Avec ou sans soutien-gorge, pourquoi les femmes sont contraintes de cacher leurs tétons
FEMMES – Couvrez ce téton que je ne saurais voir. Quand Tartuffe dans la pièce de Molière demande à Dorine de couvrir sa poitrine, le spectateur ne peut que bouffer de rire devant tant d’hypocrisie de la part de ce dévot trop pieux pour être vrai. Et pourtant, il semblerait que les Tartuffe courent les rues. Le dernier sondage de l’Ifop que nous avions relayé questionne l’essor et les limites de la tendance “no-bra” (le fait de délaisser le soutien-gorge). Il est révélateur de nos a priori et de notre méconnaissance de cette partie de l’anatomie de la femme. L’étude questionne entre autres les raisons qui poussent celles qui ne sautent pas le pas. Les plus jeunes du panel se montrent réticentes à cause de “la pression sexuelle” qu’elles subissent dans l’espace public. Comme l’explique l’Ifop dans sa synthèse, “les jeunes de moins de 25 ans, qui sont aussi les plus exposées au harcèlement de rue, semblent avoir intériorisé les risques de ‘rappel à l’ordre’ dans le cas où elles transgresseraient les injonctions à couvrir leurs poitrines – et notamment leurs tétons – dans l’espace public.” Malheureusement, les données récoltées leur donnent raison. 48% des Français interrogés par l’Ifop assurent qu’une “femme qui ne porte pas de soutien-gorge prend le risque d’être harcelée, voire agressée”. Plus grave encore et qui signe de l’ancrage de la culture du viol, pour 20% des Français “le fait qu’une femme laisse apparaître ses tétons sous un haut devrait être, pour son agresseur, une circonstance atténuante en cas d’agression sexuelle”. “Les seins des femmes ne leur appartiennent pas” Mais que se joue-t-il autour des tétons? C’est la preuve d’un “paradoxe”, selon la philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie, professeure de science politique à l’Université de Reims et autrice de l’essai “Seins, en quête d’une libération” (Anamosa, 2020)…