le bio implique en termes de qualité des produits, de conditions de production, mais aussi de travail pour les agriculteurs. »
Ces visites et les ateliers de cuisine orientent les adhérents dans la préparation de plats avec les aliments fournis, mettant l’accent sur la sensibilisation à la nutrition chez Vrac.
En parallèle, l’association a récemment lancé l’expérimentation d’une caisse sociale de l’alimentation, qui est l’application locale des principes de la Sécurité sociale alimentaire, déjà en place à Montpellier, Lyon ou Bordeaux.
L’objectif est de démontrer sur le terrain que l’instauration de ce système, basé sur les mêmes trois piliers que notre système de santé – l’universalité, la cotisation et la convention des produits – peut structurellement répondre à la précarité alimentaire, qui est fondamentalement multifactorielle. Et mérite d’être instaurée à l’échelle nationale. Qu’en pensez-vous ?
POUR ALLER PLUS LOIN :
Le débat « Comment se passer des pesticides sans appauvrir les agriculteurs ?» aura lieu le vendredi 29 novembre à 14 h 30 durant les Journées de l’économie autrement, à Dijon. Consultez le programme complet de cet événement organisé par Alternatives Economiques.
Une femme sur deux (contre 46 % des hommes) – et particulièrement 63 % des ouvrières, 56 % des salariées du secteur privé et 57 % des familles monoparentales – citent le pouvoir d’achat parmi les trois préoccupations majeures (cela représente même la priorité n°1 pour un quart des femmes). Ce constat provient d’une étude menée par Amandine Clavaud de la Fondation Jean Jaurès et Laurence Rossignol de l’Assemblée des femmes, analysant les perceptions et attentes en matière de politique et de féminisme, basée sur une enquête réalisée par Ipsos auprès de 11 000 personnes, dévoilée le 11 octobre 2024.
Ce constat s’explique évidemment par les conséquences de l’inflation, mais aussi par les réalités socio-économiques des femmes « révélatrices des inégalités professionnelles et salariales » auxquelles elles font face. Il est bon de rappeler que la dernière étude de l’Insee indique un écart de revenus de 23,5 % entre les femmes et les hommes, et que 59,3 % des personnes au SMIC sont des femmes.
L’étude révèle que les attentes envers le gouvernement concernant l’égalité professionnelle sont particulièrement fortes chez les femmes peu diplômées. Tandis que les femmes cadres semblent exprimer davantage de satisfaction vis-à-vis des mesures adoptées dans ce domaine – la sociologue Sophie Pochic évoque « une égalité élitiste » – cela ne s’applique pas aux salariées à faibles revenus qui sont souvent dans une précarité sévère. Les mères isolées sont ici particulièrement touchées, souffrant d’une exposition accrue à la pauvreté, comme je l’ai déjà signalé dans une précédente chronique.
Chaque dimanche à 17h, notre décryptage de l’actualité de la semaine
Contrairement aux hommes qui placent la question de l’insécurité en deuxième position, la santé représente la priorité n°2 des femmes (35 % des femmes la considèrent comme une préoccupation majeure, contre 29 % des hommes), ce qui reflète en partie les résultats du rapport annuel du Conseil économique, social et environnemental (Cése). L’inquiétude liée à la santé tend à grandir pour celles vivant en milieu rural (39 %).
Les autrices de l’étude soulignent que « les femmes sont les premières à faire face aux insuffisances de notre système de santé ». Au-delà du manque de praticiens dans certains territoires, l’enquête évoque les nombreuses fermetures de maternités, notamment localement, et les difficultés d’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans certains départements, en particulier en zone rurale.
L’accès à la santé touche aussi davantage les femmes âgées (c’est une priorité pour 38 % des femmes de plus de 60 ans). Le vieillissement, ainsi que les questions de dépendance, de maladie et d’isolement, touchent particulièrement les femmes, qui se retrouvent également plus souvent en situation de pauvreté, avec des pensions de retraite bien inférieures à celles des hommes.
Parmi toutes les femmes, 86 % (contre 84 % des hommes) soutiennent l’amélioration du système de santé dans les petites villes, « même si cela peut engendrer une augmentation des impôts ».
<pNeuf personnes sur dix se prononcent en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Bien que seulement six sur dix se déclarent féministes, une progression de dix points est observée par rapport à une enquête similaire menée il y a dix ans. L'impact du mouvement #Metoo a conduit à une prise de conscience générale des enjeux féministes.
Il est évident que les femmes sont toujours plus nombreuses à se montrer favorables à l’égalité et à vouloir aller plus loin (91 % d’entre elles et 85 % des hommes). Cependant, elles sont moins nombreuses à se qualifier de féministes (64 % contre 58 % des hommes).
Ce terme ne suscite pas encore un consensus. Les résistances, voire l’hostilité, sont particulièrement plus présentes chez les hommes : 15 % d’entre eux refusent de progresser davantage vers l’égalité et 42 % rejettent le féminisme…
Les femmes qui se déclarent féministes sont généralement plus jeunes (75 % des 18-24 ans) et plus diplômées (73 % des bac+5). Elles votent aussi plus fréquemment à gauche (81 % des femmes de gauche se définissent comme féministes contre 56 % de celles de droite).
On observe un « modern gender gap » (c’est-à-dire que les jeunes femmes sont plus progressistes que les jeunes hommes) se manifestant dans la forte propension des jeunes femmes à voter à gauche et à se revendiquer féministes, contrairement aux jeunes hommes qui voient des thèses masculinistes prendre de l’ampleur : ces derniers affichent le plus grand désengagement envers l’égalité (moins que les hommes de 60 ans et plus). Parmi eux, une polarisation se dessine entre ceux qui soutiennent pleinement la cause féministe (15 %) et ceux qui s’y opposent catégoriquement (15 % également).
Ces résultats corroborent les données issues du baromètre annuel sur le sexisme du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes : 22 % des jeunes hommes entre 15 et 24 ans et 25 % de ceux entre 25 et 34 ans estiment « qu’il est parfois nécessaire d’employer la violence pour obtenir le respect dans la société » ou encore que pour 39 % d’entre eux, « le féminisme menace le statut des hommes dans la société ».
Ce « modern gender gap » au sein des jeunes générations est également perceptible aux États-Unis, où le clivage – entre jeunes hommes votant pour Donald Trump et jeunes femmes pour Kamala Harris – semble se confirmer.
Parmi les actions attendues du gouvernement se distinguent nettement les préoccupations liées aux violences : la lutte contre le harcèlement scolaire (93 % des femmes), le harcèlement de rue (91 % des femmes) et les violences sexistes et sexuelles (89 % d’entre elles, soit 5 points de plus que les hommes). Ensuite, apparaît la lutte contre les inégalités professionnelles, notamment salariales, ainsi que la situation des familles monoparentales et dans une moindre mesure, l’accès des femmes aux postes à responsabilité.
Il est vrai que la lutte contre toutes les violences sexistes et sexuelles est une priorité reconnue quel que soit le genre, et indépendamment de l’affiliation politique, mais la question des inégalités professionnelles est davantage défendue par les femmes et les partis de gauche.
On sait que les femmes votent de plus en plus pour l’extrême droite qu’auparavant. Lors des dernières élections législatives, deux blocs distincts se sont formés parmi les électrices : 31,5 % d’entre elles ont voté pour les partis de gauche et 31,5 % ont choisi de voter pour les partis d’extrême droite (36,5 % des hommes ont agi de même).
Cette étude indique que les électeurs et électrices votant pour l’extrême droite affichent le plus grand rejet de l’égalité et du féminisme : parmi les 39 % de personnes se déclarant non féministes, 57 % ont voté pour Les Républicains, 51,4 % pour Reconquête ! et 48,5 % pour le Rassemblement national (RN). En revanche, 76 % des électeurs de gauche se disent féministes (soit 14 points de plus que la moyenne).
La religion joue aussi un rôle : si 61 % de l’ensemble se dit féministe, c’est le cas de 65 % des personnes sans religion mais seulement de 55 % chez les protestants, 54 % chez les catholiques, 47 % chez les juifs et 46 % chez les musulmans.
Cependant, lorsqu’on questionne sur les partis politiques les plus investis dans la défense des droits des femmes, 45 % des femmes et 35 % des hommes estiment qu’aucun parti n’est véritablement engagé sur cette cause… Certes, 30 % (28 % des femmes et 32 % des hommes) jugent que les partis de gauche sont ceux en qui ils ont le plus confiance, mais 15 % ont tout de même désigné le RN… Le travail de décrédibilisation de ce parti fonctionne, y compris dans le domaine des droits des femmes, en dépit des nombreuses critiques qui ont été formulées, ici même…
« Médaille d’or pour le social washing, médaille d’argent pour le nettoyage social, médaille de bronze pour le déni démocratique » : le collectif Le Revers de la médaille n’a pas hésité à établir son propre podium des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024. Il a justifié son intitulé : pas question de succomber à l’euphorie estivale en balayant sous le tapis les vérités dérangeantes.
Il s’agit en fait de cela : l’effacement des personnes indésirables – sans-abri, réfugiés, mineurs non accompagnés – et de leurs « lieux de vie informels » (bidonvilles, regroupements de tentes et de caravanes, squats ou abris précaires), afin que la ville lumière apparaisse sous son meilleur angle.
Dans son rapport final concernant les interventions des pouvoirs publics envers les personnes vivant dans la rue et en habitat instable, en lien avec l’organisation des Jeux depuis mai 2023, le collectif met en lumière une stratégie en deux temps.
La première phase a consisté à éloigner les personnes migrantes loin de la capitale afin que, dans un second temps, il y ait des places disponibles dans les structures d’accueil à l’approche de l’événement :
« D’abord, pendant plusieurs mois, un système rigoureux de délocalisation de Paris vers d’autres régions françaises ; ensuite, dans les dernières semaines précédant l’ouverture des Jeux, des solutions d’hébergement en Ile-de-France pour faire disparaître les derniers campements dans la rue. »
Entre le 3 et le 25 juillet (veille de la cérémonie d’ouverture), seize opérations d’évacuation et/ou de « mises à l’abri » ont été recensées, notamment des campements situés le long du canal Saint-Denis que la flamme olympique allait traverser.
Le Revers de la médaille pourrait même se réjouir de cette mobilisation inattendue de ressources exceptionnelles. Le collectif évoque également quelques « rares bénéfices sociaux positifs » des Jeux.
Notamment l’ouverture, par la Mairie de Paris, de deux espaces d’accueil de jour pour les mineurs non accompagnés, des 256 places d’hébergement créées pour les personnes en grande précarité ou la mise à l’abri temporaire sur « sites tampons » en Ile-de-France pour des exilés qui, auparavant, auraient été systématiquement délogés hors de la région.
« Ce changement soudain (…) met en lumière la capacité de l’État à fournir ce genre de solutions, mais également sa volonté de ne le faire que dans une logique calculée de libération de l’espace public, à des fins d’événements et de réputation », souligne le rapport.
Car l’objectif de « nettoyage » est indubitable. L’Observatoire des expulsions a comptabilisé, entre le 26 avril 2023 et le 30 septembre 2024, l’éviction de 260 lieux de vie informels touchant 19 526 personnes, dont 4 500 mineurs. Cela représente une hausse de 33 % par rapport à la même période en 2021-2022.
Il s’agissait essentiellement d’évacuer les sites occupés, qui ont ensuite bénéficié d’aménagements (mobilier anti-SDF) et d’une surveillance policière renforcée afin de dissuader toute réinstallation.
Néanmoins, les hébergements créés pour l’occasion sont restés dramatiquement insuffisants par rapport aux 3 500 sans-abri identifiés à Paris lors de la Nuit de la solidarité en janvier 2024, et leur pérennité est incertaine.
En outre, d’après le collectif, les deux tiers des expulsions n’ont pas été précédées du « diagnostic social » pourtant requis depuis 2018. Et seulement 36 % ont été accompagnées d’offres d’hébergement temporaire. Enfin, 32 % des expulsions auraient été menées sans fondement légal tangible et, pour les deux tiers d’entre elles, le temps nécessaire pour se préparer matériellement ou envisager un recours n’aurait pas été alloué.
Le « nettoyage » a également visé les opposants, soulignent les auteurs du rapport. Le collectif dénonce « un abus de la garde à vue et des placements en centres de rétention administrative (CRA) », ainsi que « l’implémentation d’une justice d’exception » : jugements supplémentaires de comparution immédiate et augmentation des peines d’interdiction d’apparaître sur le sol parisien.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est ainsi félicité de la mise en œuvre de plus de 500 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) en juin et juillet. Émanant des lois antiterroristes et exemptées de tout contrôle juridictionnel, celles-ci ont contribué à restreindre les contestations contre les Jeux.
La semaine précédant cet événement, 70 individus, parmi lesquels des militants d’Extinction Rebellion et des journalistes, ont été placés en garde à vue « sous des prétextes fallacieux ». La grande majorité des procédures a été classée sans suite, mais elles ont permis un « fichage policier sans aucun fondement légal », déplore le collectif, qui redoute « la pérennisation de ces pratiques » visant à « réprimer l’expression politique d’opposition ».
Face à toutes ces critiques, le discours officiel s’en tient à un déni total de cette politique. Cette dernière maintient le statu quo : le système actuel « continue de générer structurellement du sans-abrisme dans la capitale et la région en n’offrant en majorité que des hébergements temporaires », perpétuant ainsi le « cycle infernal des campements et des démantèlements ».
Par conséquent, en ce qui concerne leur coût financier et leur impact environnemental, Paris 2024 s’est seulement avéré légèrement moins mauvais que les éditions précédentes, notamment celle de Rio 2016 qui avait entraîné des expulsions massives de populations précaires ou indigènes, ou celle de Londres 2012 qui avait stimulé un puissant processus de gentrification.
« La France, comme ses prédécesseurs, aura utilisé les Jeux comme une occasion d’accentuer sa politique d’exclusion et de maltraitance sociale envers les plus marginalisés », conclut le rapport.
En dépit de l’opposition de la France, une directive européenne qui prévoit une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes est en voie d’être adoptée. Reste à déterminer comment elle sera intégrée dans les législations nationales. En attendant, la résistance continue de s’organiser sur le terrain.
Dans le domaine de la livraison à vélo, de nombreuses coopératives de cyclistes ont vu le jour çà et là : en France, Sicklo à Grenoble, Fast and Curious au Havre, Les Coursiers de Metz dans la ville éponyme… Au total, on dénombre environ quarante coopératives de cyclistes livreurs et logisticiens dans le pays, toutes affiliées à la fédération CoopCycle.
Le principe : ces coopératives embauchent les livreurs et ont collaboré au développement d’une application de mise en relation. « Nous sommes à la fois livreurs, logisticiens, gestionnaires et mécaniciens (…) Nous ne désirons pas travailler dans une économie ubérisée, nous créons nos propres coopératives », souligne le site de CoopCycle.
En Seine-Saint-Denis, la démarche des chauffeurs VTC est différente. Plus de 500 d’entre eux se sont regroupés au sein d’une société coopérative d’intérêt collectif (Scic), Maze. L’objectif : offrir « une alternative à l’entrepreneuriat fictif des plateformes », précise Brahim Ben Ali, le fondateur et directeur général. Contrairement aux livreurs à vélo, les chauffeurs de Maze ne sont pas salariés de la Scic. Ils demeurent indépendants, étant chacun propriétaires de leur véhicule.
Quels sont alors les atouts de la coopérative ? « Elle négocie des protections sociales, les tarifs des assurances des véhicules et les véhicules eux-mêmes », énumère Brahim Ben Ali. Il s’agit donc d’assurances individuelles, mais négociées collectivement. L’idée est malgré tout de garantir une uniformité dans le service fourni : par exemple, un code vestimentaire sur lequel les chauffeurs se sont mis d’accord.
De manière générale, fini le lien de subordination : les décisions sont prises de manière collective. Maze est constitué de cinq collèges regroupant différentes catégories d’associés, qui participent aux votes : deux collèges « chauffeurs », selon qu’ils comptent plus ou moins de trois ans d’ancienneté, un collège d’utilisateurs bénéficiaires (la part sociale s’élève à 50 euros), un collège d’institutions publiques, incluant l’intercommunalité Plaine Commune et le département de Seine-Saint-Denis, et enfin, un collège « bénévoles ».
Comme pour les VTC des grandes plateformes, et en accord avec la loi Thévenoud de 2014, il est interdit pour les chauffeurs de Maze de proposer des courses « à la volée ». Les clients doivent s’inscrire via une plateforme de réservation, qui a coûté à la jeune entreprise un investissement de 300 000 euros.
Pour une nuit « normale » dans la métropole parisienne, il faut compter environ 3 000 chauffeurs. Avec ses quelque 500 « chauffeurs-sociétaires », Maze est encore loin du nombre requis. C’est pourquoi l’idée est de se lancer d’abord sur le marché professionnel, le B2B, à Lille et Paris. L’entreprise vise également les collectivités. « Il faut roder la bécane », résume Brahim Ben Ali.
Pour un trajet Lille centre-aéroport, un chauffeur Maze percevra 29 euros, auxquels s’ajoute une commission (15 % sur la gamme économique, 20 % sur les berlines et vans) qui va au pot commun et est redistribuée sous forme de bénéfices.
Sur le plan économique, l’incertitude demeure. L’argent reste un enjeu crucial. « Nous n’avons bénéficié d’aucune aide de l’Etat », déplore le PDG. Mi-octobre, Maze a lancé un financement participatif, espérant collecter entre 1,5 et 2 millions d’euros d’ici février prochain. Avis aux intéressés !
Une autre ville, un autre secteur, un autre modèle. À Nantes, Véry’fiable offre depuis douze ans des services de nettoyage et de ménage pour les entreprises et les particuliers. Bien qu’il n’y ait pas de plateforme d’intermédiation dans ce domaine, la précarité y est omniprésente.
« À l’origine, il y a un groupe de cinq personnes travaillant pour une grande entreprise qui ont décidé de fonder leur propre société », résume Anne Chauchat, qui vient de devenir sociétaire après un parcours d’intégration de deux ans. La Scop compte 35 employés, dont seuls 9 ont été transformés en sociétaires après avoir suivi le célèbre parcours.
Véry’fiable emploie de nombreuses personnes initialement éloignées de l’emploi. « Nous collaborons avec des structures d’insertion et des organismes d’accompagnement pour les personnes étrangères », ajoute encore Anne Chauchat.
Le choix de la coopérative répond à plusieurs objectifs : valoriser des métiers souvent dévalorisés ; offrir des perspectives d’évolution professionnelle, avec l’apprentissage de compétences entrepreneuriales, puisque les sociétaires d’une Scop doivent superviser la gestion ; améliorer les conditions de travail ; et répondre à une demande de clients prêts à payer davantage pour des salariés traités avec plus de considération.
« Lors d’une première visite chez les clients, nous examinons le matériel proposé », explique Anne Chauchat. Nous recommandons d’utiliser uniquement du vinaigre blanc et du liquide vaisselle. Un client qui voudrait imposer de l’eau de javel par exemple, c’est non. »
Idem pour les aspirateurs muraux légers : « À l’usage, ils entraînent des tendinites. »
Les employés sont rémunérés au Smic ou au-dessus, en fonction de leur expérience. Le salaire est annualisé, avec un nombre d’heures fixes comptées dans le mois, afin d’assurer une sécurité tout en tenant compte des annulations de dernière minute. Sur le marché des particuliers, la prestation est facturée 33 euros de l’heure + 4 euros de frais de déplacement. « C’est la fourchette haute, mais nous l’assumons », souligne Anne Chauchat.
Sur le plan financier, la Scop se porte bien, même si elle ne génère pas « des marges énormes », précise encore la sociétaire. Elle investit beaucoup dans la formation aux métiers et les parcours d’intégration pour devenir associé. Tout cela sans bénéficier des aides d’une association ou celles d’une structure d’insertion par l’activité économique. Toutefois, elle est en partie soumise à la convention des services à la personne, ce qui permet à sa clientèle de particuliers de profiter d’un crédit d’impôt de 50 %.
Véry’fiable a reçu en 2021 le prix national de la Fondation du crédit coopératif et, en 2023, le prix régional Pays-de-la-Loire de l’économie sociale et solidaire.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Le débat « A-t-on renoncé à lutter contre la pauvreté ? », le samedi 30 novembre à 9 h 45 aux Journées de l’économie autrement, à Dijon. Consultez le programme complet de cet événement organisé par Alternatives Economiques.
En cas d’échec, il ne faut surtout pas se remettre en cause. C’est l’attitude téméraire du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, concernant la lutte contre le trafic de drogue. Ou plutôt contre la drogue, car il semble faire peu de distinction.
Après plusieurs règlements de comptes et faits de violence mortels liés au narcotrafic, le ministre a annoncé un « plan d’action » qui intensifie la politique répressive de la France concernant les stupéfiants.
Lors de son déplacement à Marseille le 8 novembre, Bruno Retailleau a déclaré son intention de mettre en place des « interdictions de paraître » pour les dealeurs dans les zones où ils opèrent et souhaite leur couper leurs aides sociales.
Il désire également « donner au préfet le pouvoir de fermer des établissements de blanchiment » d’argent lié à la drogue. Et, comme si cela ne suffisait pas, « il faut que le délinquant qui trafique puisse être expulsé de son logement », a insisté l’ancien sénateur de droite.
La série des propositions, énoncée aux côtés du ministre de la Justice Didier Migaud, paraît tout aussi longue qu’incantatoire. En ce milieu de novembre, il est difficile de savoir ce qui pourra être concrétisé et ce qui relève de la communication politique destinée aux médias. Une partie de ces suggestions devrait figurer dans un projet de loi qui sera soumis au Parlement au début de l’année 2025.
Avant Bruno Retailleau, Gérald Darmanin avait mené une « guerre contre la drogue » (ses propres mots) sans relâche, à travers des « actions coups de poing », suivies d’opérations « place nette », qui sont devenues « place nette XXL », en avril 2024.
Ces opérations mobilisent des dizaines de policiers et d’agents de la police judiciaire pendant des heures, voire des jours. Pourtant, avec des résultats plutôt maigres au regard des ressources allouées : quelques kilos de drogue, des milliers d’euros en cash, et parfois quelques armes à feu.
« Ces opérations médiatiques s’inscrivent dans une logique à court terme, au détriment de la lutte contre les réseaux de narcotrafic élaborés qui nécessitent des mois d’investigation », dénonce Nelly Bertrand, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature.
En poursuivant l’œuvre de son prédécesseur, Bruno Retailleau continue une surenchère sécuritaire qui pèse sur les finances publiques sans engendrer les effets positifs attendus, à savoir la baisse des trafics et de la consommation.
Ainsi, depuis 2009, le budget annuel consacré à la répression des utilisateurs et des trafiquants de drogue est passé d’un demi-milliard à près de 2 milliards d’euros en 2024, d’après l’annexe du projet de loi de finances (PLF) dédiée à la politique antidrogue.
« Cependant, les crédits accordés aux forces de l’ordre [mentionnés dans les annexes du PLF, NDLR] sont généralement en coût moyen et souvent évalués de manière approximative. Ils n’intègrent pas l’ensemble de l’activité policière dédiée aux stupéfiants », analyse Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé à l’université de Montpellier, et expert des politiques publiques relatives aux drogues.
De plus, ce montant n’inclut pas « les primes ni les indemnités spécifiques, pour les interventions nocturnes par exemple », ce qui signifie que la politique de répression coûte, selon lui, bien au-delà de 2 milliards d’euros à l’État.
Ces ressources conséquentes financent une législation d’exception, avec des méthodes d’enquête très intrusives, par exemple en utilisant, pour intercepter les communications téléphoniques, des dispositifs puissants tels que les IMSI-catchers, souvent accusés de porter atteinte à la vie privée.
L’introduction de l’amende forfaitaire délictuelle en septembre 2020 a provoqué une explosion du nombre de personnes mises en cause pour usage de stupéfiants à partir de l’année suivante.
« Cela revient à sanctionner environ un joint sur 2 500, a calculé Yann Bisiou, qui rappelle que la majorité des amendes concernent les consommateurs de cannabis. Ainsi, il n’y a pas de dimension pédagogique, le fumeur ressent de l’injustice en constatant que d’autres ont pu consommer sans être pénalisés. »
Dans cette quête de résultats, le taux de recouvrement des amendes forfaitaires est peu reluisant. Seules 35 % sont réglées, a reconnu Emmanuel Macron, président de la République, en juin 2023. Qu’en a déduit Bruno Retailleau ? Qu’il fallait accroître leur délivrance et alourdir les sanctions contre les consommateurs.
Le futur projet de loi viendrait s’ajouter à une déjà longue liste de textes antidrogue. Yann Bisiou a compté pas moins de 21 lois et ordonnances adoptées sur ce sujet depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017.
« Cette inflation législative, qui sert principalement à la communication gouvernementale, est souvent contre-productive. Chaque nouvelle loi exige un temps d’adaptation et, par conséquent, renforce l’engorgement des tribunaux », signale Nelly Bertrand, du Syndicat de la magistrature.
En outre, la surenchère répressive n’a pas occasionné de baisse significative de la consommation. La France figure systématiquement parmi les pays européens les plus consommateurs de cannabis, quels que soient les critères utilisés.
D’après les dernières informations de l’EMCDDA (Centre européen de surveillance des drogues et de la toxicomanie), la France présente la plus forte prévalence de consommation de marijuana en Europe durant l’année passée.
« L’objectif de la pénalisation des drogues est d’amenuiser, voire d’éliminer l’usage. Or, le chercheur Alex Stevens a démontré qu’il n’existe pas de corrélation entre le modèle politique choisi concernant la gestion des drogues (pénalisation, dépénalisation ou légalisation) et le taux de consommation », explique Marie Jauffret-Roustide, sociologue à l’Inserm.
Pour la directrice du programme Drogues, sciences sociales et sociétés de l’EHESS, « ce sont plutôt les facteurs culturels ou d’accessibilité qui jouent un rôle majeur ».
Ainsi, bien que nombreux soient les Français à consommer du cannabis, leur usage de cocaïne, de nouvelles substances psychoactives ou d’héroïne reste inférieur à celui du Royaume-Uni ou de certains pays scandinaves. Le niveau de consommation ne constitue donc pas un indicateur pertinent pour évaluer une politique de gestion des stupéfiants, estime Yann Bisiou :
« Les critères à considérer sont le prix et la qualité. Dans un marché illégal, plus un produit est pur, plus il est accessible : il n’est pas nécessaire de le couper. Cela s’applique également si le prix est bas. »
Les données du ministère de l’Intérieur mettent justement en lumière que les principales drogues saisies (cannabis, cocaïne, amphétamine, héroïne) sont de plus en plus pures, à l’exception d’une seule, l’ecstasy, dont la teneur moyenne en principe actif diminue depuis 2015.
Parallèlement, leur prix au détail est demeuré stable depuis 2018, malgré l’inflation. Ce qui prouve que ces drogues sont de plus en plus accessibles et que les trafiquants n’éprouvent aucune difficulté à alimenter le marché.
De surcroît, la politique de prohibition en France, qui pénalise principalement les consommateurs, est largement discriminatoire. Le Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD) souligne ainsi que les individus en situation de grande précarité ont 3,3 fois plus de chance d’être emprisonnés pour des infractions à la législation sur les stupéfiants.
Les jeunes hommes racisés sont surreprésentés parmi les individus incriminés pour infractions relatives aux stupéfiants, conséquence directe de la concentration des interpellations et des arrestations sur cette population, décalée par rapport à la répartition démographique des consommateurs, affirme le CNPD.
« Il y a une confusion entre la lutte contre la drogue et la lutte contre les consommateurs de drogues. La politique de prohibition stigmatise ces derniers, les éloigne des systèmes de soins et nuit à l’élaboration de programmes de prévention », déplore Catherine Delorme, présidente de Fédération Addiction, qui fait partie du CNPD.
La répression est particulièrement nuisible en prison. Selon les données du ministère de la Justice, plus de 13 % des détenus le sont pour des infractions liées aux stupéfiants, en faisant la troisième cause d’incarcération, après les violences et les vols. Pourtant, la prison est un lieu où la consommation de drogues est plus répandue qu’en milieu ouvert, en particulier le cannabis, comme le constatent de nombreuses études.
« S’il existe une tolérance dans beaucoup d’établissements pénitentiaires face à la consommation de drogues, pour maintenir un environnement carcéral calme, la répression limite les opportunités d’accompagnement en cas d’addiction et de politiques de réduction des risques. Les usagers préfèrent se cacher, conscients qu’ils s’exposent à des sanctions disciplinaires ou pénales », décrit Prune Missoffe, responsable des analyses de la section française de l’Organisation internationale des prisons.
« Une politique efficace sur les drogues doit pouvoir prévenir les usages parmi les populations les plus vulnérables, notamment les jeunes, et réduire les risques pour ceux qui consomment déjà », estime Marie Jauffret-Roustide. Pour y parvenir, il est primordial d’investir financièrement dans des programmes de prévention, de soin et de réduction des risques.
« En revanche, dans les pays où la consommation de drogues est pénalisée, les initiatives de prévention et de soin sont moins efficaces. Les consommateurs se sentent plus stigmatisés et moins légitimes pour en parler ou demander de l’aide », souligne la sociologue.
Constatant cette réalité, le Collectif pour une nouvelle politique des drogues a appelé en novembre 2023 à la dépénalisation de la consommation. « Une première réponse nécessaire, urgente et simple, écrit le CNPD, sans préjuger d’autres débats, comme celui sur la légalisation du cannabis ».
A l’heure où la dépénalisation est soutenue même par le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, les gouvernements macronistes persistent dans une politique ultra-répressive, qui rappelle les années 1970 et l’échec. Malheureusement pour les victimes du narcotrafic, la position idéologique du nouvel exécutif est vouée à produire les mêmes résultats.
Cet article est une version mise à jour du premier article de notre série publiée en juillet 2024 « Face à la drogue, la France coincée dans ses contradictions ».
La bataille contre le changement climatique ne pourra se faire sans une diminution des inégalités. C’est avec cette conviction que diverses structures de l’économie sociale et solidaire s’efforcent d’harmoniser la fin du monde et la fin du mois. Le Geres fait partie de cette démarche.
« L’association a vu le jour en 1976 suite au choc pétrolier, fondée par des chercheurs de l’université marseillaise engagés dans des projets d’énergie renouvelable », raconte Hasna Oujamaa, en charge du mécénat et des partenariats au Geres. Ils ont estimé qu’investir dans de tels projets ne devait pas uniquement profiter aux populations aisées et qu’il fallait donner la possibilité aux personnes en situation précaire d’y accéder. »
Le Geres, dont l’acronyme signifie « Groupe énergies renouvelables environnement et solidarité », agit ainsi depuis plus de quarante ans pour honorer cet engagement.
Active dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, essentiellement dans la métropole d’Aix-Marseille, l’association lutte contre la précarité énergétique dans le secteur résidentiel.
« Nous soutenons les ménages afin qu’ils puissent diminuer leurs factures d’énergie et effectuer la transition énergétique de leurs logements », explique Hasna Oujamaa. Cela inclut aussi les habitations soumises aux chaleurs estivales pouvant frôler les 45 degrés. »
Les solutions offertes à ces ménages précaires vont des interventions d’urgence, comme la réparation d’un carreau brisé ou le remplacement d’ampoules incandescentes par des modèles plus économes en énergie, jusqu’à des rénovations plus importantes.
« Nous accédons aux logements afin de mieux comprendre leurs caractéristiques et identifier les points d’intervention, et nous guidons les personnes dans l’accès aux financements publics pour réaliser les travaux », poursuit Hasna Oujamaa.
L’ONG, dont le siège est à Aubagne (13), emploie environ quarante personnes en France, mais a un effectif total de 176 salariés, répartis dans plusieurs bureaux à l’international : Bamako (Mali), Oulan-Bator (Mongolie), Douchanbé (Tadjikistan), Phnom Penh (Cambodge)…
En Mongolie, le Geres a aussi un programme dédié à la rénovation énergétique des habitations. L’ONG applique diverses techniques en s’adaptant aux matériaux localement disponibles et au climat, afin d’identifier les solutions les plus efficaces et acceptées.
« Nous adoptons une approche filière, en essayant de créer un équilibre sur le marché en collaborant avec les banques et les organismes de microfinance, ainsi qu’avec les compétences locales en construction, tout en offrant des formations en autoconstruction et autorénovation », précise Hasna Oujamaa.
Le Geres aborde aussi des enjeux purement énergétiques. Au Bénin, il collabore, par exemple, avec des petites entreprises situées aux abords des villes qui n’ont pas accès à l’électricité, qu’il s’agisse de boulangeries, d’artisans ou de salons de coiffure.
Les solutions peuvent varier : créer une zone d’activités électrifiée en regroupant plusieurs structures, les connecter à un mini-réseau, ou déployer un kit solaire pour produire un peu d’électricité. « L’accompagnement inclut aussi l’aspect économique, car passer à une énergie électrifiée pour un boulanger qui pétrissait auparavant à la main modifie son modèle économique », explique Hasna Oujamaa.
Les bénéfices recherchés ne se limitent pas à l’aspect économique, mais englobent également des dimensions environnementales et sanitaires, car certaines énergies utilisées pour la cuisson peuvent être polluantes et néfastes pour la santé.
Associer des publics en situation précaire à des activités économiques orientées vers l’écologie est une méthode explorée par de nombreuses structures de l’économie sociale et solidaire depuis plusieurs années, notamment dans les domaines de l’insertion et du réemploi. Le projet Ikos à Bordeaux en est un exemple. Cette société coopérative d’intérêt collectif (Scic) regroupe neuf organisations de réemploi solidaire pour créer un village du réemploi.
« Ce projet a vu le jour en 2017 dans l’esprit de cinq directeurs de structures de réemploi solidaire à Bordeaux », raconte Marion Besse, anciennement à la tête de Relais Gironde, qui collecte et réutilise le textile, et aujourd’hui PDG d’Ikos. Nous avons réalisé que nous étions confrontés aux mêmes défis et qu’en nous unissant, nous pourrions y faire face. »
Ces organismes partagent effectivement des locaux souvent restreints, limitant ainsi le volume de produits traités et pouvant altérer les conditions de travail. « À cette époque, nous avons aussi constaté l’émergence d’acteurs du réemploi avec une approche purement commerciale, tels que Vinted ou Leboncoin, et nous avons conclu qu’avec nos structures, nous avions atteint les limites d’un modèle ; que nous avions de nécessaires petites adresses avec des horaires parfois complexes. »
Parmi les neuf structures fédérées aujourd’hui par Ikos, on trouve Le Relais Gironde, Envie Gironde, entreprise d’insertion reconditionnant des appareils électroménagers, Replay, qui retape des jouets, les Compagnons bâtisseurs, qui collectent des matériaux et équipements de bâtiment, Le livre vert, structure d’insertion qui récupère des livres pour les remettre en circulation ou recycler, ou encore la Recyclerie sportive, qui réemploie du matériel sportif.
Après plusieurs années de travail et de recherche, un terrain a été identifié en 2021. Les travaux devraient commencer l’année prochaine, avec une ouverture au public programmée pour le printemps 2027. Ce village Ikos s’étendra sur 12 000 m2, dont 2 000 m2 seront consacrés à une galerie marchande :
« Nous proposerons une offre globale de réemploi, avec presque tous les domaines de consommation pour les particuliers : mode, mobilier, décoration, jouets, électroménager, culture, épicerie antigaspi, articles de bricolage et de jardinage, ainsi que du matériel sportif », avance Marion Bresse.
Ce lieu offrira principalement 8 000 m2 pour stocker et trier, ce qui permettra aux différentes structures de passer d’une capacité de collecte de 8 000 à 13 000 tonnes par an. De plus, il devrait générer 100 emplois nets, portant le total des postes sur le site à 320, dont la moitié seront en insertion.
L’activité de la Scic Ikos, petite structure comptant quelques employés, consistera à animer ce lieu où les structures de réemploi solidaire poursuivront et développeront leurs activités. Cela démontre que ces projets ne sont pas uniquement des alternatives écologiques et sociales, mais également économiques.
Pour aller plus loin :
Le débat « Transition écologique : comment avancer par vents contraires ? », le vendredi 29 novembre à 16 h 30 aux Journées de l’économie autrement, à Dijon. Voir le programme complet de cet événement organisé par Alternatives Economiques.
Dans “New Paris” d’Adali Schell, qui documente sa famille après la mort et le divorce, les individus sont plus compliqués que la pire chose qui leur arrive.
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