Ways to Respond When You’re Stressed and Someone Tells You “Not to Stress”
Souriez et continuez à cligner des yeux de manière emphatique jusqu’à ce qu’ils s’en aillent.
Souriez et continuez à cligner des yeux de manière emphatique jusqu’à ce qu’ils s’en aillent.
Paris, Cour de justice, 29 octobre 2024 – Lors d’un procès pour violences policières, il est inhabituel qu’un représentant légal d’un agent décide de blâmer l’ensemble du service dans sa défense. Pourtant, maître Grégory Hania a choisi cette approche en milieu d’après-midi : « Tous ont vu, tous auraient pu être poursuivis pour non-assistance à personne en danger. » Ce « tous », c’est notamment son client Clément B., ancien chef de poste du commissariat des 5e et 6e arrondissements de Paris, assis sur le banc des accusés pour avoir ignoré les faits et ensuite menti pour couvrir les agissements de ses collègues Maxime D. et Matthieu D. Ces derniers, en garde à vue, ont asséné des coups violents à Mario (1), un homme péruvien d’une quarantaine d’années, dans la nuit du 24 juillet 2024, juste avant la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, sous le regard d’autres policiers et des caméras de surveillance.
Les enregistrements, dévoilés par Libération, retracent une nuit marquée par des agressions et des humiliations successives. L’homme, sous l’emprise de l’alcool et arrêté pour outrage à gendarmes, est giflé dès son arrivée au commissariat par Maxime D. pour un prétendu manque de rapidité à remettre un objet personnel. Dans la salle de fouille, ce même policier utilise une matraque télescopique pour le frapper avant de lui infliger un coup de clef pendant son envoi en cellule, provoquant une importante blessure à l’arcade. Les violences atteignent un paroxysme avec Matthieu D., qui, pendant que Mario, le bras fracturé, attend son transfert à l’hôpital, le frappe à répétition. Face à cette nuit où il a cru mourir, la victime est allée jusqu’à écrire avec son propre sang « à l’aide » en espagnol sur le sol de sa cellule, signant son prénom dans l’espoir que quelqu’un chercherait à comprendre ce qui s’était passé.
Les images du déchaînement de violences subi par un homme dans un commissariat à Paris
Le 24/07, Mario a été placé en garde à vue. Avant-bras fracturé, coup de clé dans l’arcade sourcilière… Libe révèle les graves violences dont il a été victime : https://t.co/0gIWKH81FY pic.twitter.com/rCwzw4MAPe
— Libération (libe) September 19, 2024
Aujourd’hui encore, des plaisanteries circulaient entre anciens collègues. Mais face aux vidéos diffusées à grande échelle au-dessus des juges, les trois accusés baissent les yeux. À chaque gifle retransmise, un silence assourdissant emplit la salle. Un mélange de désarroi et de révolte se propage devant l’inaction totale de la plupart des autres agents présents.
Ces violences, qualifiées de « stupéfiantes » par le procureur, se sont déroulées en partie au centre même du commissariat. « Devant tous, sans la moindre opposition, avec des sourires complices et des jeux de ping-pong à côté », s’indigne-t-il. Pourtant, parmi l’ensemble des fonctionnaires présents lors des faits, seul Clément B. est poursuivi pour non-assistance à personne en danger, qui, en tant que chef de poste, est accusé de ne pas être intervenu pour protéger le détenu. Le juge questionne :
« Vous ne vous êtes pas dit : “Il faut protéger Mario, stop et l’isoler ?” »
À la barre, vêtu d’un col roulé, l’homme évoque un « état de sidération », affirmant avoir été « choqué » par les coups de matraque dans la salle de fouille. Cependant, une autre vidéo, filmée après ces violences, montre Clément B. arborant un sourire complice, comme les autres policiers. « Un mécanisme pour évacuer la tension », tente-t-il d’expliquer sous le regard perplexe du président. Un autre policier présent lors des événements a avoué qu’il ne savait « pas réagir, alors [il a] rigolé avec [ses] collègues ». Un autre encore a admis qu’il aurait dû intervenir :
« J’ai vu mes collègues rester immobiles. Il n’y avait aucune raison pour que Matthieu le frappe. »
Jugé aussi dans cette session pour un autre incident, Maxime D. prétend que ses actions étaient justifiées. Selon lui, la gifle était une réaction à une insulte supposée de Mario. Concernant le coup de clef, il explique que c’était pour l’empêcher de « quitter sa cellule ». Quant aux coups de matraque ayant causé la fracture, il indique que Mario s’était levé de manière « provocante ». « Ce n’était pas : “Ah, je vais me défouler sur lui aujourd’hui” », ironise-t-il. Vêtu d’élégance mais visiblement sous pression, Matthieu D. s’excuse de « s’être laissé emporter ». Son avocat Jérôme Andrei renvoie cependant la faute au groupe, déclarant que ses collègues n’ont rien fait pour « le stopper ou l’aider ». « Ils l’ont laissé s’enfoncer », plaide-t-il.
Pas un agent n’a pourtant averti la hiérarchie des événements. C’est Mario, depuis son lit d’hôpital, qui informe un cadre des violences subies. Devant le tribunal, le procureur fustige :
« C’est comme ces trois singes : “Je n’ai rien vu, rien capté, rien dit.” »
Inversant les rôles, Maxime D. dépose une plainte accusant Mario de tentative de « coup de tête » et comportement indécent, sans mentionner les coups de matraque infligés précédemment. Clément B. et un autre policier appuient son récit. Cependant, un troisième policier, pris de remords, les dénonce et accuse Maxime D. d’avoir voulu « masquer la vérité ». Cette plainte mensongère conduit les agents à être également jugés pour dénonciation calomnieuse, une qualification « très rare », d’après le procureur, soulignant la suppression de messages compromettants entre les trois policiers.
Grégory Hania, défenseur de Clément B. et fervent soutien des forces de l’ordre, décrit les commissariats comme « des écosystèmes isolés ». « Il est difficile de s’opposer à un collègue. Vous exposez tout le monde, y compris vous-même », explique-t-il. Quelques instants plus tard, il critique cependant le policier dénonciateur pour son absence à l’audience – celui-ci ayant déjà opté pour une procédure de plaider-coupable.
Durant sa plaidoirie, Julie Fragonas, l’avocate de Mario, dénonce avec véhémence un « système » et le corporatisme au sein de la police. « Sauver la face passe par le rire », condamne-t-elle. Sa consœur Juliette Chapelle appuie : « C’est une banalité pour eux, un autre jour, une autre personne subissant la même chose ». Elle affirme que ces violences ne sont ni nouvelles ni isolées. Les avocates rappellent enfin que Mario, conseillé par son psychiatre, n’a pas pu se présenter à l’audience. Outre les 30 jours d’ITT, Mario souffre encore de séquelles physiques et psychologiques lourdes.
Pour répondre à ces actes, le procureur a requis des peines de sursis : 24 et 30 mois pour Maxime D. et Matthieu D. avec interdiction permanente d’exercer. Concernant Clément B., il a proposé 12 mois avec sursis et six mois d’interdiction temporaire. Quant aux autres policiers impliqués en périphérie, aucune poursuite n’a été engagée. Le verdict sera rendu le 15 janvier 2025.
(1) Mario est un prénom d’emprunt utilisé par Libération pour préserver l’anonymat de la victime. Nous suivons cette démarche.
Illustration réalisée par Vincent Victor pour la Une.
Meta s’apprête à dévoiler Llama 4, l’IA la plus innovante à ce jour. Si vous êtes curieux de découvrir ses implications, je vous invite à poursuivre votre lecture !
Dans un contexte où la lutte pour l’intelligence artificielle est plus intense que jamais, Meta se prépare à transformer le paysage en lançant Llama 4. Ce modèle d’IA de pointe est conçu pour satisfaire nos attentes : une IA véritablement indépendante. Il sera en mesure de percevoir, planifier et raisonner en temps réel. Le lancement de Llama 4, prévu pour début 2025, pourrait représenter une étape critique dans la compétition pour les modèles d’intelligence artificielle les plus sophistiqués. Ce lancement pourrait également constituer un défi sérieux pour des géants tels que GPT-4 d’OpenAI et le modèle o1 de Kai-Fu Lee.
Contrairement aux modèles conventionnels qui se limitent à suivre des instructions, Llama 4 sera conçu pour transcender ces directives. En effet, elle possède des compétences en raisonnement dynamique et en adaptation. Manohar Paluri, vice-président de l’IA chez Meta, a affirmé que ce modèle saura gérer des contextes en constante évolution en évaluant et réévaluant ses choix au fur et à mesure.
Cette capacité, connue sous le nom de « chaîne de pensée », permettra à Llama 4 d’agir bien au-delà d’un simple assistant virtuel. L’IA pourra envisager diverses options face à des imprévus, comme la nécessité de rediriger un itinéraire en fonction des conditions climatiques.
Un des fondements de cette avancée technologique est le « Dualformer », une architecture qui simule les processus cognitifs humains. Elle intègre une pensée rapide et instinctive ainsi qu’un raisonnement volontairement délibéré. Cette double approche permettra à l’IA de résoudre efficacement divers problèmes, que ce soit pour naviguer dans un dédale ou pour effectuer des calculs complexes. Cette innovation pourrait établir Llama 4 comme un acteur clé de l’industrie, lui permettant de réaliser plusieurs types de tâches avec une grande précision.
Meta mise sur une approche novatrice, combinant apprentissage auto-supervisé (SSL) et apprentissage par renforcement avec rétroaction humaine (RLHF) pour former Llama 4. Cette fusion permet à ce modèle d’acquérir, de manière autonome, des connaissances générales (SSL). Parallèlement, il se conforme aux attentes humaines grâce au RLHF. Ce processus assure des retours d’information précis, aidant l’IA à modifier ses comportements pour des tâches spécifiques. Cette stratégie mixte favorise la flexibilité tout en gardant une spécialisation, ce qui pourrait propulser Llama 4 vers les sommets des modèles d’IA.
Comprendre les spécificités de Llama 4 de Meta est fascinant, mais la question qui taraude de nombreux esprits est : « comment cette IA autonome pourrait transfigurer notre quotidien » ? En réponse à cette question, Yann LeCun, directeur de Meta AI, a évoqué une vision prometteuse pour Llama 4 et ses successeurs. Il se projette vers une IA autonome (AMI) capable d’enrichir la vie quotidienne des utilisateurs.
LeCun envisage ces modèles comme des « partenaires » technologiques essentiels. Ils seront intégrés à nos routines, capables de nous accompagner dans des environnements complexes. Llama 4 pourrait saisir avec finesse les nuances des interactions humaines tout en s’adaptant aux différents contextes. Néanmoins, pour y parvenir, la nouvelle version de Llama de Meta doit progresser vers un raisonnement plus humain.
Alors que les acteurs majeurs de l’IA s’approchent à grands pas de l’intelligence artificielle générale, Meta demeure convaincu de créer un modèle axé sur l’autonomie et la diversité des capacités cognitives. Ils cherchent à l’illustrer avec Llama 4 qui sera disponible d’ici 2025. Avec ce modèle, Meta semble anticiper une avancée en proposant une IA robuste, flexible et capable d’agir de manière indépendante. De quoi redéfinir notre avenir numérique tout en bouleversant les normes à une vitesse phénoménale !
The Diplomat, Heartstopper et Hellbound ne sont que quelques-unes des émissions que vous devez regarder sur Netflix ce mois-ci.
Un récapitulatif des meilleurs films d’horreur britanniques, des comédies classiques comme “Shaun of the Dead” aux cauchemars plus récents comme “Starve Acre”.
Roubaix, Nord (59) – Cela fait déjà deux ans que les machines de l’entrepôt de la marque de vêtements Camaïeu, située sur l’avenue Jules Brame, ne résonnent plus. La vaste allée de platanes, autrefois empruntée par les ouvriers pour se rendre au parking, est aujourd’hui oubliée et encombrée de déchets emportés par le vent. Les stocks et les murs ont été cédés à bas prix aux opportunistes tandis que « les employés se retrouvent en difficulté », déplore Sophie (1), les yeux plissés par le vent. Elle a consacré plus de trois ans de sa vie à cette usine textile, recevant la marchandise avant de l’expédier vers les magasins à travers la France. Mais le fleuron roubaisien de la mode féminine, qu’elle a tant chérie, est désormais disparu:
« Ce ne sont pas seulement 2.600 employés qu’ils ont licenciés, mais aussi toutes leurs familles. »
Derrière elle, son compagnon Christophe (1) l’écoute sans l’interrompre. « Pourquoi ressasser le passé ? Mon destin est déjà scellé », semble indiquer son visage triste. Le quinquagénaire laisse sa femme narrer à sa place son parcours en tant qu’employé logistique dans le quartier des Trois-Ponts à Roubaix, son licenciement inattendu en septembre 2022 et, depuis, les multiples rendez-vous à France Travail, où se multiplient les entretiens d’embauche infructueux :
« Nous sommes désormais deux au chômage. Ils ont plongé mon mari dans la galère et nos enfants aussi. »
Les heures de gloire des usines textiles de Roubaix semblent révolues. La Redoute, les 3 Suisses, Damart, et Phildar font partie de ces marques de prêt-à-porter emblématiques de la région. Aujourd’hui, les célèbres « mille cheminées » des manufactures ne fument plus et les enseignes en lettres capitales disparaissent peu à peu des façades de briques rouges. La liquidation judiciaire de Camaïeu marque la fin d’une ère. Les ouvrières – pour la plupart des femmes attirées par cette marque qui leur ressemblait – estiment que cette chute a été précipitée par les manigances irresponsables d’un seul actionnaire : Michel Ohayon, l’ex-propriétaire de l’enseigne, classé 104ème fortune de France en 2022. « Nous étions ses petits playmobils. Le jour où il ne souhaitait plus jouer, il s’est débarrassé de nous pour passer à une autre marque », s’insurge Cathy (1), l’une des leaders de la contestation qui a amené le milliardaire devant les prud’hommes.
La liquidation judiciaire de Camaïeu marque la fin d’une ère. /
Crédits : Archives municipales de Roubaix
« J’espère que chacun d’entre nous réussira à retrouver un travail dans lequel il se sentira bien. Car pour nous, la retraite, ce n’est pas encore pour maintenant », écrit une ancienne employée dans le groupe Facebook « des anciens de Camaïeu ». Ce groupe réunit environ 800 salariés nostalgiques. Depuis la fermeture, les messages de soutien affluent, accompagnés d’offres d’emploi et de conseils juridiques dénichés sur Internet. Cathy a quant à elle transformé son appartement en permanence administrative pour ses collègues aux prises avec les nombreuses démarches suite à leurs licenciements : demandes d’aides au reclassement, inscriptions aux formations et contrats de sécurisation professionnelle, calcul des indemnités… « Pour ma part, je me suis vite relevée. J’avais l’intérim dans le sang. Mais les plus expérimentés ont eu plus de mal à tourner la page », explique la syndicaliste de 40 ans, tirant distraitement sur sa cigarette électronique :
« Certains avaient 30 ans de boîte et ne savaient plus comment rédiger un CV ou une lettre de motivation. »
Aujourd’hui, les célèbres « mille cheminées » des manufactures ne fument plus et les lettres capitales des enseignes ont disparu des façades de briques rouges. /
Crédits : Archives municipales de Roubaix
Cette solidarité a débuté bien plus tôt, se remémore Louisa, une autre ancienne de l’usine Camaïeu. « Nous avons tenu deux mois ensemble devant le siège après l’annonce de la liquidation en 2022. Ceux qui se sont retrouvés seuls chez eux ont sombré dans la dépression. » La sexagénaire a été licenciée après 28 années de service. « Un soir, un ancien collègue m’a même appelés pour dire qu’il envisageait de mettre fin à ses jours », s’émeut-elle.
Plus de la moitié des ouvriers licenciés en 2022 n’auraient pas retrouvé d’emploi. /
Crédits : Captures d’écran de vidéos de l’INA
Un plan de sauvegarde de l’emploi a été mis en place lors de la fermeture de l’enseigne. Une procédure légale, à la charge des mandataires judiciaires, pour éviter de laisser des centaines d’ouvriers sur le carreau. « Dans ce plan, ils souhaitaient absolument me former aux métiers de l’aide à domicile ou de la main-d’œuvre. Ils ne pensaient pas un instant que je pourrais vouloir faire autre chose », se souvient Louisa avec amertume, qui a finalement réussi à obtenir une formation dans le domaine administratif. « Les postes pour le reclassement étaient situés à Toulouse (31), Bordeaux (33), Paris (75) ou Lyon (69) », ajoute Cathy, qui a rejeté les diverses offres qu’elle considère déconnectées de la réalité :
« On nous a demandé de tout quitter pour devenir femmes de ménage ou serveuses dans les hôtels d’Ohayon. »
Elle a finalement décroché un emploi de caissière dans la grande distribution de la ville. Selon la syndicaliste, plus de la moitié des employés licenciés en 2022 n’ont pas retrouvé d’emploi depuis.
Cela fait déjà deux ans que les machines de l’entrepôt de la marque de vêtements Camaïeu ne résonnent plus. /
Crédits : Captures d’écran de vidéos de l’INA
1993. Louisa enchaîne plusieurs petits boulots précaires lorsque son grand-frère lui suggère de tenter sa chance chez Camaïeu. Née en 1984, l’entreprise locale est alors en pleine expansion. « La marque ouvrait sans cesse de nouveaux magasins et jouissait d’une excellente réputation. J’habitais à proximité de l’entreprise, c’était idéal », se remémore l’ancienne employée. Embauchée dès son premier entretien, elle garde de sa carrière les plus beaux souvenirs :
« Nous étions tous solidaires et sur un même pied d’égalité. Quand de nouvelles personnes arrivaient, nous faisions tout pour les accueillir. »
Jean-Pierre Torck, PDG de l’époque, mise sur le circuit court pour contrer les délocalisations, devenues monnaie courante dans le domaine textile. Il résume sa stratégie avec la formule « 80 % de la production dans un périmètre de 300 km autour de Roubaix » – soutenu par les subventions de la municipalité et de la préfecture du Nord. L’homme d’affaires fonde Camaïeu avec trois autres dirigeants de l’empire Mulliez, une famille influente dans le Nord qui possédait déjà plus d’une centaine de magasins Auchan à l’époque. Les quatre jeunes entrepreneurs des années suivant la récession souhaitaient également profiter de la success-story roubaisienne et entendaient « relancer une nouvelle industrie textile » en s’adressant aux femmes de la classe moyenne. Une collection tendance mais accessible, promettant à la clientèle de se vêtir de la tête aux pieds. « Le vrai bonheur est fait de petits bonheurs », résume leur slogan.
En 2008, la marque ouvre 116 nouveaux magasins et enregistre un chiffre d’affaire de 709 millions d’euros. /
Crédits : Captures d’écran de vidéos de l’INA
Le concept fonctionne et Camaïeu connaît son heure de gloire. Rien qu’en 2008, la marque ouvre 116 nouveaux magasins et affiche un chiffre d’affaires de 709 millions d’euros. C’est durant cette période de succès que Cathy rejoint avec fierté la « famille Camaïeu », devenue une icône du prêt-à-porter féminin en Europe. Après un divorce difficile et de nombreuses missions intérimaires, elle signe son premier CDI en tant qu’employée logistique. Avec les 200 salariés de Roubaix, elle est chargée de réceptionner les marchandises, d’emballer les vêtements, de les étiqueter, avant de les envoyer aux magasins. « Je ne souhaitais pas porter des charges jusqu’à ma retraite, mais j’ai rapidement compris que mon poste n’était pas figé. Il n’y avait aucune limite si l’on souhaitait s’investir », se souvient-elle, charmée par cette organisation du travail fondée sur la participation des ouvriers.
Jean-Pierre Torck a fondé Camaïeu avec trois autres cadres de l’empire Mulliez. /
Crédits : Archives municipales de Roubaix
Le début du nouveau millénaire coïncide avec la montée de l’e-commerce. Les dirigeants manquent le coche et le marché est grignoté par Primark, Zalando et d’autres précurseurs de la vente en ligne. Camaïeu accumule les dettes aussi vite que les conditions de travail de ses employés se détériorent. « Lors de chaque réunion mensuelle, nous étions traités comme des lapins de six semaines : un directeur nous assénait des informations tirées du JT pour expliquer les soucis de l’entreprise, avant de nous rassurer », s’énerve encore Cathy :
« Nous aurions pu sauver notre peau en cherchant du travail ailleurs. Mais ils nous ont laissés poireauter jusqu’à la dernière minute. »
En 2012, une grève éclate au siège de Roubaix. Les employés logistiques, souvent obligés de recourir aux compléments RSA pour atteindre le SMIC, exigent une augmentation de salaire. Ils sont soutenus par Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon, qui dénonce alors « des prédateurs qui s’enrichissent au détriment de la misère des autres ». Le député fait référence aux 23 millions d’euros de stock-options attribuées en 2008 à l’ancien PDG sortant, Jean-François Duprez. Les salariés obtiennent enfin satisfaction, mais les exigences de rendement demeurent croissantes et la gestion devient agressive. Cathy évoque « des méthodes militaires » :
« Alors, nous mettions ces managers aux machines, les laissions patauger et nous leur demandions : “Alors, c’est qui les patrons maintenant ?” Les terminators, c’est nous qui les avons mis à genoux. »
La combattante se souvient des noms donnés aux anciennes machines de l’entrepôt : Océane, Corail, Calypso, Atlantis… Elle avait même la responsabilité de leur entretien parfois. Pour réaliser des économies, les budgets de maintenance avaient été supprimés…
Le début du nouveau millénaire correspond à l’essor du e-commerce. Les dirigeants voient leur marché grignoté par la vente en ligne. Camaïeu s’endette, les conditions de travail des ouvriers se détériorent. /
Crédits : Captures d’écran de vidéos de l’INA et archives municipales de Roubaix.
2016, Camaïeu cumule une dette d’un milliard d’euros. En 2018, l’entreprise est mise sous sauvegarde par le tribunal du commerce et un mandataire judiciaire est désigné. L’entreprise parvient tout de même à tenir le coup, et les actionnaires continuent à investir, parfois de manière hasardeuse. Camaïeu maintient son image face aux tempêtes : elle est élue en 2017 et 2018 « enseigne de vêtements préférée des Françaises », puis « meilleure chaîne de magasins de la catégorie Mode Femmes ». Les ouvriers de Roubaix refusent de croire en l’effondrement et s’accrochent. « Personne ne s’imaginait que cela puisse vraiment se produire. Jusqu’au bout, les collègues étaient dans le déni », se désole Louisa.
Née en 1984, l’entreprise Camaïeu est à ses débuts en plein essor. /
En mai 2020, Camaïeu est placé en redressement judiciaire : 450 employés sont licenciés, parfois privés d’indemnités pendant plusieurs mois. Au tribunal du commerce, le patron Ohayon se manifeste. Il assure qu’il embauchera tous les salariés et investira 84 millions d’euros pour sauver l’enseigne. Le juge le sélectionne pour le rachat. Un nouvel espoir germe chez les ouvriers. « Au début, nous souhaitions lui accorder notre confiance, il avait mille projets. Et puis, nous avons commencé à ressentir que quelque chose n’allait pas », se remémore Cathy. Louisa ajoute :
« Dès la première réunion, il nous assénait de grands discours. Nous le surnommions : “La vérité si je mens”. »
Le prêt de l’État qu’Ohayon espérait pour relancer l’activité lui est refusé, et les factures continuent à s’accumuler. L’entreprise tente un ultime coup de com’ début 2022 avec une campagne en ligne représentant des femmes victimes de violences conjugales. Accusée de « glamouriser les violences », le bad buzz est immédiat.
La pandémie de Covid-19 aggrave la situation, comme partout ailleurs : jugés comme secteur non essentiel, les 511 magasins du réseau ferment durant le premier confinement. Cependant, les ouvriers de Roubaix ne cessent de lutter, raconte Cathy :
« Dès que nous avons eu la permission de reprendre le travail sur une base volontaire pendant le confinement, nous sommes retournés à l’entrepôt avec des visières et des masques. Nous faisions des journées de 10 heures non-stop. Nous ne voulions pas couler ! »
De son côté, Thierry Siwik, délégué CGT de Camaïeu, tente de solliciter de l’aide auprès du ministre du Travail de l’époque, Roland Lescure. En vain. « Nous avons même présenté un projet de sauvetage de la société avec de nouveaux fonds. Nous avons mis 30 millions sur la table qui auraient pu préserver 1.800 emplois. Ils ont refusé d’en entendre parler », soupire le syndicaliste, qui dénonce une « faillite orchestrée par les actionnaires ». Le 28 septembre 2022, l’alarme retentit. Ohayon fait son apparition au tribunal du commerce avec un plan de continuité bâclé sur une feuille A4. L’entreprise est placée en liquidation judiciaire et les 2.600 employés sont licenciés sur le champ. « On nous a laissé une demi-heure pour vider nos vestiaires. Je n’oublierai jamais les cris de désespoir de mes collègues », s’attriste Louisa.
Le patron Sébastien Bismuth a acquis la marque pour une bouchée de pain. 11 nouveaux magasins consacrés aux collections femmes ouvrent sous une nouvelle identité : « Be Camaïeu ». /
Crédits : Archives municipales de Roubaix et Jeremie Rochas
« Camaïeu va rouvrir ses portes. Un symbole de la France, quoi ! Ils visent à devenir une marque cool, créative, inclusive et surtout moderne », s’enthousiasme Léna Situation dans une vidéo sponsorisée. L’influenceuse aux 4,7 millions d’abonnés sur Instagram a été engagée par le groupe Célio, tout récent propriétaire de Camaïeu, pour annoncer la résurrection de la marque. Le patron Sébastien Bismuth a acquis la marque à bas prix, récupérant les murs et tout le reste. 11 nouveaux magasins dédiés aux collections féminines ouvrent sous une nouvelle identité : « Be Camaïeu ». Mais les centaines d’ouvrières remerciées en 2022 ne font pas partie de l’aventure. Bien que quelques postes aient été proposés dans le nouveau magasin du centre commercial de Lille (59) inauguré fin août, les recruteurs ont rapidement été recalés. « Camaïeu est mort en 2022 avec ses 2.600 salariés, laissez-nous tranquilles », rugit Cathy :
«Aujourd’hui, aucune d’entre nous ne souhaite postuler. Ce sont les valeurs de Camaïeu qui nous attiraient et elles ont disparu. »
Des ouvrières licenciées de Camaïeu racontent la lente mort de la marque, jusqu’à sa résurrection sous la bannière de Célio… sans elles. /
Les anciennes ouvrières ont intenté plusieurs recours aux Prud’hommes pour licenciement abusif. Au tribunal de Roubaix, un petit groupe d’anciens salariés de l’entrepôt est rassemblé derrière Maître Fiodor Rilov, avocat renommé des laissés-pour-compte par les multinationales. Fidèle à son poste, il fait résonner sa voix rauque dans la petite salle d’audience des Prud’hommes :
« Nous sommes là pour faire payer les responsables de cette catastrophe sociale ! »
En février dernier, Cathy et Louisa ont également déposé plainte contre Michel Ohayon pour « abus de biens sociaux », avec 200 autres anciens employés de Camaïeu. Le propriétaire de la holding Financière immobilière bordelaise, qui regroupe plus de 150 sociétés, est accusé d’« un certain nombre d’opérations opaques, anormales et injustifiées » et d’« agissements fautifs », considérés comme « la cause première et déterminante de la faillite de l’entreprise ». En septembre 2021, un trou de 26 millions d’euros dans les comptes de la société avait été mis au jour. « Nous avons compris qu’il utilisait notre travail pour régler les factures de ses autres sociétés pendant que nous travaillions d’arrache-pied pour sauver la boîte », fulmine Cathy. Contactée par StreetPress, la société de Michel Ohayon n’a pas répondu à nos questions. Elle lutte néanmoins pour faire renvoyer l’affaire. Une situation éprouvante pour les ouvrières. Mais Cathy, pleine de détermination, ne compte rien laisser passer :
« Même si ça dure 15 ans, je serai toujours présente. Et si nous perdons, nous lui aurons au moins fait payer les frais d’avocats. »
Les anciennes ouvrières ont engagé plusieurs recours aux Prud’hommes pour licenciement abusif. /
Crédits : Archives municipales de Roubaix
Les prénoms ont été modifiés.
Illustration de Une de Timothée Moreau.
Le rassemblement présentait Hulk Hogan, Rudy Giuliani, “Y.M.C.A.”, et un bourdonnement de nativisme américain.
No Time to Die, Killer Heat et American Fiction ne sont que quelques-uns des films que vous devriez regarder sur Amazon Prime Video cette semaine.
Le graphorama, c’est quatre infographies sélectionnées chaque semaine par la rédaction pour regarder l’actualité autrement.
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