Dans les Hautes-Alpes, pas de répit pour les exilés
D’abord, ce sont cinq ombres fuyantes qui surgissent et courent de toutes leurs forces. Les sacs s’entrechoquent contre leur dos. Puis des hurlements, déchirant le silence de la station de ski plongée dans la nuit. “Reste là ! RESTE LÀ !”. Tout s’accélère alors : les éclairs de lumière blafarde, le vrombissement des motoneiges, la course effrénée des hommes en uniforme. Entre eux et les ombres, la distance se rétrécit. Face au front de neige, un bénévole de Médecins du Monde, Alfred Spira, accourt. Les yeux rivés sur la scène, il enfile sa veste siglée du symbole de l’ONG. A ses côtés, Manou, membre de l’association Tous Migrants, presse le pas. “Hé ! Oh ! Il y a des gens, là !”, crie un gendarme, faisant soudain volte-face. “Vous avez des attestations ?”, lance-t-il, arrivé à leur hauteur. Les deux bénévoles déclinent le nom de leurs associations respectives. “Une carte, quelque chose qui le prouve ? Une pièce d’identité ? Je vais à la voiture contrôler tout ça”. Pendant ce temps-là, épuisés, les cinq exilés ont renoncé à fuir. Les gendarmes les ont arrêtés, fait monter dans leur véhicule. Direction le poste-frontière. Après quoi, ils seront refoulés en Italie. “Comment peut-on poursuivre des humains comme si c’était des bêtes… Je ne comprends pas, je ne comprends pas”, répète Alfred Spira, les yeux humides, rajustant ses gants. En décembre 2018, sept maraudeurs ont été condamnés pour “aide à l’entrée irrégulière”, deux ont écopé de peines de prison ferme. Au col de Montgenèvre, une fois la nuit tombée, ces situations sont quotidiennes. Plus loin dans les bois, des maraudeurs sont présents un peu partout pour porter assistance aux exilés qui viennent de passer la frontière. Baptiste est consciencieux. Il sait quand s’arrêter, il sait qu’il vaut mieux marcher sur l’herbe plutôt que de poser ses pieds dans la neige, qui crisse…